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Multiplier les analyses de fourrages pour rationner au plus juste

Les technologies à infrarouge, qu’elles soient utilisées en laboratoire ou en ferme, permettent de faire régulièrement des analyses de fourrages pour piloter les rations avec précision.

On ne peut pas gérer ce qu’on ne mesure pas, affirme Olivier Raux, nutritionniste référent NIR à Elvup (Orne conseil élevage). Pour travailler correctement en alimentation, nous devons connaître les valeurs des fourrages et concentrés, les quantités distribuées et les résultats obtenus. » « Il ne faut pas voir l’analyse de fourrage comme une charge directe mais comme un investissement », insiste Vincent Ballard, ingénieur au service ruminants de CCPA. Nous recommandons de faire au minimum une analyse tous les deux mois sur les principaux fourrages de la ration en essayant de faire correspondre l’analyse soit avec un type de variété soit un type de parcelle. » La firme de services fait réaliser les analyses par six laboratoires de coopératives partenaires. Quant aux organismes de conseil élevage (OCL), nombre d’entre eux se sont équipés d’analyseurs AgriNIR à technologie infrarouge (31 appareils en France). Utilisables en ferme mais restant le plus souvent au siège de l’organisme, ils donnent des résultats rapides à coût peu élevé (environ 30 €/échantillon pour une analyse de valeur alimentaire contre 35 à 40 € en laboratoire).

« Valeur alimentaire, DT amidon et IFG »

Elvup propose un pack d’analyses « à volonté » pour la campagne (115 à 230 € selon le contrat). Cela commence par des matières sèches sur maïs plante entière, dans les trois semaines précédant la récolte, pour déterminer la date optimale. À la récolte, une analyse complète est réalisée par le laboratoire départemental car AgriNIR ne peut pas déterminer pour le moment les valeurs minérales. En cours d’année, plusieurs analyses AgriNIR sont réalisées pour suivre l’évolution des valeurs alimentaires. « Pour le maïs, lorsqu’on ouvre le silo principal, nous recommandons de faire une analyse de valeur alimentaire classique, une DT amidon [dégradabilité théorique dans le rumen], pour savoir s’il est lent ou rapide, et un indice de fragmentation du grain (IFG), puis tous les mois, une nouvelle analyse de valeur alimentaire et de la DT », précise Olivier Raux. La DT amidon permet d’évaluer le risque d’acidose et de choisir la complémentation énergétique en conséquence. Il est important de l’évaluer régulièrement car elle augmente en cours de conservation. L’IFG est un nouveau critère qui permet de déterminer si l’amidon est pleinement utilisable par le rumen, en fonction de son fractionnement, et donc l’impact sur la valeur UFL ; l’objectif est d’avoir 70 % des grains éclatés à moins de 4,75 mm.

« La calibration demande une certaine technicité »

Pour les ensilages et les enrubannages d’herbe, Olivier Raux conseille de faire « au moins une analyse par coupe et type de fourrage pour savoir à quels animaux on peut les distribuer, vaches ou génisses. » Les analyses peuvent être anticipées (par sondage), pour prévoir les besoins d’aliments complémentaires, ou réalisées juste avant l’utilisation de chaque type de fourrage pour le rationnement. Il recommande enfin d’analyser les tourteaux de soja et colza à la livraison pour s’assurer de leur valeur réelle, notamment leur MAT et la DE1 (dégradabilité de l’azote) pour le colza, ainsi que le maïs (épi ou grain humide), pour vérifier entre autres la matière sèche.

La fiabilité des appareils AgriNIR est parfois contestée par rapport à des analyses de laboratoires. Ceux-ci travaillent aussi en spectométrie proche infrarouge (IR), mais avec des appareils sensiblement différents et surtout des bases de calibration davantage consolidées. Les analyses chimiques, beaucoup plus coûteuses (de 60 à 100 €), sont réservées à la calibration des appareils IR ou à des demandes particulières. « La maintenance et la standardisation de nos appareils IR, la mise à jour de nos équations analytiques et de nos équations de calcul des valeurs alimentaires nécessitent une implication quotidienne et demandent de la technicité », affirme Nathalie Nouvel, responsable commerciale au Lial Massif central, un laboratoire interprofessionnel situé à Aurillac dans le Cantal. De plus, contrairement aux appareils AgriNIR, qui analysent directement une matière brute, dans les laboratoires, les échantillons sont d’abord pesés, séchés et broyés. « La préparation de l’échantillon, notamment l’homogénéisation, est incontestablement un plus pour une analyse fiable et représentative », affirme Nathalie Nouvel.

« Créer une dynamique autour de l’alimentation »

« Le plus fiable, ce sont les analyses biochimiques, puis les analyses IR sur échantillon sec, reconnaît Olivier Raux. Avec AgriNIR, nous avons une imprécision supplémentaire de l’ordre de 1 % liée au procédé. Mais, la simplicité de notre outil et les packs que nous proposons aux éleveurs leur permettent de multiplier les analyses. Le plus gros risque d’erreur venant de l’échantillonnage, en faisant cinq ou six analyses, on réduit ce biais. » Référent national des appareils AgriNIR, au sein d’Elvup qui les distribue sur tout le territoire national, il insiste sur la qualité du protocole de maintenance (voir les détails dans Réussir Lait, n° 310, p. 7). « Nous avons fait l’acquisition de cet appareil, d’une part, pour la réactivité qu’il permet, d’autre part pour son aspect pédagogique, souligne Philippe Andraud de l’EDE du Puy-de-Dôme. Le conseiller prélève les échantillons puis rappelle l’éleveur quelques jours plus tard pour commenter les résultats et recaler la ration. Par le biais de l’analyse et de leur multiplication (1 300 cette année), nous avons pu créer une dynamique autour de la conduite de l’alimentation. Le coût des analyses est inclus dans le service conseil élevage. L’outil reste très fiable et largement utilisable pour la conduite du troupeau. Et, le conseiller et l’éleveur sont capables de reprendre la main en fonction de la réponse des vaches. »

L’échantillon, clé de la fiabilité du résultat

Pour que le résultat de l’analyse soit fiable, l’échantillon doit être le plus représentatif possible du fourrage à analyser, sachant qu’il n’est jamais aisé de faire un échantillon homogène. « Il faut prendre le temps de bien réaliser son prélèvement d’échantillon et de bien le conserver avant analyse », recommande Vincent Ballard, CCPA. Voici le protocole de prélèvement proposé par le Lial Massif central :

• Ensilage en vert

Prélever après déchargement dans chaque remorque ou au moins toutes les deux ou trois remorques.

Sur chaque tas, collecter quatre à cinq petites poignées à peu près égales sur des points répartis au hasard.

Rassembler les échantillons dans un grand récipient propre à l’abri du soleil, du vent ou de la pluie pour ne pas modifier le taux de matière sèche.

Pour le maïs, prendre le temps de bien mélanger sans envoyer tous les grains au fond du seau.

• Ensilage fermenté

Carottage

Faire cinq ou six carottages verticaux relativement profonds, à l’aide d’une tarière, à différents endroits dans le silo, puis reboucher les trous de prélèvement et refermer soigneusement la bâche.

Sur le front d’attaque

Diviser mentalement le front d’attaque en trois niveaux d’égale importance : haut, milieu et bas.

Prélever à sept à dix prises d’ensilage après avoir rafraîchi le front d’attaque de 15 cm à chaque point de prélèvement, en évitant les bordures.

Mélanger soigneusement et rapidement.

• Conditionnement (fourrages verts ou fermentés)

Faire un sous échantillon homogène d’environ 1 kg à envoyer au laboratoire dans une pochette plastique.

Bien tasser pour chasser l’air, fermer de façon étanche.

Remplir le bordereau avec soin et l’agrafer à l’échantillon.

Conserver au froid pour un envoi le jour même, sinon congeler.

• Foin

Prélever cinq à dix échantillons sur l’andain juste avant le pressage ou lors du déchargement au séchoir.

Sinon, choisir cinq bottes au hasard, en prenant soin d’éliminer les bottes extérieures et de surface des tas.

Les ouvrir dans un endroit abrité et prélever trois poignées en trois endroits différents (attention à la perte de feuilles pour les foins de luzerne).

Mélanger les différentes poignées puis conditionner l’échantillon.

• Enrubanné

Prélever à l’ouverture de la botte comme pour le foin.

• Concentrés

Faire 10 à 15 prélèvements soit au déchargement soit à la sortie du silo.

Pour les mélanges de graines, bien respecter la proportion de chaque espèce.

Envoyer au laboratoire un échantillon d’environ 300 grammes.

« Nous faisons des analyses au minimum tous les deux mois »

« Notre Gaec (5 associés et 5 salariés) produit 2 330 000 litres de lait avec un cheptel de 270 vaches. La ration complète, identique toute l’année, comprend 45 kg bruts d’ensilage de maïs et 7 kg d’ensilage d’herbe. Les 150 hectares d’ensilage de maïs sont répartis dans trois silos. Nous faisons trois coupes d’herbe : la première dans un silo, les deux suivantes dans un autre. La valeur alimentaire de l’herbe peut varier de manière importante selon les parcelles et les coupes. Même sur le maïs, il y a des différences de matière sèche. Pour ajuster au mieux les rations, nous faisons des analyses de fourrages tous les deux mois au minimum avec l’appareil AgriNIR. La conseillère d’Elvup vient prendre les échantillons. Nous analysons les silos par sondage avant de les ouvrir pour anticiper les variations de valeur alimentaire et faire une transition. Puis, nous analysons régulièrement les silos ouverts. Nous faisons aussi des analyses d’enrubannage. Les fabricants d’aliments nous proposent des analyses de laboratoire gratuites. Les résultats collent avec ceux d’AgriNIR. Plus on est précis dans le rationnement, plus la production est au rendez-vous et plus les vaches sont en forme. Même pour la croissance des génisses, il est important de rationner au plus juste. »

Étienne Breton (Gaec Breton et fils - Mustiere - Bedet), dans l’Orne

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