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Le Japon importe 90% de son malt pour fabriquer sa bière

Dominé par 5 brasseries, le marché japonais de la bière connait un tassement de consommation même si les microbrasseries explosent. Couvrant 10% de ses besoins, la production d’orge nippone est loin de lui suffire. Les malts français, en 4ème position, progressent au détriment de leurs concurrents canadiens et des australiens.

 

© Solenn Delhaye-Boloh

Asahi, Kirin, Sapporo, Suntory, Orion : cinq brasseries dominent le marché japonais de la bière. Le leader, Asahi, compte 6 brasseries. Kirin en possède 9, Sapporo 5, Suntory 4 et Orion, concentré dans les iles du sud (Okinawa) n’en a qu’une. Sauf cette dernière, toutes ces entreprises font aussi tourner chacune une malterie, localisée dans les zones de production d’orge : Kyushu (au Sud) pour Kirin, plus au nord vers Tokyo pour les 3 autres.

Le marché des boissons brassées à base d’orge est organisé en 3 segments : les bières en tant que telles (avec deux catégories : taux de malt de 100% ou entre 50 et 100%), les Happoshu (moins de 25% de malt) apparues à partir de la modification du régime de taxation en 1994 et les boissons brassées dites de « nouveau genre » (avec deux sous catégories : les moins de 50% de malt et les 0% de malt). Celles-ci sont apparues après l’augmentation des taxes à la consommation de 1999. La production est en effet très dépendante des taxes : « sur une canette ou une bouteille de 350 ml de bière, les taxes s’élèvent à 70 yens (environ 0,46 euros) quand elles représentent 18 yens en France, 5 yens en Allemagne, 10 yens aux USA et 54 yens en Grande Bretagne », compare Takashi Kawanowa, un des directeurs généraux de l’Association des brasseurs japonais (BAJ). « C’est pour cela que les brasseurs ont développé, depuis le début des années 90, les Happoshu puis les "nouveaux genres" qui sont moins taxés que la bière, respectivement aux environs de 47 et de 38 yens. Toutefois, depuis le début de cette année, la stratégie du gouvernement est d’homogénéiser les taxes par étape jusqu’en 2026 où elles devraient atteindre 54 yens pour toutes les boissons brassées à base d’orge malté », complète le responsable.

Moins de consommation

Depuis les années 90 et, surtout, le pic de 1994, la consommation de bières décroit. Les années Covid ont accentué le phénomène. 2022 et 2023 connaissent un léger rebond mais la consommation ne revient pas aux années d’avant la pandémie, sachant que le Japon est sorti des confinements après nous.

Le contexte incite donc les brasseurs à lancer des nouveautés comme les bières peu alcoolisées (moins de 0,5%) voire garanties sans alcool pour répondre à l’impératif de l’absence totale d’alcool pour les conducteurs de véhicules. Asahi a également sorti une canette « pression », Sapporo joue sur la nostalgie en relançant une production dans son ancienne brasserie de Tokyo, Kirin et Suntory viennent de passer un accord pour développer des bières sans sucre etc.
La question de l’emballage pour réduire l’empreinte carbone et le gaspillage offre aussi des innovations.

Les micro brasseries se sont par ailleurs développées, mais restent très minoritaires : de 6 en 1994, elles sont passées officiellement à 412 en 2021 (et probablement plutôt 700 aujourd’hui) mais ne produisent qu’un peu plus de 1% des bières japonaises.

Maintenir une production nationale d’orges

Pour l’immense majorité de ses produits agricoles, le Japon est très dépendant des importations et lutte pour maintenir une production domestique. C’est le cas de l’orge brassicole : l’agriculture nippone couvre environ 10% des besoins en malt et coute plus cher que les importations. Le mécanisme est à double cliquet : le Japon veut en effet protéger sa production de riz et soutient les agriculteurs qui peuvent faire deux récoltes : une de riz puis une d’orge chaque année. Avec une autre conséquence, les variétés doivent avoir une période de végétation courte.
En fait, ce sont plutôt les orges à deux rangs qui profitent de ce système (passées de 112 000 t en 2012 à 158 000 t en 2021 contre une quasi stabilité autour de 50 000t pour les orges brassicoles). Les orges préférées de chaque brasserie sont contractualisées avec Zen-Noh, la structure économique du réseau des coopératives agricoles JA (Japan agriculture).

« Pour assurer une utilisation stable de ces orges et, donc, du malt domestique, le gouvernement estime chaque année la production japonaise de bière et de malt et institue des quotas à tarif privilégié pour le volume manquant. En imposant des taxes plus élevées sur les volumes qui dépassent ce seuil, le gouvernement protège la production nationale d’orge », résume le BAJ. Les brasseurs sont en tous cas obligés de consommer toute la production nationale (environ 4 fois plus chère) avant d’avoir accès aux ressources internationales de leurs matières premières. 

C’est le Canada qui rafle la première place en malt avec 26,5% des importations en moyenne sur les 5 dernières années, en léger repli (111 060 t en 2022 soit 24,2% des imports). Il est suivi par l’Australie (17,4% en moyenne sur cinq ans mais à 17,2% en 2022) qui vient de se faire doubler par la Grande-Bretagne (16,9% en moyenne sur 5 ans mais 18,7% avec 85 819 t en 2022). La France arrive en 4ème position avec 14,7% des importations en moyenne sur 5 ans, mais une belle progression l’an dernier à 17% (77 844 t selon les douanes japonaises). L’Hexagone talonne désormais l’Australie. L’Allemagne suit mais de plus loin (8,9% de part de marché en 2022) puis viennent, encore plus loin, les Pays-Bas, la République Tchèque et la Belgique.

Du côté du houblon, la dépendance s’accentue également chaque année en raison principalement du vieillissement de la population agricole japonaise. Ce sont les Allemands qui dominent (63% des besoins soit 2 631 527 kg), suivis par les Tchèques (24,3%), la France arrivant en 8ème position avec… 610 kg l’an dernier.

 

 

 

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