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Le défi du recrutement sur les exploitations

Lors du dernier Sommet de l’élevage, la profession et différents organismes de formation se sont penchés sur le recrutement et la fidélisation des salariés. Un vaste chantier s’ouvre.

des gens qui discutent
Réussir son recrutement, savoir transmettre, vaste sujet dans le milieu agricole... comme ailleurs.

“On ne naît pas employeur agricole, on le devient”

Le marché de l’emploi agricole évolue et les défis liés au recrutement sont de plus en plus complexes. Face à ce constat, la profession agricole et les organismes de formation ont profité du Sommet de l’Élevage pour tenter de trouver des pistes afin de rendre attractifs les métiers agricoles. Organisée par l’Anefa Aura, l’Apecita, Ocapiat et Vivéa, cette conférence, qui s’adressait aussi aux employeurs, a fait le plein car le sujet du recrutement et de la fidélisation des salariés agricoles est important. 


“On ne naît pas employeur, on le devient, lance d’emblée Mathilde Jouffrit, conseillère formation chez Vivéa. On s’investit beaucoup techniquement dans le cadre de son exploitation, sauf qu’il y a des situations où l’on n’arrive pas à faire tout seul et donc on devient employeur et cela s’apprend.” 


Selon Vivéa, il faut être en capacité d’évaluer ses compétences en tant qu’employeur et “identifier, sur son exploitation, quel est le potentiel d’employabilité”. Une fois cette première étape passée, d’autres questions se posent : comment accueillir le salarié, comment l’intégrer et qu’il se sente bien sur l’exploitation agricole... ? Alors intervient le moment du recrutement pour “trouver la perle rare”. 

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Comment préparer le recrutement d'un salarié agricole ?

Cela passe d’abord par  établir le plus rapidement possible “une relation gagnante-gagnante”, insiste la conseillère. Certes, mais comment faire ? Par la formation bien sûr et de rappeler à l’agriculteur que l’évaluation, la préparation, le recrutement et le management, “cela se travaille”. Encore faut-il se donner le temps. Un salarié, certes cela a un coût, mais cela permet à l’exploitant un certain confort en libérant du temps, en déléguant et en partageant le quotidien. 
“La plupart des formations agricoles ne préparent pas trop les jeunes au management, appuie Jean-Michel Sotton, délégué régional Apecita pour Auvergne-Rhône-Alpes. Le ministère a fait évoluer ces formations, a commencé à intégrer des modules de management.” C’est important pour la suite comme l’a suggéré  Aurore Thouly, conseillère entreprise chez Ocapiat qui accompagne les entreprises dans tous les aspects Ressources humaines. 

“On propose un diagnostic parce que les structures agricoles augmentent en superficie et font de plus en plus appel aux salariés, aux saisonniers et ce, toute l’année et pour diverses raisons.” Et dans un monde où la communication devient une évidence, “l’image que l’entreprise véhicule auprès de ses employés, mais également auprès de ses candidats potentiels, prend une importance capitale”. 
Chez Ocapiat, on a développé la “Marque employeur” afin de mettre l’accent sur l’identité et les valeurs de l’entreprise, l’intégration et l’écoute du salarié, et bien sûr de lui donner envie de rester. Il faut dire que la situation est “peu favorable aux entreprises, s’inquiétait Jean-Michel Sotton, car des offres d’emploi il y en a beaucoup, mais des candidats, il n’y en a pas beaucoup.

Pourquoi les métiers de la production agricole n'attirent plus ?

L’attractivité, mot à la mode en ce moment sur l’ensemble des  territoires, mais qui résonne encore plus fort dans l’entreprise. Un contexte compliqué que va d’ailleurs confirmer son homologue du Poitou Charente-Limousin Philippe Béaur. 
“On va dans les écoles pour faire la promo, pour attirer les jeunes car ceux qui sont en formation agricole ne sont pas forcément attirés par les métiers de la production agricole et l’accompagnement de la production.” Même si ce constat est valable également dans d’autres secteurs d’activité, le conseiller constate une déprise, prenant comme exemple :

Les Chambres d’agriculture qui “mettent six mois pour recruter alors qu’il y a dix ans, cela nous paraissait invraisemblable”.


Sur les exploitations agricoles, et ailleurs, des statistiques font état d’un recrutement de plus en plus “par connaissance, par relation” et une “utilisation des réseaux, physiques, virtuels ou sociaux qui montent en puissance”, et “très vraisemblablement, demain, d’autres à venir et il faudra s’adapter à cela”. D’autres chiffres vont également faire réagir l’assistance. “Sélectionner des candidats ? Encore faut-il qu’on en ait”, appuyait Philippe Béaur. 

Agriculture : Plus d'offres d'emplois que de candidats !

En effet, le marché est plus qu’en tension. En 2023, l’Apecita constate “qu’il y a plus d’offres d’emploi que de candidats” et dans des proportions, sur certaines filières, “très importantes, à savoir une offre d’emploi pour 0,3 candidat en phase avec cette offre-là”. En revanche, le curseur semble s’être déplacé du côté des professions qui touchent à l’environnement “où là on arrive à sauver un peu la mise”. 
Attentes sociétales différentes, émergence de la Génération Z, le conseiller prévient : ce ne sera pas au salarié de s’adapter, mais bien aux entreprises ! Une nouvelle génération friande “de nomadisme, de flexibilité, en attente de plus d’humanité”, mais consciente également du salaire qui va avec. “Il n’y a pas de désintérêt de ce côté-là. Au contraire. C’est donc la suite logique : peu de candidats, si on veut les attirer, il faudra sortir le carnet de chèques.” 
L’idée émerge alors dans la salle qu’il faudrait peut-être plus considérer le salarié “comme un atout, plutôt que de le voir comme un coût”. “Il faut accepter de capitaliser sur ce que vous apporte un salarié”, appuient les intervenants. Qu’est-ce qu’attend l’employeur ? Qu’est-ce qu’attend le salarié ? L’idéal serait que tout le monde accorde ses violons pour débloquer le “poids des habitudes” et “s’ouvrir à l’autre”. On parle de qualité de vie, tant pour l’exploitant que pour le salarié ou le technicien. 

La finalité n’est pas tant de recruter, c’est surtout de pouvoir le garder”, a expliqué Nathalie Chuzeville, chargée de mission à l’Anefa Aura. Elle aussi fait tomber une idée reçue. “Quand on est agriculteur, on pense que tout le monde sait ce qu’on fait et comment on doit le faire. Et bien non ! Il faut vraiment tout le temps expliquer.” Accorder du temps à l’autre, prendre le temps pour l’autre, en fait “l’intégrer en prenant le temps, insiste la chargée de mission. Cette génération a besoin de se sentir en sécurité”.

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Comment fidéliser les salariés agricoles ?

Au-delà de choyer cette génération, c’est aussi considérer que sur les personnes qui s’installent aujourd’hui en agriculture, “un sur deux n’a pas de parcours initial agricole”, indiquait l’Anefa. Mais sur les salariés, “beaucoup n’ont rien du tout. Ils viennent très souvent d’autres horizons”, d’où l’importance de former “même en interne, même si on ne passe pas par des organismes de formations”, dévoile l’Anefa. 
Dans ce processus d’intégration, l’Anefa évoque les échanges entre employeur et salarié et “l’importance des entretiens annuels” et “ce serait une erreur de les squeezer”, ce qu’ont confirmé  l’ensemble des organismes, d’autant plus important que la Génération Z, “c’est 75 % de salariés qui seront demain dans les entreprises”. 
Des pistes pour mieux recruter, pour mieux former, pour mieux entendre, “mais depuis longtemps, les entreprises ont compris que garder les salariés était un enjeu tout aussi important”, notait Jean-Michel Sotton. 

Grand témoin de cette conférence, Luc Pierron, viticulteur dans le Rhône : "J'ai appris à devenir employeur"

 

“En écoutant tout ce qu’il vient de ce dire, je viens de réfléchir à quelles personnes j’avais recruté chez moi et comment je les avais recrutées ?” Installé depuis 22 ans, cela fait deux décennies qu’il a des salariés. “J’en avais un à mi-temps quand je me suis installé. Aujourd’hui j’en ai pratiquement quatre. Sur les dix salariés qui sont passés en 20 ans, j’en ai eu un seul, et c’était une fille, qui sortait du milieu agricole et de formation agricole. Tous les autres étaient des saisonniers par le bouche à oreille.”  “Le bien-être, c’est aussi important pour eux...” Un témoignage qui corrobore donc les interventions précédentes. 


“J’ai appris à devenir employeur. Avec le petit vécu que j’ai, quand je recommence le processus de recrutement, je me pose cette question : Comment je fais pour communiquer et mettre en avant mon entreprise, sans vendre du rêve, en donnant du sens à mon travail et mon mode de fonctionnement ?” Et d’enchaîner : “Le bien-être au travail, c’est aussi important pour nous que pour le salarié. Ce que j’ai compris aussi, c’est de communiquer en dehors du site et aller dans un lieu plus neutre, avoir ainsi des moments plus informels, plus conviviaux.” 

Lire aussi La qualité de vie au travail est un sujet majeur y compris en agriculture    

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