« Suite à la FCO, il va manquer de femelles de renouvellement dans 30 % des élevages laitiers », d’après Innoval
La reproduction des troupeaux laitiers a été mise à mal avec le passage de la FCO 3 et 8, particulièrement marqué dans le Grand Ouest. Il y aura moins de vêlages au printemps. Un suivi reserré de la repro est recommandé.
La reproduction des troupeaux laitiers a été mise à mal avec le passage de la FCO 3 et 8, particulièrement marqué dans le Grand Ouest. Il y aura moins de vêlages au printemps. Un suivi reserré de la repro est recommandé.
Avortements parfois tardifs, mortalité embryonnaire, veaux « idiots » ou malformés… La FCO ralentit mais elle a laissé des traces et ses conséquences continuent font se faire sentir sur la repro. Comme en témoignait le GDS du Doubs en décembre 2024 : +30 % de mortalité, +70 % d’avortements, -9% de taux de non retour à 90 jours. Un constat partagé cette année dans le Grand Ouest où pendant le pic de FCO, les chiffres ont montré « +144 % d’avortements déclarés et + 36 % de morts nés en Bretagne », rapporte Grégoire Kuntz, vétérinaire au GDS Bretagne. « Et sur l’ensemble de la zone Innoval, nous avons observé une baisse du taux de non retour en chaleur jusqu’à 8,6 points dans les 90 jours après l’insémination », poursuit Thibaut Gautherot, référent technique en reproduction chez Innoval. De même, les constats de gestation négatifs ont connu un pic durant l’été à +8 %, voire +13 % sur certains départements.
Dans ce contexte, il est important cet hiver d’adopter un suivi de gestation régulier pour piloter la reproduction « en ayant une vision claire de l’état des lieux des gestations en cours, avance Thibault Gautherot, référent reproduction chez Innoval. Et en adoptant une stratégie adéquate pour ne pas manquer de femelles de renouvellement. Cette problématique pourrait concerner 30 % des élevages laitiers au printemps prochain. »
Un suivi resserré avec au moins une échographie par mois
Un check-up de toutes les vaches supposées en gestation est vivement recommandé pour identifier celles qui ont coulé. Si le constat de gestation se révèle négatif, l’objectif est de perdre le moins de temps possible. Un constat d’aptitude à la reproduction (avec palper et échographie) sur les femelles qui ont avorté, mais aussi sur celles qui présentent un retard est à effectuer dans la foulée, afin de vérifier si leur fonction de repro a repris ou pas. L’appareil reproducteur dans son ensemble (vagin-col-utérus-ovaires) est passé au crible avec notation de l'état corporel. Même sans avoir avorté, elles ont pu être impactées par la FCO et risquent d’être pénalisées par un déficit énergétique plus important, préjudiciable pour la repro. « Une vache qui perd un point d’état corporel entre le vêlage et sa mise à la repro présente seulement 18 % de taux de réussite à l’insémination, rappelle le référent. Par ailleurs, à la suite d’un épisode de FCO, la fièvre, la diminution de l’ingestion et le déficit énergétique qui en découle provoquent ce que l’on nomme un marquage folliculaire. Ce dernier altère la qualité des follicules et des ovocytes, entraînant une dégradation de la fertilité jusqu’à 90 jours après le passage de la FCO. »
Relancer les cycles au plus vite
« Si la femelle est apte et qu’elle a été vue en chaleur récemment ou qu’elle doit l’être prochainement, l’éleveur peut suivre le plan d’accouplement habituel, dépeint Thibaut Gautherot. Par contre, si plusieurs femelles n’ont pas été vues en chaleur, mieux vaut alors recourir à un dispositif de synchronisation pour relancer la cyclicité au plus vite. »
Si, au contraire, l’échographie révèle une inaptitude à la repro, dans ce cas, selon la nature de ce qui est observé, il est possible d’agir sur la complémentation énergétique, sur la supplémentation nutritionnelle à base de vitamines et d’oligo-éléments pour favoriser la reconstitution des tissus utérins ou la reprise de la fonction ovarienne… Puis un nouveau contrôle 30 jours plus tard est à réaliser. « La priorité absolue est de ne pas laisser une femelle bloquée et maintenir une dynamique de mise à la reproduction », insiste le conseiller.
Ce contrôle concerne les gestations récentes mais reste aussi valable plus tard dans la gestation. « Quand une femelle a un constat de gestation positif, c’est évidemment une bonne nouvelle. Mais en période de FCO, la prudence reste de mise. Mieux vaut recontrôler la gestation à J+30 pour vérifier que tout va bien, et sécuriser les futurs vêlages. »
« Pour éviter les mauvaises surprises, il est recommandé de fouiller les vaches avant le tarissement pour s’assurer qu’elles sont bien pleines », indique encore Emilie Turmeau d’Elvup.
Identifier les femelles dont la repro peut être avancée
Une fois le bilan des gestations en cours établi, si vous pressentez que vous risquez de manquer de femelles de renouvellement, n’hésitez pas à inséminer plus tôt les génisses qui sont éligibles à la mise à la repro. Si elles mesurent plus de 170 cm de tour de poitrine ou si elles font plus de 400 kg, elles peuvent être inséminées. « N’hésitez pas non plus à avancer l’insémination des vaches à plus de 50 jours du vêlage après un constat positif d’aptitude à la reproduction. Le délai moyen de mise à la repro que nous observons en race prim’Holstein se situe à 96 jours en moyenne. Il y a là des marges de manœuvre de ce côté-là. » Le recours à des doses sexées peut encore s’envisager pour augmenter le nombre de femelles et sécuriser le renouvellement. Enfin, même si ce n’est pas une solution idéale, il faudra réinséminer des vaches initialement prévues de réformer.
Un impact économique non négligeable
Si on regarde ce qu’il s’est passé dans l’Est de la France après l’épisode de FCO durant l’été 2024, on voit deux effets marquants. « L’intervalle vêlage-vêlage s’est allongé de 8 jours en moyenne et chez les génisses, l’âge au premier vêlage a augmenté de presqu’un mois », rapporte Thibaut Gautherot. Les systèmes d’élevage, les races, la qualité des fourrages ne sont pas les mêmes, et les effets peuvent varier. « Mais si l’on transpose ces résultats au troupeau moyen de la zone Innoval comprenant 87 vaches laitières, les pertes relatives à l’allongement de l’intervalle vêlage-vêlage s’estiment à 2 000 € et celles liés au recul de l’âge au premier vêlage autour de 1 200 €. Au total, cela représente 3 200 € de pertes annuelles sur le volet reproduction. » Sans compter la baisse de production, les frais vétérinaires et la mortalité.
A titre de comparaison, la vaccination contre la FCO3 et 8 reviendrait pour cet élevage à 1 670 € en vaccinant les vaches et génisses de 1 et 2 ans, sur la base d’un coût de vaccination de 12 €/animal(1).
Mise en garde
En monte naturelle, attention, le taureau peut perdre lui aussi ses capacités de fécondation et peut connaître une période d’infertilité jusqu’à quatre mois après le passage de la FCO.
A retenir
-Faire la liste des femelles à vêler et compter le nombre de femelles pleines suite aux dernières échographies
-Identifier les femelles dont la repro peut être avancée
-Maintenir un suivi resserré avec au moins une échographie par mois
-Effectuer des constats d’aptitude à la repro sur toutes les femelles vides
FCO : Se poser les bonnes questions pour protéger son troupeau
Après le passage de FCO de cet été, il est déjà temps de penser à la vaccination pour 2026. Chacun devra raisonner localement contre quels sérotypes protéger le troupeau.
« Malgré la circulation virale de 2025, tous les cheptels et tous les animaux n’ont pas été infectés par les sérotypes 3 et 8, ni n’ont été vaccinés. Ainsi, ils ne sont pas protégés », insiste Grégoire Kuntz, vétérinaire au GDS de Bretagne. A l’échelle collective, une protection est atteinte si au moins 80 % des animaux sont vaccinés.
« Pour savoir contre quelles maladies et quelles souches vacciner, il est intéressant de réaliser une analyse de risque », estime Xavier Quentin, vétérinaire et responsable du GTV de la Manche. Par exemple, dans ce département, environ 1300 cas de FCO 3 ont été recensés, et deux cas de FCO 8. « Il y a un risque de voir revenir ces deux souches l’année prochaine, et surtout la FCO 8, car la progression du virus redémarre là où elle s’est arrêtée ». Le vétérinaire incite les éleveurs de sa zone à vacciner contre la FCO 3 et 8.
Réservez les doses maintenant
Grégoire Kuntz conseille à chacun d’échanger avec son vétérinaire sur le protocole vaccinal adapté à son élevage. « On reviendra sur les questions suivantes : Avez-vous vu des signes cliniques ou eu des mortalités et en quelle proportion ? Avez-vous identifié s’il s’agissait de la FCO 3 ou 8 par analyses ? Avez-vous déjà vacciné, tout ou partie, et si oui contre quel sérotype ? Le prix du vaccin est-il un frein et l’avez-vous comparé aux pertes potentielles ? ». Cette dernière question est en effet primordiale. Si le vaccin a un coût (entre 10 et 15 € par vache pour une couverture vaccinale complète pour les sérotypes 3 et 8), les pertes engendrées par la FCO peuvent être bien plus importantes. « Si vous n’avez pas de veaux, ou si une vache meurt, combien ça coûte ? », pose Xavier Quentin. Les doses de vaccins doivent être réservées dès maintenant, pour vacciner les animaux à la fin de l’hiver ou au début du printemps, afin qu’ils soient protégés avant la reprise vectorielle.