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Ne sous-estimez pas les impacts de la cétose subclinique chez la vache laitière

La cétose subclinique est sous reconnue et sous-diagnostiquée. Elle a pourtant des conséquences importantes : une baisse de production, une baisse de l’immunité entraînant une augmentation des maladies, et une augmentation des troubles de la repro.

Un quart des vaches sont en cétose subclinique. © A. Conté
Un quart des vaches sont en cétose subclinique.
© A. Conté

Toutes les vaches passent par une phase de déficit énergétique en début de lactation. Elles terminent leur gestation avec une faible capacité d’ingestion et leur appétit s’accroît lentement. D’où un décalage entre les besoins et les apports exigés par le démarrage de la production. Il les oblige à puiser dans leurs réserves corporelles pour trouver de l’énergie et des précurseurs du glucose indispensables à la synthèse du lactose.

Une réponse de la vache au déficit énergétique

Cette mobilisation des réserves démarre une à deux semaines avant le vêlage. « On ne sait pas pourquoi, c’est peut-être dû à une stimulation inflammatoire, un phénomène hormonal… », a souligné Todd Duffield, de l’Ontario Veterinary College lors d’une conférence organisée par Elanco.

La mobilisation des réserves est un phénomène physiologique normal mais elle ne doit pas être trop importante ni durer trop longtemps. Sinon elle conduit à une production excessive d’acides gras (AGNE) qui inondent et saturent le foie. Il s’ensuit une dégradation incomplète des graisses avec production de corps cétoniques (notamment le BHB bêta-hydroxybutyrate) par oxydation des AGNE. La vache perd de l’appétit et c’est le début de l’engrenage. Todd Duffield compare la « cascade cétosique » à « une boule de neige qui dévale une pente et devient de plus en plus grosse : la vache amasse de plus en plus de problèmes ».

Deux fois plus de risque de réforme précoce

La plupart des cétoses sont discrètes. « Un quart des vaches laitières sont en cétose subclinique sur le début de lactation, affirme Jonathan Eudes, responsable technique ruminants chez Elanco. Ces cétoses subcliniques ont des conséquences sur les performances des vaches très importantes car l’ensemble du fonctionnement de l’organisme est perturbé. » Elles entraînent une baisse de production de 1 à 2 litres par jour (en moyenne 300 litres sur la lactation) qui n’est pas forcément perçue. Elles ont aussi un impact sur la santé car la fonction immunitaire est moins efficace : les vaches en cétose ont davantage de maladies en début de lactation (métrites, mammites, etc) et des troubles de la reproduction. Au final, elles ont deux fois plus de risque de réforme précoce.

Une mesure du BHB sur le sang ou le lait

Le diagnostic repose sur une mesure du taux de BHB, anormalement élevé en cas de cétose. La méthode de référence est l’analyse sur le sang. Un petit boîtier permet d’obtenir un résultat en dix secondes, en déposant une goutte de sang sur une bandelette (prix d’un lecteur : environ 30 € + 2 € par bandelette). Elle est surtout utilisée par les vétérinaires.

Le laboratoire Elanco propose un diagnostic sur le lait, le Ketotest, très simple d’utilisation. Il suffit de déposer une goutte de lait sur une bandelette colorimétrique (2 € par bandelette), et de lire le résultat au bout d’une minute.

 

 
Le diagnostic repose sur une mesure du taux de BHB dans le sang ou le lait (ici avec le ketotest à l'aide d'une bandelette colorimétrique).  © Elanco
Le diagnostic repose sur une mesure du taux de BHB dans le sang ou le lait (ici avec le ketotest à l'aide d'une bandelette colorimétrique). © Elanco

 

Les entreprises de conseil en élevage proposent elles aussi un diagnostic sur le lait (Cétodetect), réalisé sur le lait des trois premiers contrôles. Il permet un repérage des vaches à problème sous forme de symbole et couleur.

Moins fiable qu’un test, le rapport TB/TP est aussi un indicateur (la cétose entraînant une hausse exagérée du TB et une forte baisse de TP). Le seuil est estimé entre 1,33 et 1,5 selon les études : le troupeau est considéré à risque si 15 % des vaches sont au-dessus de 1,5 ou si 30 % des vaches sont au-dessus de 1,33.

Un outil de suivi de troupeau

Les diagnostics sont utiles à titre individuel sur une vache suspecte. Mais, utilisés dans les trois premières semaines de lactation, ils deviennent un outil de suivi de troupeau, comme les comptages cellulaires et permettent d’évaluer objectivement la conduite alimentaire du tarissement au début de lactation.

Todd Duffield préconise de réaliser une première campagne de tests sur 12 à 30 vaches, et d’adapter ensuite le suivi aux résultats obtenus. Si moins de 5 % des vaches de ce lot s’avèrent en cétose, un suivi périodique du troupeau suffit, par exemple une fois par an sur une dizaine de vaches. Avec plus de 25 % des vaches en cétose (c’est les cas de 30 % des troupeaux suivis), il conseille de traiter systématiquement tout le troupeau sans faire de test. Quand 5 à 25 % des vaches du lot sont testées en cétose (c’est le cas de 65 % des troupeaux suivis), toutes les vaches sont testées après vêlage et traitées en fonction du résultat.

Il conseille un apport de 300 ml de propylène glycol pendant trois jours (cinq jours pour les cas sévères). Et préconise de réaliser les tests entre le 4e et 17e jour après vêlage, car c’est le moment où le taux de BHB est le plus élevé (on détecte ainsi environ la moitié des cas de cétose). Il recommande si possible de les faire à la même heure, de préférence quatre heures après le repas du matin, au moment du pic.

Tester les vaches à risques et à problème

Elanco propose un protocole un peu différent. « Nous conseillons de réaliser un test sur au moins 15 vaches, sans les sélectionner, entre 2 jours et 21 jours après vêlage », explique Jonathan Eudes. Si plus de 15 % des vaches testées sont au-dessus du seuil de BHB, le troupeau est considéré à risque. Il nécessite un recalage de l’alimentation au tarissement et en préparation au vêlage. Le laboratoire préconise par ailleurs de prévenir le déficit énergétique et la cétose sur l’ensemble des vaches à risque grâce au Kexxtone. Ce bolus (environ 40 €), administré 3-4 semaines avant vêlage, libère en continu pendant 95 jours un ionophore (le monensin). « En modifiant la flore du rumen, il oriente les fermentations vers la production de propionate qui est utilisé pour produire du glucose et de l’énergie. Le risque de cétose est réduit à 75-80 %. »

On trouve parmi les vaches à risque celles en 3e lactation et plus. « Elles ont deux fois plus de risque que les deuxièmes lactations. Les éleveurs ont tout intérêt à prévenir la cétose car ce sont les vaches rentables de l’élevage, il faut éviter une réforme précoce », argumente-t-il. Les vaches et génisses grasses sont aussi à risque : « elles ont moins d’appétit en début de lactation et mobilisent très vite leurs graisses ce qui surcharge rapidement le foie », ainsi que les vaches qui rencontrent systématiquement des problèmes après vêlage (repro, cétose, métrite, caillette…).

Deux portes d’entrée aux problèmes

Pour Todd Duffield, toutes les pathologies (métrites, mammites, fièvre de lait, déplacement de caillette, problèmes de reproduction, etc) sont interconnectées : quand l’une d’elle apparaît, le risque de voir une autre maladie augmente. « Les deux portes d’entrée des problèmes sont la cétose et l’hypocalcémie. Le traitement de ces deux maladies est extrêmement important pour avoir un troupeau sain. La cétose est sous reconnue et sous diagnostiquée. C’est un problème qui coûte cher, très fréquent qui nécessite de mettre en place un suivi de troupeau avec un système d’alerte précoce. » Dans une étude réalisée sur 800 troupeaux de l’Ontario, en moyenne 20 % des vaches testées étaient au-dessus du seuil de BHB, mais le taux grimpe à 36 % pour les moins bons troupeaux et s’élève tout de même à 9 % pour les meilleurs troupeaux.

Un impact majeur sur les performances de reproduction

 

 
« Dans les suivis repro, la cétose doit être prise en compte pour améliorer les performances de reproduction », affirme Jonathan Eudes d’Elanco. © A. Conté
« Dans les suivis repro, la cétose doit être prise en compte pour améliorer les performances de reproduction », affirme Jonathan Eudes d’Elanco. © A. Conté

Chez les vaches en cétose subclinique, l’intervalle vêlage-première ovulation augmente ainsi que les échecs à l’insémination entre 60 et 120 jours.

« Dans les suivis repro, la cétose doit être prise en compte pour améliorer les performances de reproduction », affirme Jonathan Eudes d’Elanco. Le déficit énergétique agit à deux niveaux :

1- sur l’ovulation, avec un impact immédiat : il y a des échecs d’ovulation lors de la reprise de cyclicité (pas d’évolution ou formation d’un kyste folliculaire). Ces échecs augmentent l’intervalle vêlage-première IA.

2- sur la qualité des ovocytes, avec un impact différé : les ovocytes qui viennent à maturation entre 2-3 semaines avant vêlage et 6-7 semaines après vêlage sont de mauvaise qualité. Les follicules continuent à maturer et la vache à ovuler mais à partir d’ovocytes produits pendant la période de déficit énergétique. D’où une mortalité embryonnaire précoce et un risque d’échec à l’insémination entre 60 à 120 jours.

D’après les études de la bibliographie, une vache en cétose a six fois plus de kystes ovariens, trois fois plus de métrites et deux fois plus de non-délivrances. Les chances de fécondation en première IA sont réduites de 53 %. Et l’intervalle vêlage IA fécondante est augmenté de 42 jours.

Côté éco

Le coût moyen d’une cétose est estimé à 260 €. Il prend en compte les effets directs (perte de production, troubles de reproduction et abattage précoce) et les effets indirects (risque d’autres maladies).

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