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Production laitière : doper le taux butyreux par l’alimentation

Augmenter rapidement le TB, c’est possible par l’alimentation. Certaines rations sont plus favorables mais il faut surtout prévenir la sub-acidose pour ne pas le dégrader.

Les deux nutritionnistes interrogés — Olivier Véron de Littoral Normand et Johann Cariou de Bretagne conseil élevage Ouest — reconnaissent que la question leur est souvent posée depuis que la matière grasse n’est plus pénalisée : comment jouer sur l’alimentation pour augmenter le taux butyreux ? « Au moins 50 à 60 % du TB sont liés à la génétique. Lorsque les animaux ont été sélectionnés avec des taureaux négatifs en taux, une ration favorable au TB aura très peu d’effet, avertit le premier. L’alimentation doit d’abord prévenir les chutes de TB. » « Avant de rentrer dans la nutrition, il faut d’abord revenir aux fondamentaux, qui ont un impact sur la quantité de fourrages ingérés : les rendre accessibles 24 heures sur 24 ; vérifier le nombre de places à l’auge et l’abreuvement ; s’assurer du confort des animaux », insiste le second.

La matière grasse du lait a trois origines. Elle est synthétisée en partie dans la mamelle à partir de l’acide acétique et de l’acide butyrique issus des fermentations ruminales. Une autre part provient de la mobilisation des réserves corporelles. Et, enfin, des acides gras sont fabriqués à partir des matières grasses de la ration.

Des précurseurs des acides acétiques et butyriques

« Le premier levier pour augmenter le TB consiste à privilégier les aliments riches en précurseurs de l’acide acétique, comme le maïs ensilage, et les sources de sucres (betterave fourragère, mélasse), précurseurs de l’acide butyrique », explique Olivier Véron. Le sorgho BMR, riche en sucres et cellulose a aussi un effet positif sur le TB. « Des éleveurs des zones sud Bretagne commencent à apporter du sorgho dans les rations pour augmenter le TB », signale Johann Cariou. A contrario, les régimes à base d’herbe conservée ont un effet dépressif sur le TB.

« Il ne faut toutefois pas dépasser 5 % de sucres dans la ration ou 15-20 % d’amidon ruminal plus sucres parce qu’on risquerait l’acidose et donc l’effet inverse, prévient Olivier Véron. Durant l’hiver, le taux d’amidon ruminal augmente parce que l’amidon de l’ensilage de maïs devient de plus en plus digestible. Il faut souvent retravailler les rations en cours d’hiver pour éviter l’installation d’une petite sub-acidose, en réduisant ou retirant des sources d’énergie type blé, orge, triticale. »

Un Baca supérieur à 250 mEq/kg de MS

Le deuxième levier consiste en effet à prévenir l’acidose, qui fait chuter la synthèse de l’acide butyrique et donc le TB. Équilibrer la ration pour éviter ces déviations fermentaires est primordial. Les règles sont connues : ne pas dépasser 25 % d’amidon et offrir une ration bien pourvue en fibres (18 % de cellulose brute, 40 % de fibres chimiques NDF dont les trois quarts apportés par les fourrages). Parmi les repères clés encore : un Baca (bilan alimentaire cations - anions) supérieur à 250 mEq/kg de MS. « Plus le Baca des vaches en lactation est élevé, meilleure est la synthèse de la matière grasse, développe Olivier Véron. Dans des rations à base de maïs ensilage, paille et tourteau de colza, le niveau de Baca est insuffisant. On peut l’augmenter en apportant des fourrages verts type ensilage ou enrubannage d’herbe ou une solution tampon type bicarbonate. »

Faire analyser les fourrages

Les nutritionnistes attirent l’attention sur les transitions alimentaires ou encore sur la qualité de récolte de l’ensilage de maïs. « Il faut avoir des grains bien pulvérisés », indique Johann Cariou. Gérard Maréchal, directeur technique des approvisionnements lait chez Lactalis, met en garde sur les « maïs de grande qualité » récoltés cet automne. Riches en amidon et pas trop pourvus en cellulose, « ils auront capacité à faire beaucoup de lait mais pas forcément du TB. Il est primordial de faire analyser les fourrages pour caler la complémentation de ces maïs de manière à ne pas détériorer le TB. Il faut activer les leviers permettant de faire ingérer plus de fibre en incorporant par exemple des aliments liquides sucrés. »

Lorsque les vaches sont au pâturage, le maintien d’une part de d’ensilage de maïs et de foin ou paille (au moins 4-5 kg de MS) est recommandé pour limiter les baisses du taux butyreux, mais celle-ci reste en partie inévitable car liée aux jours longs.

Suffisamment d’azote soluble et plutôt des sources "parois"

En matière de complémentation, « tout est possible, poursuit Johann Cariou. Mais, il faut viser une concentration MAT de la ration de 14 à 17,5 %, selon l’objectif de production, et une balance protéique ruminale plutôt positive, avec suffisamment d’azote soluble, pour valoriser pleinement l’énergie des fourrages ». En ce qui concerne les concentrés énergétiques, il vaut mieux privilégier les sources d’énergie de type paroi (pulpe de betterave, coque de soja) plutôt que de type amidon et pour ces dernières, de l’amidon lent (maïs) plutôt que rapide (blé, orge, triticale).

Des concentrés protéiques plus ou moins favorables

La nature des concentrés protéiques a un effet sur le TB. Le tourteau de soja est le plus favorable. Le tourteau de colza fait baisser le TB de 1,2 g/kg de lait, par rapport au soja, et le tourteau de lin de 3,7 g/kg. Mais, l’impact sur la quantité de matière grasse est assez limité. « L’objectif d’augmentation du TB ne remet pas en cause l’utilisation du tourteau de colza parce que la différence de prix par rapport au soja reste largement en sa faveur », indique Olivier Véron. La luzerne déshydratée a également un effet négatif (-1,5 g/kg par rapport au soja). Le tourteau de cacao améliore le TP de l’ordre d’1 point et le TB de 1 à 2 points, selon divers essais et observations de terrain, pour un apport quotidien recommandé de 200 à 400 grammes par vache. Il induit parfois une légère baisse du lait. « Pour que ça marche, il faut avoir une bonne couverture protéique de la ration parce que le tourteau de cacao a une valeur MAT de 25 %, souligne Johann Cariou. En fait, on l’ajoute en plus du correcteur azoté habituel. On peut l’utiliser toute l’année, même au pâturage. » Vendu autour de 400 euros par tonne, son intérêt économique, si les hausses de taux sont bien au rendez-vous, semble favorable. Les apports de concentrés, en particulier énergétiques, ne doivent pas dépasser 35 % du total matière sèche de la ration, souligne également l’Institut de l’élevage. Au-delà, le TB a tendance à chuter.

La betterave ramène 1 à 3 points de TB

La betterave fourragère redevient à la mode. « Dans le centre Bretagne, un tiers des éleveurs en apportent dans les rations », indique Johann Cariou. Outre les bienfaits sur la santé des animaux, c’est l’un des fourrages qui a le plus d’impact sur les taux. « Nous préconisons l’apport de 2,5 à 3 kg MS/vache/jour avec des rations à base de maïs ensilage, indique Johann Cariou, référent nutrition de l’association pour le développement de la betterave fourragère monogerme (ADBFM). Avec des rations plus fibreuses de type foin, on peut monter jusqu’à 5 kg. Dans nos audits lait des années passées, nous avons observé des augmentions de 1 à 3 points de TB et de 1 à 1,5 point de TB dans les élevages utilisateurs de betterave. En prenant une base moyenne, la plus-value en TP est de 8,25 €/1 000 litres et en TB de 5,20 €/1 000 litres soit 13 à 14 €/1 000 litres sur la période de distribution. »

En jouant sur les différences variétales et en échelonnant les arrachages, des producteurs arrivent à prolonger la distribution jusqu’à fin mars, voire jusqu’en avril - mai avec trois récoltes. « La betterave a un impact sur les taux, mais elle permet aussi d’économiser du concentré de production. Avec une distribution de novembre à mars, on peut économiser 200 kilos de concentré, soit 50-60 €/vache. Pour optimiser ses atouts, il faut être vigilant sur l’apport en protéine de la ration et surveiller la rumination. La betterave doit être utilisée avec des fourrages relativement secs, surtout en ration mélangée. Il faut viser un taux de MS de l’ensilage de maïs de 33-35 % pour obtenir une ration complète à 38-40 %. »

B. G.

Un surcoût des matières grasses protégées

Un apport excessif de matières grasses non protégées (huile palme, graines de lin…) dans la ration provoque une baisse de TB. Il ne faut pas dépasser 5 % dans la ration. En revanche, l’ajout de matières grasses protégées (hydrogénées ou saponifiées) améliore le TB. « Le surcoût n’est jamais rentabilisé, affirme Olivier Véron. Avec un apport de 300 g/VL/jour, il faudrait 4,3 points de TB supplémentaires pour le rentabiliser, alors qu’en moyenne sur le terrain, le gain est de 0,5 à 2,5 points avec les matières grasses hydrogénées et de 0 à 2 points avec les matières grasses saponifiées. » C’est d’ailleurs pour cette raison de coût, qu’il n’y a pas ou peu d’aliments capables de faire augmenter le TB. « On y a tous réfléchi mais on n’est pas en capacité d’en faire à prix raisonnable », dévoile le nutritionniste. Les entreprises mettent aussi en avant le risque, en termes d’image pour la filière, à utiliser des matières comme l’huile de palme, que les consommateurs rejettent de plus en plus.

« Des chutes de TB dues à de trop fortes ingestions »

« Lors des pics de chaleur, on observe des chutes de TB chez certains éleveurs dues à de trop fortes ingestions. Une vache consomme normalement 4,5 kg de maïs (MS) la première heure. Lorsqu’il y a des pics de chaleur, elles sont capables de monter à 8 kg parce qu’elles n’ont rien ingéré le reste de la journée. La ration peut être équilibrée sur le papier mais une ingestion trop importante deux fois dans la journée peut provoquer des déviations fermentaires. Il faut bien adapter le temps de présence en bâtiment à la quantité à ingérer à l’auge. De plus, il faut être vigilant sur la concentration de la ration, en évitant de mettre trop de paille, parce que, quand il fait très chaud, les vaches consomment 1 à 3 kg de MS de moins par jour. »

Johann Cariou, nutritionniste BCEL-Ouest

« Avec la betterave, on gagne 3 à 4 points de TB »

« Nous produisons 865 000 litres avec un cheptel de 120 Prim’Holstein à 7 200 litres. Avant, on était très axé sur la production, avec des vaches à 10 000 litres mais ça n’allait pas bien au niveau santé et reproduction. Nous avons baissé la production par vache, augmenté le nombre d’animaux, arrêté les céréales et incorporé de la betterave dans l’assolement (2 à 2,5 ha depuis 7-8 ans) pour améliorer à la fois la santé des vaches et le TB. Cette année, nous avons implanté 3,6 hectares, que nous récolterons en trois fois au lieu de deux (fin octobre, janvier et mars) pour pouvoir en distribuer jusqu’en juin. Pour la dernière récolte, nous avons choisi une variété plus riche en matière sèche. J’espère qu’elle ne sera pas trop dure pour les primipares qui n’ont pas terminé leur dentition. On les distribue entières au godet désileur en les mettant sur l’ensilage de maïs. La ration comprend 3 kg (MS) de betteraves, 13-14 kg de maïs, 3 kg d’enrubannage en libre-service et 4,5 kg de tourteau de colza qu’on met en sandwich entre le maïs et les betteraves. Quand on démarre les betteraves, on gagne 1 à 2 litres de production et 3 à 4 points de TB ; on monte facilement à 44-45. L’hiver, la betterave remplace le concentré de production. »

Pierre Auffret, éleveur à Pleyben, Finistère

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