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Au Gaec Lan Ar Guibel dans les Côtes-d'Armor
« Nous investissons dans le but d'installer des jeunes »

Arnault et Marylène Le Goffic ont misé sur les atouts de la race Normande et du pâturage pour développer un système viable et attractif pour des jeunes.

Installés à Plouzélambre, à une dizaine de kilomètres de la Côte de Granit Rose, Arnault et Marylène Le Goffic ont aménagé une partie de leur corps de ferme en gîte et deux chambres d'hôtes en 2005. « Il fallait oser pour se lancer dans cette activité alors que nous sommes dans un coin un peu paumé. Mais ça marche très bien. Nous refusons même du monde en été. Finalement les vacances ne nous manquent pas trop parce que ce sont les gens qui viennent nous voir. » Mais, la passion d'Arnault, celle qui l'a poussé à s'installer hors cadre familial en 1988 sur 29 hectares avec seulement 100 000 litres de lait, c'est les vaches et en particulier celles de race Normande. « Mes parents n'étaient pas agriculteurs mais il y avait toujours deux ou trois vaches chez nous pour élever des veaux et c'est de là qu’est venue ma passion. » À l'époque, ce projet d'installation après un tiers avec moins de 200 000 l de lait et des Normandes, a laissé perplexe plus d'une personne. « Certains prédisaient que j'irai droit au mur. » Près de trente ans plus tard, Arnault et Marylène Le Goffic exploitent 95 ha, dont 72 ha en propriété, et gèrent un troupeau de 70 Normandes et leur suite.

Création d'un Gaec entre époux depuis 2015

Marylène est issue du milieu agricole et travaille sur l’exploitation avec son mari depuis 1996. Mais ce n’est qu’en 2015, grâce à l’opportunité de créer un Gaec entre époux, qu’elle obtiendra le statut de chef d’exploitation. « Notre objectif est de garder une structure familiale et d'investir pour favoriser l’installation de jeunes. » Ce projet est très bien engagé. Leurs deux filles sont particulièrement motivées. Aurélie (21 ans) devrait rejoindre le Gaec d'ici trois à quatre ans. Et Nadège (25 ans) gère les accouplements et pourrait également s'installer à terme. « À sept ans elles venaient déjà nous aider à la traite et aujourd'hui, dès qu'elles ont du temps libre, elles viennent nous donner un coup de main. Cela nous motive pour continuer et progresser, sinon on serait certainement restés avec 50 vaches. »

Le Gaec va d'abord accueillir un associé d'ici deux ans puis Aurélie. Les éleveurs vont investir environ 300 000 euros dans une nouvelle stabulation sur aire paillée en 2018. « Il y a moins de risques de boiteries avec une aire paillée. Mais des logettes pourront être facilement installées plus tard si les jeunes le décident », précise Marylène Le Goffic. Le bâtiment permettra de loger 112 vaches. « Notre laiterie -Triskalia- nous a proposé d'augmenter notre référence de 400 000 l dont 100 000 l en volume B quand notre premier futur associé sera installé. Mais nous ne produirons le volume B que si c'est intéressant économiquement. » L’augmentation de la production se fera via l’accroissement de l’effectif du troupeau et la hausse du niveau de production par vache. Les éleveurs n'envisagent pas de financer l’augmentation de cheptel et de stocks fourrager via un prêt bancaire.

400 000 litres de lait supplémentaires d'ici deux ans

La salle de traite actuelle (2 x 5) sera remplacée en 2019 par une TPA 2 x 10 avec installation d'un DAC pour optimiser la distribution de concentrés. Le devis tourne autour de 160 000 euros. « Le montant global de l’investissement (salle de traite et stabulation) sera certainement inférieur à 460 000 euros parce que nous réaliserons certains travaux comme le coulage des dalles de béton et le bardage, souligne Arnault. 340 euros/1000 l en 2015-2016, ce n'était pas cher payé pour tout le travail qu'on fournit sur notre exploitation. Malgré cela, on ne se décourage pas notamment parce que notre système est assez économe grâce à la valorisation du pâturage et parce que la race Normande permet de faire de la plus-value sur la vente des réformes et grâce aux taux. » Lors des deux dernières campagnes, la plus-value réalisée avec les taux a été de 39 et 41 euros/1000 litres.

Race mixte oblige, le produit viande pèse dans le chiffre d’affaires même si les vaches de réforme ne sont pas finies par manque de place dans les bâtiments et pour ne pas augmenter la charge de travail. Malgré un marché atone, elles ont été vendues en moyenne à 990 euros en 2015-2016. « Mi-janvier, nous en avons vendu une qui faisait 416 kg de carcasse payés à 3 euros/kg. » La vente directe de génisses complète le revenu issu du produit viande. En 2016, quatre génisses ont été vendues au prix moyen de 1438 euros. En revanche, le prix moyen des veaux mâles a plafonné à 96 euros lors des deux dernières campagnes.

Diminuer de plusieurs mois l'âge au premier vêlage

Les génisses gardées pour le renouvellement vêlent à 33 mois. « Il y a moyen de gagner plusieurs mois », souligne Élodie Boudeele de BCEL-Ouest. D'autant que « les résultats de reproduction sont très corrects avec 1,6 paillette par gestation chez les vaches et 1,3 paillette et 74 % de réussite en première IA pour les génisses », précise la conseillère. L’intervalle vêlage-vêlage est un peu élevé (400 jours). Pas de problème de fertilité donc, mais plutôt un retard au niveau de la mise à la reproduction des génisses. « J’ai tendance à sous-estimer le poids des génisses et pour nous l’âge au premier vêlage n’était pas jusqu'ici un souci. Mais avec les projets d’installations et d’augmentation de l’effectif des vaches, il va falloir vêler les génisses plus tôt », reconnaît Arnault Le Goffic. Plusieurs leviers seront utilisés. À commencer par une amélioration de la conduite d'élevage des veaux. « Nous avons décidé de les drencher. » L'impact se fera plus ressentir sur le taux de morbidité que sur celui de la mortalité, qui ne dépasse pas généralement 3 %. « Nous faisons en sorte de réduire le nombre de vêlages entre le 15 décembre et le 15 février pour diminuer les problèmes sanitaires. »

Des échanges parcellaires sur une quinzaine d'hectares

Faciliter la détection des chaleurs tout en diminuant la charge de travail est une autre piste développée pour optimiser la conduite de la reproduction. Les éleveurs viennent d'investir 8 000 euros dans un système Heatime comprenant une base et 40 colliers. Un complément à une détection visuelle déjà performante. « J'observe une dernière fois mes vaches tous les soirs avant d'aller me coucher. Et plutôt que d'installer des abreuvoirs dans les paddocks réservés aux génisses, je préfère leur apporter de l'eau tous les jours pour les observer régulièrement. »

Le taux de renouvellement élevé (40 %) est également un critère sur lequel les éleveurs comptent se pencher. « Nous sommes conscients que l'excès de renouvellement coûte cher même si nous valorisons bien les vaches de réforme. Mais notre objectif était d’accélérer le progrès génétique en intégrant beaucoup de génisses dans le troupeau. » Avec l’augmentation de l’effectif de vaches, le taux de réforme va automatiquement diminuer. Une quinzaine d’inséminations avec de la semence sexée sont réalisées depuis deux ans pour augmenter le nombre de génisses de renouvellement. « Quand nous serons en vitesse de croisière, nous croiserons certaines vaches avec du Blanc Bleu Belge pour augmenter le prix de vente des veaux. »

La seconde grande caractéristique de cet élevage est l'accent mis sur la valorisation de l'herbe. « Nous avons des terres profondes favorables à la pousse de l’herbe en été. En revanche, nos prairies démarrent assez tardivement », explique Arnault Le Goffic. Le recours aux échanges parcellaires a permis de regrouper les terres autour de la ferme. « Avoir des terres bien restructurées autour des bâtiments, ça vaut de l'or. Nous avons échangé une quinzaine d'hectares en 10 ans. Aujourd'hui nous avons une parcelle de 27 hectares qui était autrefois divisée en plus de 30 parcelles et 70 ha autour de la ferme ( 75 ares disponibles par vache traite).»

Pas d'ensilage d'herbe mais de l'enrubannage

La surface moyenne des paddocks tourne autour de 2,50 hectares. Au printemps, les vaches changent de paddocks tous les jours et y retournent 10 à 12 jours plus tard. « C'est un bon compromis entre le rendement qui tourne autour de 7,5 à 8 t de MS d'herbe valorisée et la qualité du fourrage », précise Élodie Boudeele. Les paddocks débrayés sont enrubannés (200 à 230 bottes par an). En revanche, pas question de faire de l'ensilage d'herbe. « C'était peut-être de notre faute, mais on ne faisait pas de lait ni de taux quand on incorporait de l'ensilage d'herbe dans la ration. La qualité de l’ensilage n’était pas bonne notamment parce que les entreprises ne veulent pas faire de préfanage à cause des cailloux. » Une trentaine d'hectares de maïs sont ensilés chaque année pour sécuriser la ration hivernale : 13 à 14 kg de MS de maïs, complétés par 2 à 3 kg de MS d'enrubannage et 2 kg de correcteur azoté.

À part quelques petits recadrages au niveau de l’élevage des génisses, « le système est plutôt bien rôdé et rentable même si la création récente du Gaec a contribué à augmenter les amortissements et à baisser artificiellement le résultat courant », analyse Anne Dransart de l’Organisme de sélection de la race Normande.

Les vaches sortent toute l’année

« Elle sortent même quand il neige. Mais l’hiver, on les rentre le soir. Avec une stabulation de 50 places pour 70 vaches, c’est un peu la crise du logement. Elles sont mieux dehors et c’est un bon moyen pour les observer et détecter les chaleurs », expliquent les éleveurs. « En hiver, nous condamnons 4 à 5 hectares de prairies qui seront mis en maïs l’année d’après. » Autre avantage de cette stratégie : « nous faisons l’impasse sur le post-trempage avec un produit à effet barrière le matin sans que cela pose de problèmes de cellules et mammites ».

Une qualité sanitaire du lait bien maîtrisée

« Cent euros de pénalités lors de la campagne 2015-2016 avec un comptage cellulaire moyen autour de 200 000 cellules, et sans problèmes de germes ni de butyriques, c'est très bien compte tenu des conditions de logement des vaches en hiver », résume Élodie Boudeele de BCEL-Ouest. Arnault le Goffic a son explication. « Nous trayons à deux et comme ma femme est très maniaque, c'est elle qui prépare les vaches. » Par ailleurs, un fil empêche les vaches de se coucher après la traite du soir.

« Un système basé sur la résilience de l'exploitation »

« Arnault et Marylène Le Goffic ont mis l'accent sur la résilience de leur exploitation pour pouvoir en vivre correctement et la transmettre à des jeunes. Le système est très bien équilibré à la fois sur le plan économique, social et environnemental. Son efficacité est bonne avec un rapport EBE sur produit de 38 % depuis deux exercices malgré la crise. Le niveau de production des vaches (6700 l de moyenne économique) et la plus-value réalisée grâce aux taux (+ 41 euros en 2015/2016, soit 17 500 euros) permettent de dégager un bon produit avec le lait. Le choix d'une race mixte, avec une bonne valorisation des vaches de réforme, est également un bon moyen de répartir les risques en cas de crise même si cela n'a pas été le cas en 2016. L'investissement dans le gîte et les chambres d'hôtes (non pris en compte dans les résultats du Gaec) et la vente directe de viande (quatre à six génisses par an) complètent le revenu des exploitants. Par ailleurs, avec 70 % d'herbe dans la SFP et 109 m de haies/ ha, l'élevage stocke 19 t de carbone par an et ne produit que 43 kg équivalent CO2/kg de protéines."

Anne Dransart, de l'OS Normande

Chiffres clés

2 UMO
70 Normandes
434 500 litres de lait
93 ha dont 50 ha de prairies
30 ha de maïs
12 ha de céréales

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