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Dossier Dephy arbo : Vers le sans traitement après floraison

Grâce à son engagement dans le réseau roussillonnais des fermes Dephy en 2016, Pierre Pratx a pu conforter et améliorer la durabilité de son système de culture.

Pierre Pratx (à gauche) a conforté ses modes de production basés sur la culture biologique et le sans-traitement après floraison en s’appuyant sur le réseau Dephy roussillonnais, suivi par Marc Fratantuono (à droite).
© B. Bonnet

Sur leur exploitation de 180 ha d’abricotiers et de vignes située à Rivesaltes (Pyrénées-Orientales) dont 130 ha sont consacrés à la production d’abricots, Pierre Pratx, son épouse et ses deux fils commercialisent en moyenne annuellement 2 500 t d’abricots dont 500 t en production biologique. « En 2009, la conversion en bio du premier verger répondait déjà à notre souci de réduire l’utilisation des produits phytosanitaires et à mieux prendre en compte l’environnement », explique Pierre Pratx. C’est progressivement qu’ils augmenteront les surfaces consacrées à la production biologique qui désormais représente 70 ha. Sur les autres superficies, ils ont fait évoluer leurs pratiques culturales avec un objectif, développer les productions sans résidu.

 

 

Bien qu’il ne soit pas possible de revendiquer le « zéro résidu » compte tenu du risque de dérives pouvant provenir de traitements réalisés dans les vergers alentour, ils ont fait le choix d’orienter leurs pratiques culturales vers le sans-traitement chimique après floraison. Ils ont progressivement supprimé tous les traitements contenant des molécules chimiques pour les remplacer par des produits de protection homologués en bio. « Dans notre région, nous avons la chance de bénéficier d’un climat favorisant une pression parasitaire moins élevée qu’ailleurs notamment en matière de maladies fongiques et de conservation », justifie Pierre Pratx. En parfaite adéquation avec la demande sociétale et plébiscité par leurs clients, leur mode de production garantit une meilleure valorisation économique. « Le sans-traitement après floraison garantit un fruit sain positionné sur un segment intermédiaire et accessible pour les consommateurs », poursuit-il. Ce mode de production présente néanmoins des limites, notamment en termes de prises de risques, pouvant avoir des conséquences économiques non négligeables. C’est ce qui les a conduits à rejoindre dès sa création en 2016 le réseau départemental des fermes Dephy Abricot.

Un réseau de progrès

« En rejoignant le réseau des fermes Dephy, notre attente visait à conforter notre démarche. Lorsqu’on décide de s’engager dans la réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires chimiques et majoritairement curatifs, nous augmentons le risque de pertes de production et, in fine, de pertes économiques. Il faut avoir une approche de la production radicalement différente qui met davantage l’accent sur la prévention, l’observation et la réactivité », explique Pierre Pratx. Le réseau des fermes Dephy vise justement à répondre à ce besoin accru de vigilance via son réseau de surveillance et de piégeage mis en place à l’échelle des treize fermes Dephy Abricot départementales déployant trois systèmes de culture (raisonné, AB et résidus contrôlés). « Les journées d’informations et de formation ainsi que le suivi par l’ingénieur Réseau participent également à une remise en question de nos pratiques culturales et à leur amélioration », rajoute l’arboriculteur.

Trois ans après leur engagement dans le réseau, les résultats sont au rendez-vous, comme en attestent les évolutions des IFT sur leur exploitation. Depuis 2016, l’IFT chimique de l’exploitation a chuté de 4,55 à 1,93 pendant que l’IFT biocontrôle a augmenté de 12,6 à 16,91. « L’IFT est un indicateur qu’il faut analyser sur cinq à dix ans mais en aucun cas, il ne doit être un objectif en soi. La caractéristique climatique d’une campagne peut entraîner d’importantes variations d’une année sur l’autre. L’objectif vise davantage à avoir une approche systémique de la protection à l’échelle de l’exploitation et, chaque fois que possible, privilégier un produit de biocontrôle par rapport à un produit chimique », tient à préciser Marc Fratantuono, ingénieur Réseau Arbo des fermes Dephy roussillonnaises. En Roussillon, l’IFT des exploitations en conventionnel est compris entre 10 et 15. Les exploitations en bio affichent un IFT compris entre 3,5 et 5 et un IFT Biocontrôle compris entre 10 et 15.

« L’autre objectif de la démarche vise la sécurisation des exploitations via la surveillance mais aussi le déploiement d’outils d’aide à la décision tels que la modélisation du risque monilia, les conseils en agroécologie pour une reconception des vergers, l’impact de la faune auxiliaire sur la protection des cultures… », poursuit l’ingénieur Réseau. Et de terminer : « le choix du matériel végétal constitue un autre levier majeur de sécurisation que les arboriculteurs vont devoir mieux prendre en compte lors de la conception du verger. »

La biodiversité, l’autre grande gagnante

Moins mesurable, le gain en biodiversité est l’un des axes d’amélioration porté par le réseau des fermes Dephy. « Un suivi de la biodiversité au sein des exploitations permet de mieux appréhender la dimension environnementale via la mesure de l’impact des pratiques agricoles », explique Marc Fratantuono. Cela passe notamment par le développement de solutions alternatives faisant appel à l’utilisation de biocontrôle aussi bien en agriculture raisonnée qu’en agriculture biologique. « S’il est vrai que l’environnement n’était pas au cœur de nos préoccupations il y a une dizaine d’années, il est aujourd’hui central dans le choix de nos pratiques culturales », précise Pierre Pratx. C’est ce qui l’a conduit à déployer diverses mesures telles que l’installation de nichoirs pour oiseaux et chauves-souris et d’hôtels à abeilles, la création d’une forêt d’espèces locales, la gestion mécanique de l’enherbement ou encore la mise en œuvre d’une expérimentation de diffusion de musique dans les vergers pour lutter contre l’ECA. « Nous sommes prêts à tester tout ce qui peut permettre de réduire les traitements et contribuer à améliorer la biodiversité de nos vergers. Nous devons toutefois rester vigilants car, dans certains cas, ces mesures peuvent avoir des conséquences », poursuit-il. En diminuant la pression insecticide dans ses vergers, Pierre Pratx a favorisé le développement d’un autre ravageur de l’abricotier, l’Anarsia. « Il faut rester très vigilants car la réduction des traitements peut entraîner un déséquilibre au sein du verger. Ce sont ces notions d’équilibre qui sont en permanence remises en question. D’où l’impérieuse nécessité de maintenir une observation accrue », conclut Marc Frantantuono.

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