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Itinéraire d’un chardonnay vinifié à 12 °C

Dans le Mâconnais, le centre d’expérimentation Vinipôle Sud-Bourgogne conseille des fermentations lentes du chardonnay à très basse température avec peu de SO<sub>2</sub>.

Depuis plus de dix ans, Patrice Joseph est convaincu de l’intérêt des fermentations lentes sur le chardonnay du Mâconnais. Le chargé d’expérimentation œnologique du Vinipôle a développé, avec le chef de cave du lycée viticole de Davayé, un itinéraire de vinification pour sécuriser ces fermentations lentes en les menant à très basse température, avec en prime une diminution du SO2 ajouté. « Un peu à l’image d’une prise de mousse en Champagne, explique-t-il. L’objectif est d’obtenir de la complexité, du gras et de la fraîcheur aromatique. » Ce mode de vinification convient particulièrement aux vendanges acides, sur terroirs tardifs.

La première étape passe par un sulfitage des jus conseillé à 1,5 g/hl : « suffisamment pour éliminer les éventuelles levures d’altération sans trop gêner les autres levures indigènes, indique Patrice Joseph. On obtient de meilleurs résultats qu’en ne sulfitant pas du tout la vendange ». Suit un débourbage sévère, inférieur à 50 NTU, ce qui diminue nettement la vitesse de fermentation, améliore la finesse des vins. Les fermentations démarrent ensuite spontanément avec les levures indigènes et sont régulées aux alentours de 12 °C. « Certains vignerons utilisent des levures sèches actives cryophiles, informe-t-il. Les fermentations alcooliques dépassent alors rarement 60 jours. Avec les indigènes, elles peuvent durer plus de trois mois, parfois six. On obtient davantage de diversité avec souvent plus de complexité. »

Apporter de l’oxygène en cours de FA

Les moûts ne sont pas systématiquement complémentés en azote assimilable. « En revanche l’apport d’oxygène en cours de fermentation est primordial pour assurer la survie des levures sur plusieurs mois et donc une fermentation complète », souligne le chargé d’expérimentation. On peut également remonter la température à 14-15 °C en toute fin de fermentation si nécessaire.

« Contrairement à ce que l’on peut croire, les basses températures ne sont pas un obstacle à la malo. » Elle se déclenche souvent seule après ou en cours de fermentation alcoolique, sans problème. « On n’a jamais de piqûre lactique si on surveille correctement, relève Patrice Joseph. La cinétique est lente, on a le temps de se retourner. En fin de malo, un sulfitage à 1,5 g/hl élimine les bactéries s’il reste des sucres. »

On pourrait penser l’itinéraire basse température plus coûteux en énergie. « En fait, sous notre climat, on dépense moins d’énergie qu’en vinifiant à 18 °C, relativise-t-il. On économise sur le chauffage utilisé pour lancer les malos. »

Les vinifications basse température se sont généralisées sur l’exploitation du lycée viticole de Davayé, régulièrement médaillé, et quelques vignerons se lancent. « Le plus dur, juge Patrice Joseph, est de lutter contre 30 ans d’habitudes et contre l’idée reçue qu’en matière de fermentation la qualité est obligatoirement synonyme de rapidité. Il n’en est rien. »

Plus de levures vivantes et moins de volatile à 12 °C qu’à 18 °C

Depuis 2014, Claude Reynes, enseignant et chargé de mission au Vinipôle(1), s’est attaché à observer le comportement des levures fermentant à très basse température, en comparant des fermentations à 12 et à 18 °C dans les mêmes conditions, avec peu d’intrants.

« On note bien sûr un allongement des durées de fermentation à basse température, surtout du dernier quart, ce qui peut être anxiogène pour le vigneron. Mais nous avons montré que si les levures fermentent plus lentement, elles s’épuisent moins vite et vivent plus longtemps. » On obtient donc davantage de levures vivantes à 12 °C qu’à 18 °C, au moins 50 % en plus, que ce soit avec des LSA ou avec des levures indigènes. « On a à faire à des marathoniennes plutôt qu’à des sprinteuses, résume l’enseignant. C’est un gage d’une fermentation alcoolique arrivant à terme, sans risque accru d’arrêt de fermentation. » L’oxygénation du moût joue un rôle capital dans cette survie des levures.

Autre intérêt des basses températures : elles diminuent les teneurs finales en acidité volatile. « On perd jusqu’à 0,10 g/l (en H2SO4) de volatile avec des levures indigènes qui fermentent à 12-13°C, par rapport à une fermentation à 18 °C. »

(1) Ces travaux ont été effectués dans le cadre de la mission « Animation et développement des territoires » et du plan national d’action « Enseigner à produire autrement », qui vise à favoriser les systèmes de production durables.

@ Pour en savoir plus : www.vinipole-sud-bourgogne.fr

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