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Filière laitière : le coup de gueule des JA du Cantal

Pas question pour les Jeunes agriculteurs du Cantal de voir s’étioler la production laitière départementale, faute d’ambition de la filière et de rémunération correcte des producteurs. 
 

Le Cantal a perdu 88 millions de litres de lait en dix ans.
© Patricia Olivieri

Décidés à secouer les cocotier laitier

Si le désert laitier avance, léchant dangereusement le Sud du Massif central et le Cantal, après avoir englouti le Sud-Ouest, ce n’est pas pour une fois la faute du changement climatique. Mais bien le fruit d’une stratégie de l’aval de la filière, qui pendant des années voire des décennies, a fait des producteurs sa variable d’ajustement, s’appuyant sur leur résilience pour maintenir des prix du lait bas et des marges confortables, estiment les Jeunes agriculteurs du Cantal, bien décidés à “secouer le cocotier laitier”. 
“Ça a dégoûté des générations de producteurs, assène Valentin Delbos, président du syndicat jeune. Résultat : on perd un grand nombre de producteurs laitiers, la production s’étiole et la Châtaigneraie qui était le bastion laitier du département n’en est plus un, c’est désormais le secteur de Saint-Flour.” 

Lire aussi /Des méthodes d'un autre temps pour la fixation du prix du lait

88 millions de litres de lait perdus en dix ans

Et la relève ne se fait pas, avec à peine 30 installations en bovins lait ou mixtes ces dernières années, faute d’attractivité de la production laitière qui cumule un double handicap : un prix loin d’être au niveau du coût de production et une astreinte que cette faible rémunération ne permet pas de pallier par le recours à du salariat. “Traire 365 jours sur 365 avec l’obligation de faire du lait de qualité extraordinaire, c’est compliqué pour un jeune, surtout quand tu vois que la filière bovins viande se relance avec des cours de broutards au coût de production. Traire aujourd’hui, c’est une passion, une dévotion de chaque jour mais qui ne paie pas !”, abonde Mathieu Izabel, secrétaire général des JA Cantal. 

A des années lumières du coût de 
production

Au dernier recensement (RGA 2020), le Cantal comptait 1 169 livreurs, dont 815 exploitations spécialisées lait, pour une production totale de 336 millions de litres. En dix ans (2013-2023), la collecte a reculé de 88 Ml soit - 23 %. Quant au prix du lait, en février 2025 (source Agreste), le lait conventionnel livré ne dépassait pas 503,34 €/1000 litres contre 762 €/
1000 l pour l’indicateur interprofessionnel de coût de production (lait conventionnel en montagne) édité par le Cniel pour l’année 2023, soit 34 % d’écart. Une situation injuste et intenable pour les JA, même s’ils conviennent d’une évolution plus favorable ces derniers temps. “Pour autant, on ne peut se satisfaire de cette avancée”, argue Mathieu Izabel.

 

“On souffre d’un très gros manque de vision de tous les acteurs sur ce qu’ils veulent faire de la filière laitière cantalienne, et d’un essoufflement de l’AOP cantal. Les industriels - privés et coopératives - se laissent vivre, tranche Valentin Delbos. On leur en veut de ce manque d’ambition et surtout du manque d’écoute de nos revendications : on réclamait d’être payés au coût de production au moins les cinq premières années après l’installation, une demande formulée par les JA auprès des transformateurs, refusée."

 Il est grand temps d’amener un nouveau souffle, de l’ambition et des solutions concrètes à tous les producteurs de lait et en particulier aux jeunes", Valentin Delbos (JA15)

AOP cantal : question de transparence...

D’autant que le département est un des rares encore dotés d’outils de transformation sur le territoire, “des outils qu’il faut maintenir mais sans faire des producteurs leur variable d’ajustement”, pointe Mathieu Izabel.
Les solutions pour motiver et remobiliser des producteurs de lait, les JA les énoncent clairement : une rémunération du lait à hauteur du coût de production interprofessionnel actualisé régulièrement (et non avec un décalage de deux ans comme actuellement), une véritable ambition pour l’AOP cantal autour de trois axes. 

D’abord, “remettre de la qualité sur les fromages en arrêtant de rejeter la faute sur les producteurs en ne parlant que qualité du lait et cahier des charges”, relancer les ventes et “refaire une communication grand public”. “On veut bien prendre notre part dans le manque d’attrait de l’AOP mais les industriels doivent aussi prendre la leur car le défaut de qualité de l’AOP leur doit beaucoup...”, estime le président des JA. 

Lire sur ce dossier /AOP cantal : maïs ou pas dans la ration ?

Tandis que son secrétaire général fustige une stratégie de nivellement de l’AOP par le bas et de hausse des prix en resserrant l’effectif de producteurs. Eux revendiquent en outre un lait payé 100 % en AOP en s’extrayant des ratios de transformation : “Certaines petites laiteries en sont capables, pourquoi les plus grosses ne le seraient pas ?”, interrogent-ils. Mais par dessus tout, c’est la transparence qu’ils réclament : transparence sur les taux de transformation, les quantités de cantal produites, commercialisées, sur les marges des transformateurs aussi. 

Une valeur ajoutée “qui nous échappe”

“On soupçonne que la valeur ajoutée nous échappe, que ce soit celle des fromages ou celle des produits laitiers dérivés...” Dans ce contexte, “il faut retrouver une véritable confiance, transparence et honnêteté entre tous les maillons de la chaîne, c’est indispensable pour relancer une dynamique laitière dans le département. Sans cela, eux (industriels, ndlr) aussi sont voués à la disparition comme dans le Sud-Ouest”, affirment les responsables jeunes, qui restent néanmoins confiants dans le potentiel du Cantal à redevenir une place laitière dans l’Hexagone, en s’appuyant sur sa diversité laitière : lait conventionnel, AOP et bio.
C’est la raison pour laquelle les JA soutiennent l’initiative de leurs aînés, annoncée à l’assemblée générale de la FDSEA en novembre dernier : la tenue d’Assises laitières départementales réunissant tous les acteurs du lait et des productions fromagères autour d’une ambition, relancer la filière laitière du Cantal. “C’est un tournant à prendre, un événement pour lequel les attentes sont immenses et auquel aucun acteur ne doit se soustraire”, prévient Valentin Delbos.
 

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