Les neurosciences à l’assaut du vin
Grâce aux nouvelles technologies employées par les neuroscientifiques, le cerveau nous livre peu à peu ses mystères. Pourquoi alors ne pas utiliser ces connaissances dans notre métier ? Voici quelques pistes pour s’approprier ce domaine en pleine effervescence.
Grâce aux nouvelles technologies employées par les neuroscientifiques, le cerveau nous livre peu à peu ses mystères. Pourquoi alors ne pas utiliser ces connaissances dans notre métier ? Voici quelques pistes pour s’approprier ce domaine en pleine effervescence.
Si la majorité des vignerons est convaincue des bienfaits du vin pour le cœur, peu connaissent ses effets sur le cerveau. Et pour cause. « Les neurosciences sont complètement oubliées dans la littérature œnologique », regrette Miguel A. Pedroza, docteur en œnologie et chercheur au Centre de neurosciences cognitives du CNRS de Lyon.
Elles ont pourtant beaucoup d’enseignements à nous livrer. À commencer par la façon dont nous percevons le vin. Nous savons désormais que l’absorption de vin est traitée par le cerveau de la même façon que celle d’un fruit ou de tout autre aliment. Ce qui n’est pas le cas d’un alcool fort. « La consommation de vin est donc associée à une activité positive », commente le chercheur. Il active le système de récompense primaire, celui-là même qui est à l’origine du plaisir de manger.
Mais ce n’est pas tout. Le vin active aussi les aires cérébrales liées aux émotions. « Seulement deux synapses séparent le bulbe olfactif, qui capte tous les arômes, du système limbique, qui traite les émotions ! », précise Gabriel Lepousez, neurobiologiste à l’Institut Pasteur. D’où l’importance capitale du contexte de dégustation sur l’appréciation d’un vin. « En revanche, les aires activées ne sont pas en relation avec celle de la communication, poursuit Miguel A. Pedroza. Ce qui explique que l’on a du mal à décrire le vin ! » La connaissance des processus de perception et d’appréciation du vin ouvre clairement de nouvelles portes aux œnologues. Par exemple, les chercheurs ont découvert que le stimulus provoqué par un arôme peut être plus intense s’il est associé avec un autre. « C’est le cas notamment pour la perception de l’arôme de vanille, illustre Miguel A. Pedroza. Elle est intensifiée en présence de sucre. » Une découverte qui peut être directement applicable en œnologie. « Si je laisse un peu de sucre résiduel dans mon vin, et que je décide d’utiliser des barriques américaines, je vais automatiquement augmenter la sensation vanillée », explique le chercheur.
De même, les études ont montré que la sensation de fruité s’intensifie à mesure que la couleur rouge augmente. « Et cela même si la concentration en molécules aromatiques ne change pas ! Pour rendre un vin plus gourmand, un vinificateur a tout intérêt à favoriser une bonne extraction », poursuit Miguel A. Pedroza. Pour lui, les études de ce genre devraient être de plus en plus nombreuses à l’avenir. Mais les protocoles, nécessitant de nombreux individus et répétitions, sont longs, et le coût de l’IRM important.
La perception d’un arôme par le public est variable et se mesure
Autre élément que la filière pourrait s’approprier aisément : les courbes psychométriques. Sur ces dernières, il est possible de synthétiser la capacité des dégustateurs à identifier une molécule en fonction de sa concentration. « Nous pourrions alors imaginer de se fixer des objectifs pour une molécule aromatique donnée. Atteindre une concentration dans le vin pour laquelle 50 % des consommateurs sont capables de la percevoir, par exemple, » propose le chercheur.
D’un autre côté, les scientifiques s’intéressent à l’approche cognitive de la perception et du plaisir procuré par le vin. Ils ont remarqué que si nos facultés biologiques sont identiques, notre sensibilité aux molécules aromatiques diffère en fonction de notre culture. « Au Mexique, les consommateurs préfèrent les vins très fruités. Ils perçoivent mieux ces caractères, car ils sont habitués depuis l’enfance à boire beaucoup plus de jus, et à consommer davantage de fruits », remarque Miguel A. Pedroza. Pourquoi ne pas imaginer alors, avant d’intégrer un marché, de mesurer la sensibilité de la cible, pour mieux coller aux facultés sensorielles des consommateurs ?
Les neurosciences nous ouvrent les portes d’une nouvelle façon de travailler et de commercialiser nos produits, qui serait plus efficiente. Elles nous apportent même un nouvel argument pour prôner la consommation modérée de vin rouge : une équipe de l’université de Nagoya, au Japon, a démontré que le resvératrol stimule la naissance de nouveaux neurones. À bon entendeur…