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INTERVIEW
Vin : « Nous aurons prochainement un vin partiellement désalcoolisé »

Pierre Desprat, directeur de la cave Desprat Saint-Verny revient sur les difficultés rencontrées par la filière viticole française et comment les vins volcaniques tirent leur épingle du jeu.

Un homme parle à un groupe devant des cuves de vin.
Selon Pierre Desprat, les vins d'Auvergne et de leur terroir volcanique tirent leur épingle du jeu dans la crise viticole.
© Léa Durif

En 62 ans, la consommation de vin a chuté de 70 % en France et les jeunes générations en consomment peu voire jamais. Ressentez-vous ces changements de consommation au sein de la cave ?


Pierre Desprat : Nous les ressentons pleinement mais ce contexte, et les difficultés qui en découlent pour la filière, sont tout sauf une surprise. La surproduction mondiale inonde un marché en perte de vitesse. Certains pays comme l'Afrique du Sud, le Chili, la Nouvelle-Zélande, l'Argentine et même l'Espagne ont une production très importante et qui plus est, ne subit ni les mêmes normes ni la même législation que la filière française. Nos vins sont en concurrence. À cela s'ajoute depuis 20 ans dans notre pays, une intensification des campagnes contre les méfaits de l'alcool. C'est très bien parce qu'on ne peut plus nier ses dangers. Toutefois, dans les nombreux spots télévisuels de prévention, seul le vin est mis en avant. On ne voit jamais, ou très rarement, de la tequila, de la vodka, du whisky ou même de la bière alors que ces boissons aussi contiennent de l'alcool. Par conséquent, dans l'imaginaire collectif, lorsqu'on parle d'alcool et de ses méfaits, on pense tout de suite au vin. Cet amalgame est catastrophique pour la filière. Nous avons perdu toute une frange de la société qui voue un désamour complet pour le vin. Par ailleurs, les consommateurs, jeunes et moins jeunes, boivent de moins en moins d'alcool voire plus du tout. Le vin subit ce changement d'habitude de plein fouet ; il en va de même pour toutes les boissons alcoolisées.


L'inflation et la perte de pouvoir d'achat jouent-elles un rôle ?


P.D : La baisse du pouvoir d'achat entraîne aussi un changement d'habitudes. Les consommateurs qui achetaient une bouteille de vin à 10 € vont se tourner vers une bouteille à 8 €. Nous observons une baisse du budget alloué au vin. Contrairement à il y a quelques années où les gens buvaient moins mais mieux ; aujourd'hui ils boivent moins, toujours, mais pas mieux. Nous ne sommes qu'au début de cette crise viticole. Le vignoble de Bordeaux est le premier à la subir avec un plan d'arrachage mais le pourtour méditerranéen et la Vallée du Rhône ne se portent pas mieux. Selon les premières estimations, plus de 200 000 hectares de vignes devraient être arrachés en France d'ici quelques années. Au cœur de cette tempête, la filière viticole, pour perdurer, va devoir se renouveler.


Est-ce pour cette raison que la cave Desprat Saint-Verny brasse sa bière ?


P.D : Nous faisons de la bière depuis 15 ans maintenant via deux brasseries locales. Le monde du vin a connu d'autres crises et à chaque fois il a su se réinventer. Pour répondre aux demandes des consommateurs, la cave Desprat Saint-Verny travaille sur la désalcoolisation partielle du vin. Au lieu d'avoir un vin à 12°, son taux d'alcool sera descendu à 8,5°. Nous serons les premiers sur le Massif Central a proposé ce type de produits. Les Allemands sont leaders dans ce process qui consiste à chauffer à basse température (pas plus de 30 °C) et sous-vide le vin pour que l'alcool s'évapore. Nous développerons également au sein de la cave une gamme de vins sans alcool. C'est un enjeu primordial pour la filière viticole qui ne doit rien s'interdire pour survivre.


Cette crise peut-elle remettre en cause l'ambition du vignoble des Côtes d'Auvergne de développer ses surfaces ?


P.D : La viticulture avance sur un temps très long. Des plans d'arrachages nous en avons déjà connus. Les 200 000 hectares qui seront arrachés aujourd'hui manqueront très certainement dans 30 ou 40 ans. Les vins d'Auvergne sont cependant à part. La filière ne peut que se féliciter d'avoir pris il y a 10 ans, la voie des vins volcaniques dont la production représente moins de 1 % du volume mondial. Nos vins se démarquent et cela les sauve parce qu'ils sont devenus des produits de niche qui racontent une histoire. Depuis peu, les vins volcaniques ont leur catégorie sur les cartes des restaurants apportant du modernisme et rééquilibrant la concurrence puisqu'ils jouent à armes égales avec des vins de Lanzarote, entre autres.

 

Lire aussi : Vinora présentera le label "Volcanic origin" lors du Wine Paris & Vinexpo Paris 2024

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