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Vente de vin en primeur : ce qu’implique le transfert de propriété décalé

Pour Olivier Augeraud, expert-comptable honoraire, consultant AgirAgri, la vente de vins non encore élevés et conditionnés induit un transfert de propriété décalé dont les conséquences sont à bien mesurer.

Chai à barrique pour vieillissement du vin rouge en fûts de chêne au château Montrose, deuxième grand cru classé de saint-estèphe en gironde, grand chateau bordelais
Lors d'une vente en primeur, le transfert de propriété se décale, ce qui a des incidences à la fois juridiques, commerciales, comptables et fiscales.
© Clara de Nadaillac

Le mécanisme de la vente de vins dite « en primeur », telle que pratiquée dans le Bordelais, est caractérisé par la juxtaposition de deux ventes : la vente du négociant au client puis celle du producteur au négociant. Se pose alors la question du droit de propriété sur les vins concernés. Le client final ne peut en effet devenir propriétaire des vins avant que le négociant ne le soit lui-même devenu. Cette question du transfert juridique de la propriété des vins (et des risques associés à cet état) revêt une importance particulière, que ce soit en droit civil, commercial, comptable ou fiscal.

Le transfert de propriété s’opère lors de l’individualisation des vins

Lors de l’accord entre le producteur et le négociant (hors contrat d’exclusivité), la « chose vendue » n’est qu’une partie d’un tout plus important (l’ensemble de la récolte) : elle appartient à la catégorie juridique dite des « choses de genre ». Le transfert de la propriété des vins intervient alors, au plus tôt, au moment de l’individualisation des vins par le producteur, c’est-à-dire qu’il distingue physiquement les vins destinés au négociant, dans le conditionnement prévu au contrat et procède à un allotissement par marquage. Lorsque les vins sont dans l’état prévu au contrat (type de bouteilles, tiré-carton ou caisse bois, etc.) et isolés au nom du négociant, le producteur lui délivre un bon de mise à disposition qui acte, sauf clause spécifique au contrat, la date du transfert de propriété des vins, indépendamment de l’enlèvement physique, la livraison ou l’expédition.

La date du transfert de propriété aura ainsi des conséquences en termes d’assurance notamment lorsque les vins restent quelque temps encore dans le caveau du producteur alors qu’ils ne sont plus sa propriété ; voire en termes de droit du fermage pour les bâtiments dans lesquels sont stockés des vins détenus pour compte d’autrui.

Comptablement et fiscalement, l’affectation des vins prime

La date à laquelle s’effectue le transfert juridique de la propriété des vins vendus en primeur génère chez le producteur la comptabilisation de la vente dans le chiffre d’affaires de l’exercice puis l’exigibilité de l’impôt, indépendamment de l’encaissement du prix de vente (acomptes et solde du prix). Dans son arrêt Debouärd du 11 février 1991, le Conseil d’État décide, s’agissant de « choses de genre », que cette délivrance ne peut intervenir avant l’individualisation de la chose. Il précise qu’une simple mise en bouteille par le producteur ne vaut pas individualisation, laquelle n’est caractérisée que par l’allotissement des stocks pour affectation définitive, identifiable et prouvable à chacun des clients.

Notons que les ventes de vins en primeur réalisées par les viticulteurs restent imposables à la TVA lors de l’encaissement des avances, acomptes ou du prix, même si ces encaissements sont antérieurs à la mise à disposition des vins aux clients.

Commercialement, un avantage qui peut avoir son revers

Pour le viticulteur, la vente en primeur présente un intérêt majeur : le financement du coût de portage de stocks à rotation lente et à haute valeur ajoutée, au moyen de l’encaissement des acomptes tout au long de la phase d’élevage et de conditionnement des vins. Ce n’est toutefois intéressant que lorsque les campagnes primeurs se suivent dans des volumes et/ou des prix sensiblement identiques ou en hausse. Mais cet avantage peut avoir son revers, comme c’est le cas actuellement pour le marché des vins de Bordeaux. En cas de contraction, voire pour certains opérateurs, de fermeture du marché des primeurs, le producteur aura à financer seul l’élevage d’un nouveau millésime dont il lui faudra aussi trouver les moyens futurs de commercialisation. Mais surtout, il devra payer l’impôt dans l’exercice de comptabilisation du transfert de propriété des vins, sans contrepartie de trésorerie puisque tous les acomptes auront été versés et utilisés. La situation financière de l’entreprise viticole et le niveau des taux d’intérêt bancaires peuvent alors rendre la « bascule » très difficile à opérer. À chaque propriété de faire le choix de se maintenir ou, au contraire, de sortir de ce marché qui ne s’adresse en réalité qu’à un nombre limité de producteurs.

 

Vendre en avance et en direct

Hors Bordeaux, certains viticulteurs vendent aussi en avance, directement aux particuliers et sur le marché national. Les avantages et les inconvénients, toutes proportions gardées, sont les mêmes. Avec une gestion d’un nombre de lots beaucoup plus important !

Le contrat d’achat en primeur

Il définit les quantités, le type de conditionnement, le prix, les modalités de paiement (acomptes) selon un calendrier qui suit l’élevage des vins.

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