Pourquoi je ne prescris pas aujourd’hui d’huiles essentielles ?
La prescription est un exercice difficile pour le véto, même expérimenté. Vous lui demandez légitimement de prescrire efficace, pas cher et si possible avec un délai d’attente lait réduit. Pour savoir qu’une thérapeutique est vraiment efficace, il faut l’avoir soumise au minimum à des tests en conditions réelles, sur un nombre d’animaux qui peut aller jusqu’à plusieurs centaines, en comparant les résultats obtenus avec un lot non traité ou traité avec une autre substance. C’est même à partir de ce genre de tests réalisés désormais sur différents continents et dans des conditions assez variées que se développe peu à peu la "médecine basée sur les preuves" qui a permis de laisser tomber des traitements et des médications inutiles et qui a validé un grand nombre de thérapeutiques innovantes en médecine humaine. Les vétérinaires n’échappent pas à ce mouvement de progrès et le ministère de l’Agriculture souhaite que les vétos s’y soumettent dans leur prescription quotidienne autant que dans les protocoles de soins qu’ils vous mettent entre les mains.
Réduire l’usage des antibiotiques ne passe pas nécessairement par le recours à d’autres médications. On sait qu’un traitement précoce générera moins de pertes et de frais qu’un traitement tardif, on sait que les maladies respiratoires infectieuses sont moins fréquentes et moins sévères grâce à une meilleure couverture vaccinale et tout le monde sait aussi que la grande majorité des boiteries et bon nombre de récidives d’infections mammaires se passent d’antibiotiques, tout comme les diarrhées des jeunes qui profitent pleinement d’une réhydratation copieuse et raisonnée plutôt que de médicaments aux vertus incertaines. Moins de recours aux médicaments, des médicaments vraiment utiles, pas plus de pertes… nous voilà sur le bon chemin !
Mais la mode semble être à la remise en cause des fondamentaux. Nous assistons donc à une poussée des médications alternatives qui veulent rivaliser avec les médicaments mais sans jamais avoir fait l’objet d’études sérieusement menées ni sur leur efficacité chez nos animaux d’élevage ni sur l’innocuité de leurs résidus pour le consommateur qui n’a aucune raison de les préférer aux résidus médicamenteux. Ça n’est pas insulter les promoteurs de ces médications que de leur demander de cesser les slogans sur l’immunité, sur le drainage hépatique, la réduction parasitaire et autres allégations du même acabit pour les soumettre à des tests d’efficacité terrain encadrés par des scientifiques. Après tout, c’est ce qu’ont réalisé avant eux tous les médicaments dignes de ce nom. Au lieu de cela, je vois de nombreux éleveurs déçus, des dépenses inutiles et pour les animaux une "perte de chance" de guérir et quelques morts de trop parce que le traitement efficace est arrivé trop tard. Le jour où nous disposerons de preuves sur leur intérêt, d’indications claires, de voies d’administration codifiées et pour la plupart d’entre elles de délais d’attente, alors oui, je pourrai intégrer ces médications dans mes protocoles de soins. Mais pas avant.