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"Avec 100% de pâturage tournant dynamique pour notre troupeau ovin, nous sommes en phase avec le changement climatique"

Julie et Thimoléon Resneau sont éleveurs de brebis allaitantes à Pomy dans l’Aude depuis 2006. Leur troupeau de Rouge du Roussillon valorise l’herbe grâce au pâturage tournant dynamique.

Tous deux enfants d’éleveurs de brebis, Thimoléon et Julie Resneau ont repris l’exploitation située dans le Haut-Razès de l’Aude en 2006 et pratiquent le pâturage tournant dynamique pour optimiser la pousse de l’herbe depuis 2011. C’est grâce à leurs différents voyages en Nouvelle-Zélande et au constat d’un pâturage hétérogène, avec des prairies tantôt sous-pâturées, tantôt surpâturées, que l’idée du pâturage tournant dynamique leur est venue. « En Nouvelle-Zélande, ils ne font que comme cela. Ils n’ont pas de bergerie, pas de foin ni de grain. Les agneaux sont engraissés 100 % à l’herbe. Donc ils ont vraiment cette notion que chaque investissement soit rentable », explique Julie Resneau.

Un système d’élevage fixé sur la production d’herbe

L’élevage de brebis de Julie et Thimoléon Resneau est réglé sur la production d’herbe qui a lieu au printemps. « Nous avons une seule mise bas au mois de mars pour justement profiter au maximum de l’herbe produite au printemps. » Les brebis gestantes reçoivent un complément de 300 grammes de maïs durant les six dernières semaines avant la mise bas. Elles rejoignent ensuite les pâturages, séparées en trois lots. « Nous avons deux lots de brebis en portée double où la complémentation est gardée pour les agneaux grâce à des nourrisseurs sélectifs (200 grammes par jour par agneau, deux tiers maïs, un tiers bouchons de luzerne). Puis notre troisième lot est composé de mères simples sans complémentation, 100 % à l’herbe sur nos parcelles les moins productives car leurs besoins énergétiques sont moins importants », détaille Thimoléon Resneau, qui a été champion de France de tonte à six reprises. Durant trois mois, les trois lots seront déplacés chaque jour. « L’idée du pâturage tournant, c’est d’avoir des parcelles adaptées à la taille du troupeau, où les animaux restent de 24 à 48 heures. Cela permet à la parcelle de se régénérer avant leur prochain passage trois semaines plus tard. Il faut vraiment connaître le cycle et la production de son herbe », témoigne Julie Resneau qui compte entre 1 et 1,5 hectare de prairie pour 110 animaux. « Avec le pâturage, on retarde l’arrêt de la pousse entre 15 jours et trois semaines, et on rend l’herbe plus forte face à la sécheresse », ajoute Thimoléon Resneau. Pour délimiter ses parcelles, le couple a commencé à clôturer avec des « spider pac ». À force d’observation, ils ont fixé la surface qui correspondait à leur troupeau. Plus de 23 kilomètres de clôtures ont été installés sur les trois secteurs du Gaec (autour du bâtiment d’élevage, dans une commune voisine et un fermage sur les hauteurs du village), rejoint par un réseau d’eau posé au pied des clôtures pour être protégé. « Le problème du pâturage tournant c’est l’abreuvement. Avec notre réseau d’eau, nous nous sommes arrangés pour faire des carrefours afin d’avoir un robinet qui alimente chacune des parcelles. »

Fin juin, les brebis partent en estive sur un groupement pastoral. Ce sont d’ailleurs les bergers et tondeurs Patrick et Cathy Resneau, les parents de Thimoléon et de quatre autres enfants éleveurs de brebis, qui s’occupent des 1 400 brebis de la famille en estive en Savoie. « Durant l’été, on garde un petit lot d’agnelles, et sur les pâtures on laisse un couvert végétal pour protéger le sol des rayonnements du soleil. » Situé en zone loup (cercle 1), chaque lot de brebis est accompagné d’un patou.

Retour d’expérience partagé

La mise en œuvre de la rotation permet une couverture permanente du sol, en limitant l’érosion et l’évaporation, et une meilleure exploitation de l’herbe sur toutes les surfaces. La rotation améliore aussi la santé générale du troupeau (avec une réduction de la pression parasitaire), et facilite la diminution de l’utilisation des vermifuges, ainsi que du temps de travail. « Avoir des lots différents permet aussi d’éviter la concurrence, les agneaux se défendent mieux. » L’arrêt du surpâturage a permis aux éleveurs de passer du « Je n’ai pas assez d’herbe », au « J’ai trop d’herbe », et de faire des économies sur l’alimentation. Leur volume de concentré par agneau, de 45 à 50 kg, est désormais passé entre 15 et 20 kg. Le travail d’observation et de suivi de la pousse de la végétation est à prendre en compte dans cette pratique, tout comme l’importante longueur de clôtures à poser et à entretenir, puis l’installation d’un réseau d’eau. Et Julie Resneau d’ajouter : « Lorsque nous avons commencé, les gens ne comprenaient pas l’intérêt de notre façon de travailler. Maintenant nous sommes en phase avec le changement climatique et avec cette urgence de changer nos pratiques. Tout ce qu’on a fait prend complètement sens. »

La Rouge du Roussillon : une belle immigrée

Avant Julie Resneau, son père possédait un troupeau de Bizet du Cantal. « C’est une race qu’il a découverte pendant sa coopération à Kerguelen et il a voulu les mêmes. » Mais lors d’une tonte chez un éleveur audois, Thimoléon Resneau s’éprend de la Rouge du Roussillon, « qui était à ce moment-là presque en voie de disparition ». « Au niveau corpulence, la Bizet est plus légère avec une carcasse moins développée. Avec la Rouge cela nous permettait de travailler avec une race pure et locale, et de ne pas faire de croisement. Elle est aussi très facile à mener et plutôt calme », témoigne Julie Resneau, membre de l’Association des brebis rustiques du Languedoc. Depuis 30 ans, cette association qui dépend de l’Unité nationale de sélection et de promotion de race (Upra) lacaune, défend trois races rustiques : la Raïole, la Rouge du Roussillon et la Caussenarde des Garrigues. « Il y a une trentaine d’années on comptait 500 individus en Rouge du Roussillon, aujourd’hui nous sommes à 10 400 animaux recensés inscrits en organisme de sélection », ajoute Julie Resneau qui est référente pour la Rouge du Roussillon sur les départements de l’Ariège, de l’Aude, de Haute-Garonne, du Lot et du Tarn. Chargée de réaliser des commissions, elle visite les élevages jusqu’à deux fois par an pour inscrire les agnelles de l’année et sélectionner les mâles reproducteurs. « Ce sont trois races qui ont fait partie de celles menacées et à faibles effectifs, et la Rouge du Roussillon vient juste de sortir de cette liste. »

Passé en agriculture biologique depuis plus de trois ans, le couple d’éleveurs vend sa production de viande auprès de la Coopérative catalane des éleveurs (CCE) dans les Pyrénées-Orientales, de l’association Viande Pyrénées audoises (VPA) dans l’Aude et fait de la vente directe (colis et livraison). Toutes les femelles, ainsi qu’une vingtaine de mâles, partent à la reproduction.

CHIFFRES CLÉS

400 brebis (330 mères, 70 agnelles, 12 béliers)

212 ha de SAU, dont 60 ha de prairies (le reste en landes et bois)

25 t de foin par an

15 t de maïs par an

3 t de bouchons de luzerne par an

23 km de clôtures

1,65 de prolificité

1,45 de productivité

Coût d’engraissement par agneau : 9,35 €

Conseils de bonnes pratiques de pâturage tournant dynamique

- Attention au surpâturage : avoir un temps de séjour relativement court, un à trois jours par paddock avec un chargement instantané élevé (minimum 10 UGB/ha, optimum pour 30 UGB/ha) pour éviter le surpâturage et le gaspillage lié à l’ingestion. « Avec le surpâturage on enlève la particule qui fabrique la photosynthèse, donc la plante abandonne une partie de son système racinaire et cela crée un temps d’arrêt de pousse. »

- Il faut garder entre 2 et 5 cm minimum d’herbe, un temps de repos et de repousse de 19 à 21 jours en période de pousse d’herbe (printemps) et pouvant aller de 30 à 40 jours, voire plus en période estivale. « Avec le pâturage on vient inciter la pousse de l’herbe avant l’épiaison. L’appétence et la digestibilité de l’herbe sont bonnes entre 5 et 15 cm. »

- Il faut déterminer des lots d’animaux, calculer la surface de base à effectuer et le découpage de cette surface en paddock. Ainsi par exemple, pour le lot de 100 brebis, avec un chargement moyen de 40 ares/UGB, la surface de base nécessaire est de 6 ha.

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