Dermatose nodulaire contagieuse : comment s'en protéger ?
Une vingtaine de foyers de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) désormais confirmés dans les Savoie. Sans attendre, des mesures de biosécurité sont adoptées dans les élevages cantaliens.
Une vingtaine de foyers de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) désormais confirmés dans les Savoie. Sans attendre, des mesures de biosécurité sont adoptées dans les élevages cantaliens.

Mercredi 16 juillet, 24 foyers de dermatose nodulaire contagieuse (DNC) étaient confirmés en Savoie et Haute-Savoie. Les nouveaux foyers étant situés plus à l’Est, la zone réglementée, mise en place le 29 juin, a été de fait élargie. Sachant qu’à l’intérieur d’un même élevage, plusieurs foyers ont été recensés, la notion de foyer correspondant à une unité épidémiologique, c’est-à-dire un lot d’animaux qui ont vécu ensemble depuis plus d’un mois. Ce peut être ainsi un lot de génisses en pâture, dont au moins une est contaminée, et qui sont restées sans contact avec le reste du troupeau, explique Justine Gaudré. Vétérinaire conseil au GDS du Cantal, elle a animé ces derniers jours plusieurs réunions d’information sur la maladie et les mesures de biosécurité à adopter pour essayer de s’en prémunir dans le département.
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DNC : pas de traitement, ni désinsectisant efficace
Car, comme la FCO ou la MHE, la DNC est une maladie virale contre laquelle il n’existe pas de traitement spécifique ; aussi, en attendant le déploiement d’une stratégie vaccinale, la seule façon de se protéger est de lutter contre ses vecteurs, des insectes piqueurs hématophages, type taons et stomoxes, qui conservent le sang contaminé sur leurs pièces buccales durant 4 à 6 heures.
Le retour d’expérience des pays des Balkans où le premier foyer en Europe de l’Est a été détecté en 2015 dans une région “naïve” comme la nôtre et où la maladie est toujours sous gestion, est à ce titre précieux. “Les autorités sanitaires ont comptabilisé là-bas qu’un foyer diffusait le virus autour de lui à raison de 7 kilomètres par semaine”, expose Justine Gaudré. Rayon qui passe à 15 km/semaine dès lors qu’une interférence humaine intervient (via une bétaillère,...). Le principal facteur de transmission sur une longue distance demeure donc le transport d’animaux contaminés, d’où les zones de protection et surveillance dessinées autour des foyers.
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Pneus : des bombes larvaires
La désinsectisation de son troupeau est-elle la parade ? Malheureusement non, répond la vétérinaire aux éleveurs. L’effet des désinsectisants s’avère au mieux de courte durée, et plus souvent nul, comme l’ont montré les opérations de grande ampleur conduites en Algérie et Tunisie où la DNC est également présente. Il convient par conséquent de limiter au maximum les gîtes larvaires sur son exploitation, et donc les eaux stagnantes qui peuvent prendre de multiples formes mais “une étude réalisée à l’université de Liège, en Belgique, a conclu que c’est dans les pneus que l’on retrouve les plus importantes concentrations de larves d’insectes”, précise la vétérinaire.
Il est donc recommandé de retourner les seaux, arrosoirs,..., de stocker au sec les pneus usagés, de limiter le contact des animaux avec la matière organique, les zones boueuses et eaux stagnantes, et de couvrir le tas de fumier avec une bâche noire qui va permettre un échauffement fatal aux larves.
“Jamais on n’éliminera tous les gîtes larvaires, mais moins il y aura d’insectes, moins il y aura de risques de transporter le virus”, affiche la vétérinaire conseil
Lutter contre les vecteurs
À moyen terme et dans une approche plus globale, cette lutte intégrée vise à favoriser la présence des prédateurs de ces insectes (oiseaux, chauve-souris), via l’implantation de haies autour des bâtiments et parcelles, recommande le Cirad(1). Des pièges mécaniques existent, en cours d’évaluation à l’école vétérinaire de Toulouse. Il s’agit de carrés de textile bleu(2), englués avec de la colle et installés à des endroits stratégiques des bâtiments.
L’enjeu est de ne pas faire entrer, circuler ni laisser ressortir chez ses voisins et dans l’environnement des vecteurs contaminés : aussi la vigilance est plus que jamais de mise sur les introductions et rassemblements d’animaux : “Il s’agit de réfléchir individuellement au ratio bénéfices/risques si on souhaite participer à un concours par exemple”, pose Justine Gaudré.

Mesures de biosécurité contre la dermatose en attendant la vaccination
Et des mesures de biosécurité s’imposent, non spécifiques : on limite les intervenants sur son exploitation au strict nécessaire, on installe un pédiluve ; on soigne les animaux sains avant ceux malades (principe de la marche avant) ; en cas de déplacements d’animaux (par exemple vers un marché), il est préconisé de nettoyer, désinfecter et désinsectiser la bétaillère avant de charger et d’opérer un trajet direct, idem au retour. En cas d’achat d’animaux, ces derniers sont à isoler du reste du troupeau le temps de faire la prise de sang d’introduction (entre le 16e et 30e jour) et d’avoir un résultat négatif. “Attention au matériel utilisé en commun, seaux, lance-bolus..., qu’il faut nettoyer et désinfecter, prévient la vétérinaire conseil. Et plus que jamais, on change d’aiguille entre chaque animal.”
(1) Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement.
(2) La couleur bleue s’avère très efficace pour attirer et capturer les stomoxes.
Course contre-la-montre
Réuni le 16 juillet, alors que deux élevages s’opposent à l’abattage de leurs troupeaux en Savoie, avec le soutien de la Confédération paysanne et de la Coordination rurale, le Conseil national d’orientation de la politique sanitaire (Cnopsav) a validé la stratégie actuelle d’abattage total des lots de bovins au sein desquels un cas positif de dermatose nodulaire contagieuse a été repéré. Le vote a eu lieu après un long exposé de scientifiques, indiquant notamment qu’en raison du nombre important de faux négatifs, les tests négatifs ne signifiaient pas que les animaux l’étaient de manière fiable. Sur la base de cet exposé, l’élue de la CR présente, Natacha Guillemet, a émis un avis positif, ce qui pourrait lui valoir d’être exclue du syndicat. “Nous sommes dans une course contre-la-montre pour éradiquer le virus et éviter sa propagation à tout le cheptel français. Les mesures aussi dures soient-elles, qui ont été validées ce soir par le monde de l’élevage sur la base des préconisations des autorités vétérinaires et des scientifiques, sont indispensables pour protéger le cheptel français”, a déclaré Annie Genevard, ministre de l’Agriculture, précisant qu’un accompagnement global et individualisé des éleveurs touchés par des foyers était prévu, incluant l’indemnisation et le soutien psychologique. (source agra)
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