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Désherbage : préserver sa rentabilité tout en activant les leviers agronomiques pour gérer les adventices

Quelles sont les efficacités des leviers agronomiques dans la lutte contre les graminées adventices ? Le jeu en vaut-il la chandelle si leur mise en œuvre génère des coûts et des pertes de rentabilité ? À réfléchir au cas par cas.

L’introduction de cultures de printemps dans une rotation culturale apporte un effet indéniable contre les adventices. Et quand c’est une succession de deux cultures de printemps ou d’été, c’est encore mieux ! « Dans une expérimentation longue durée menée dans notre région, l’introduction d’une culture de printemps avait permis de diviser par trois la pression vulpin (de 34 à 10 pieds au mètre carré) par rapport à une rotation colza-blé. La présence de vulpin a été quasiment réduite à néant (1 pied au mètre carré) avec deux cultures de printemps successives (maïs et tournesol) introduites dans la rotation », présente Vincent Maurice, de la chambre d’agriculture de Côte-d’Or.

Dans son dispositif Cap du Futur, Arvalis a bien mesuré l’effet d’un double maïs sur les ray-grass. « L’effet diversification des cultures est toutefois plus limité aujourd’hui en termes d’impact sur les adventices à cause de la perte de plusieurs molécules herbicides sur les cultures de printemps, signale Delphine Bouttet, Arvalis. Nous nous interrogeons par exemple sur le maïs pour la gestion du ray-grass. Il faut être méfiant sur la culture de printemps choisie. Sur un lin par exemple, il n’y a pas de solutions contre les ray-grass résistants à des herbicides foliaires. »

Des cultures « nettoyantes » à condition d’en trouver le débouché

En dehors de la panoplie d’herbicides qu’apportent ces cultures, les semis de printemps cassent le cycle des graminées et certaines espèces font même office de culture « nettoyante », à l’instar du chanvre. « Il assure très bien ce rôle agronomique mais il faut un débouché robuste derrière, souligne Delphine Bouttet. Sa valorisation économique n’a pu être optimale dans notre dispositif, à cause d’un problème de filière locale. Or, les charges de mécanisation en chanvre sont très élevées, de l’ordre de 700 euros par hectare. » La luzerne est connue également pour bien nettoyer une parcelle, à condition de trouver le débouché…

Même efficace pour le contrôle des adventices, la diversification culturale peut se traduire par une perte de marge et des investissements lourds comme l’irrigation. « Sans irrigation, la marge brute des cultures de printemps sera inférieure à celle des céréales d’hiver et du colza », note la chambre d’agriculture d’Eure-et-Loir (CA 28) dans ses préconisations de désherbage antigraminées. « L’alternative aux herbicides consistant à remplacer les cultures d’hiver par des cultures de printemps pose problème puisque ces productions consomment plus d’eau quand la ressource diminue en été », pointe la Coordination rurale, qui craint l’interdiction d’herbicides à terme.

Adapter la variété au décalage de semis

Au-delà de la diversification de l’assolement, le décalage de la date de semis est un moyen très intéressant pour réduire la pression des graminées, quand on est sur des sols où c’est possible. « Il permet de limiter la pression initiale des adventices en décalant la période de concomitance entre le pic de levées de graminées et la levée de la culture. Il positionne en outre les herbicides dans de meilleures conditions d’humidité et de température pour leur action », explique la CA 28 qui conseille de ne pas semer avant le 25 octobre dans les situations les plus infestées et de bannir les semis de céréales avant le 5 octobre.

Le potentiel de la variété peut être affecté avec un semis tardif qui nécessite, en outre, une charge semences plus élevée à l’hectare. Malgré tout, le gain apporté en réduisant l’impact des adventices sur le rendement de la céréale est supérieur dans les situations infestées. Pour le vulpin et le ray-grass, 25 pieds au mètre carré suffisent à réduire de 5 % le rendement quand il y a une concurrence précoce sur la céréale à paille. Selon une synthèse d’essais Arvalis, un décalage d’une vingtaine de jours permet de réduire d’au moins 50 % le nombre de ray-grass et de vulpin, voire jusqu’à 80 % pour ce dernier.

« On est toujours gagnant à semer plus tard quand il y a des graminées, tranche Delphine Bouttet. Dans une parcelle avec un salissement important, il est déconseillé de mettre une variété nécessitant un semis précoce. Il y a des variétés très précoces à montaison et épiaison particulièrement adaptées à des semis tardifs mais elles ne sont pas nombreuses. Dans le Bassin parisien, Prestance en est une, inscrite récemment, conseillée dans notre secteur sur les parcelles avec des problèmes de graminées. »

Le labour alternatif, très efficace contre vulpin et ray-grass

Pour Delphine Bouttet, le labour reste le levier numéro 1 contre les graminées adventices. Les vulpins et ray-grass ont la particularité de produire des graines à la viabilité assez courte par rapport à d’autres adventices, ce qui produit un stock semencier peu persistant. « Le taux annuel de décroissance est de 75 % pour le ray-grass. Pour 1 000 graines enfouies en année N par un labour, seulement 250 graines seront viables en année N + 1 et 60 graines en année N + 2, dans le cas d’un labour tous les trois ans ayant enfoui en profondeur ces graines », détaille la CA 28.

Efficace pour détruire les levées de graminées, le recours aux déchaumages (faux semis) et au labour a un coût, respectivement de 40 euros par hectare et 70 euros par hectare selon la CA 28. Les charges de mécanisation augmentent, du fait notamment du prix du fioul. « Celui-ci est passé de 0,67 euro le litre sur la période 2017-2021 à 1,20 euro le litre en 2022 et il représente 30 % des charges de mécanisation en 2022 contre 16 % sur 2017-2021 », précise Delphine Bouttet.

Mais le poste herbicide sur céréales peut dépasser les 120 euros par hectare pour la seule lutte contre les graminées sur la base de deux applications d’automne. L’objectif avec les leviers de lutte agronomique reste d’avoir le moins possible de graminées qui lèvent dans la culture pour espérer une efficacité optimale des solutions chimiques ou mécaniques.

EN CHIFFRES

Des céréales dépendantes des herbicides d’automne

70 % des céréales (blés et orges d’hiver) sont désherbées à l’automne

Plus de 3 millions d’hectares (Mha) sont traités avec le flufenacet (produits Fosburi, Trooper, Mateno…)

Environ 2,5 Mha reçoivent du prosulfocarbe (Défi…)

70 €/ha : coût moyen du désherbage à l’automne (45 €/ha sur la période 2005-2010)

La première substance active sur céréale est le DFF (diflufénicanil), un antidicotylédones qui a un petit effet antigraminées. Il est contenu dans de nombreux produits.

Une nouvelle molécule disponible au Royaume-Uni, pas dans l’UE

Le Royaume-Uni a obtenu l’homologation d’un herbicide à base de cinméthyline (Luximo de BASF), avec un nouveau mode d’action pour agir contre les graminées. Cette matière active agit au niveau racinaire pour des applications de prélevée ou de post-levée précoce. Elle est jugée par la majorité des Farmers supérieure en efficacité au flufenacet. Mais dans l’UE, l’homologation de cette nouvelle molécule n’est pas attendue avant 2026, de même que pour une autre substance active antigraminées, le bixlozone (Isoflex active, de FMC).

 

 
Contre le vulpin, la cynméthyline, herbicide homologué au Royaume-Uni, serait plus efficace que le flufenacet.
Contre le vulpin, la cynméthyline, herbicide homologué au Royaume-Uni, serait plus efficace que le flufenacet. © C. Gloria

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