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Marché des grains
Australie : quel impact des pluies sur le blé 2021/2022 ?

Les conditions météorologiques en Australie ont participé à la hausse des prix du blé tendre sur Euronext, qui ont atteint un record historique en semaine 47 sur les échéances décembre et mars.

Les cours du blé tendre au plus haut!
© Ella Le Lièvre/La Dépêche Le Petit Meuneir

« Environ 40 % des blés australiens pourraient être de qualité fourragère lors de la récolte 2021, en raison des fortes précipitations frappant le pays ces derniers jours, ce qui est énorme », déclare Nathan Cordier, analyste au sein du cabinet Agritel. Divers analystes privés et publics prévoient d’importants volumes nationaux, autour de 32 Mt, mais la qualité ferait donc défaut.

 

 

« Une année de référence semblable serait 2010, durant laquelle d’importantes pluies sont tombées en Australie, dégradant fortement la qualité. Plus de 50 % des blés récoltés étaient des lots fourragers! », explique Nathan Cordier. Les précipitations récemment tombées se sont concentrées sur l’est du pays, important bassin de production, provoquant, entre autres, des inondations, sachant que de nouvelles sont attendues dans les prochains jours. Dans l’Ouest, « les rendements ont été très bons, diluant le taux de protéine », précise le spécialiste.

Des traders "short" en blé de qualité australien

Reuters expliquait en semaine 47 que divers traders ont survendu les blés meuniers australiens, et se retrouvent désormais "short". Or, cette matière première se fait plus rare cette année. Le Canada et les États-Unis sont traditionnellement d’importants pourvoyeurs, mais ont connu des déboires (dôme de chaleur au Canada, qui a également touché les blés de printemps dans le nord des États-Unis, "grenier" de blé de qualité). Les Russes disposent certes d’une moisson de qualité, mais ces derniers ont appliqué des politiques de restrictions aux exportations, sous la forme de taxes. Ces restrictions pourraient s’intensifier en 2022 (hausse des taxes ? Mise en place de quotas ?).

La situation australienne explique donc en partie le fait que les cours du blé tendre sur Euronext ont atteint un niveau record en semaine 47. Cela s’ajoute à un contexte de marché mondial des grains déjà tendu. Les stocks au sein des exportateurs internationaux sont bas rappelle Nathan Cordier, confirmant les propos tenus par divers analystes lors du Global Grain du 16 au 18 novembre dernier à Genève.

« Il est probable de ne pas voir de baisse significative de prix du blé tendre jusqu’à avril 2022 au moins. On ne peut pas se permettre un nouvel incident climatique […] On attend un apogée de tension généralement en février d’habitude », alerte Nathan Cordier. Sous-entendu que les prix pourraient encore monter.

Bien qu’il soit encore tôt pour se prononcer, un nouveau déficit hydrique frappe actuellement les blés d’hiver aux États-Unis et en Russie, pénalisant potentiellement la récolte 2022. Ajoutons à cela la flambée des engrais, incitant les agriculteurs à réduire leur fertilisation, et les achats de panique de certains pays liés à la pandémie de Covid - 19… « Jamais autant de risques ne se sont accumulés », selon Nathan Cordier.

Des fonds très acheteurs sur les marchés à terme

Autre élément haussier à court terme : les positions des fonds très acheteuses sur les marchés à terme européen et états-unien. Selon le dernier rapport hebdomadaire d’Euronext du 24 novembre, les opérateurs non commerciaux ont augmenté leurs positions nettes longues entre le 12 et le 19 novembre sur le contrat blé tendre, passant de 155 856 lots à 171 924 lots, un plus haut depuis août 2021. À Chicago, les « money managers » (équivalents d’opérateurs non commerciaux) sont nets longs de plus de 15 000 lots sur le contrat blé tendre SRW (Soft Red Winter), constituant là aussi un plus haut depuis août 2021. « Les fonds sont bien rentrés dans le marché », conclut Nathan Cordier.

Toutefois, les fortes positions acheteuses détenues par les fonds pourraient peser à terme sur les prix, si ces derniers décidaient de vendre massivement. Ensuite, les bonnes récoltes de maïs dans le monde (Ukraine, États-Unis, France…) apportent un peu de pression sur les cours du blé, les fabricants d’aliments pour animaux mondiaux (et français) se détournant du blé vers le maïs actuellement, souligne Nathan Cordier, ainsi que plusieurs opérateurs privés.

Cours du maïs sur Euronext proche du record

Concernant le marché du maïs justement, « on n’est pas très loin du record, qui est de 265 €/t en clôture en spot sur Euronext », rappelle Nathan Cordier. Une hausse des prix du maïs, dépassant ce niveau record, n’est pas à exclure. « Pour l’instant, les conditions de cultures sont bonnes au Brésil. Mais attention, le phénomène La Nina pourrait frapper », avertit le spécialiste d’Agritel.

Supercycle haussier? Difficile à dire!

À plus long terme, va-t-on pour autant entrer dans un supercycle haussier des prix des grains, comme le prédit Goldman Sachs dans une étude fin 2020 ? Difficile à dire d’après Agritel. « C’est très compliqué. Une question à réellement se poser est : dans quel état sera la demande? On en perdra en provenance de la nutrition animale, de l’amidonnerie… en raison de marges négatives. Des opérateurs risquent de réduire leur consommation, voire de fermer des usines, diminuant la production d’aliments pour animaux. Mais quelle sera la progression de l’offre ? Entre 2007 et 2012, les pays exportateurs, la Russie en tête, ont fait progresser leur production de blé de 70 Mt, contre seulement 30 Mt entre 2012 et 2021. Quel est le potentiel de progression post 2021, sachant que les taxes actuelles à l’exportation de blé tendre russe n’incitent pas vraiment les agriculteurs locaux à investir dans la production, tout comme la hausse des engrais. Et on ne pourra pas supporter un nouvel incident climatique », s’interroge Nathan Cordier.

Les opérateurs pensaient il y a quelques semaines que la situation australienne allait détendre légèrement le marché à court terme, et aider à supporter la période de soudure avec la récolte 2022 dans l’hémisphère nord. Aujourd’hui, cela semble compromis pour l’Australie. Les conditions de cultures en Argentine s'avèrent bonnes pour l’instant néanmoins. Reste à savoir ce qu’il va se passer en Europe de l’est, de l’ouest, aux États-Unis et au Canada.

Des solutions existent pour augmenter l’offre mondiale de grains dans les années à venir, avec notamment la hausse de la production de blé d’hiver en Russie, ou le recours à la déforestation au Brésil. « Mais ce n’est pas l’objectif recherché concernant le Brésil […] Le potentiel de hausse de production mondiale semble moins élevé post 2 021 qu’auparavant pour le moment », tempère Nathan Cordier.

 

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