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« Quand on nourrit le sol, il nous le rend bien »

Au Gaec Moinard, en Vendée, la clé est un sol qui fonctionne. Laurent Moinard et son frère ont modifié peu à peu leurs pratiques pour aboutir à un système de cultures en semis direct intégral.

Laurent Moinard. " Le semis direct implique de passer un palier psychologique. Au-delà du changement de pratiques, cela requiert une évolution du système de pensée. »
© É. Bignon

« Le sol n’est pas un simple support dans lequel on jette des graines, c’est un milieu vivant ! ", revendique Laurent Moinard, installé avec son frère sur une exploitation de polyculture-élevage de 160 hectares et 130 laitières à 10 000 kg de lait en système robot. " Pour retrouver un sol qui fonctionne, il y a des pratiques à mettre en œuvre, mais il y a surtout une prise de conscience et un cheminement à faire dans sa tête ! Une fois que l’on a compris comment marche le sol, on adopte un nouveau regard, un nouveau raisonnement, celui de nourrir aussi les organismes vivants du sol. » Laurent en est convaincu : un agriculteur doit être avant tout un éleveur de bactéries et de champignons. « Pour aider le sol à retrouver son équilibre, il faut oublier une partie de nos références, en accepter d’autres, et être prêt à expérimenter plutôt que d’attendre une solution toute faite. »

Avec des sols argilo-calcaires très hétérogènes en profondeur, le Gaec a arrêté le labour il y a vingt ans. « Il ne se justifiait pas sur nos terrains superficiels, on broyait beaucoup de pierres et on cassait du matériel », se souvient Laurent. Les exploitants ont alors travaillé le sol avec des outils à dents, avant de basculer en semis direct d’abord sur les cultures d’automne en 2002, puis sur la totalité des cultures en 2010. Le maïs a été la dernière culture à y passer.

D’abord apprendre à observer le sol

 

 
« Au fil des ans, nous avons fait évoluer le système (plus de couverts, assolement plus diversifié, réduction des phytos, etc.) et, en parallèle, j’ai vu le sol changer et la biodiversité revenir sur les parcelles. »  Maintenant, Laurent observe des auxiliaires, des turricules, des cabanes de vers de terre, signes de la bonne santé du sol. « Avant, je n’y prêtais pas du tout attention, je ne voyais rien. » Les sols apparaissent aussi plus homogènes, et leur souplesse est frappante quand on marche dessus.

 

Aujourd’hui, les efforts consentis pour mettre en place un nouveau système de culture payent, mais tout n’a pas été facile. « On a connu des problèmes de salissement. Il y en a encore mais la situation s’est bien améliorée grâce aux couverts et surtout aussi quand on a arrêté de toucher le sol. Cette année, j’ai même une parcelle où je n'ai fait aucun désherbage sur blé. »

Globalement les parcelles où il y a des plantes toute l’année sont celles qui fonctionnent le mieux; le taux de matière organique augmente. Notamment celles où se suivent un blé, un moha-trèfle d’Alexandrie (ou sorgho), un méteil d’automne et un maïs. L’autre difficulté a porté sur la gestion des limaces et des mulots. Cela prend du temps avant que leur population se régule avec le retour des carabes et des rapaces. « Nous avons démarré la culture du lin, moins sensible aux limaces que le colza. On a aussi remarqué que celles-ci disparaissent davantage sur les parcelles où on ensile le méteil », observe Laurent, qui reconnaît qu’il y a encore une parcelle compliquée avec les limaces.

Être prêt dans sa tête et persévérer

 

 
Passer au semis direct a impliqué une prise de risque. « Bien sûr, j’ai eu des doutes et des inquiétudes, mais ce qui m’a toujours rassuré, c’est le gain de temps permis. Chez nous, si on était resté en système classique, il nous faudrait au moins un salarié à temps plein. » Sans compter l’économie en carburant et en entretien du matériel. « Le choix et la restitution des couverts au sol peut être un point d’achoppement. Il peut en effet y avoir des objectifs antagonistes entre le fait de nourrir le sol ou les vaches. » Enfin, il faut être prêt à affronter les critiques de ses proches et de ses voisins. « Ce n’est pas toujours simple au début, lorsqu’on fait des erreurs par inexpérience... D'où la nécessité d'échanger en groupe. L'Apad m'a beaucoup apporté." »

 

Malgré des rendements un peu inférieurs en maïs (5 à 10 %), Laurent estime que l’exploitation dégage une meilleure marge nette. Et au-delà de l’aspect économique, cette nouvelle dynamique l’a remotivé. « Le fait de s’interroger sur sa façon de faire, de se remettre en cause, de tester, d’expérimenter, redonne du sens au métier. Je suis content d’être parti dans cette voie. »

Mise en garde

Mieux vaut rejoindre un collectif et se faire accompagner quand on se lance. Le soutien du groupe est primordial sur les plans technique et moral. Se former et partager les expériences fait gagner beaucoup de temps et réduit aussi les risques d'échec.

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