Aller au contenu principal

Les différentes réalités derrière le coût alimentaire des élevages laitiers

Le calcul du coût alimentaire revêt diverses formules qui ne sont pas toujours comparables. C’est son utilisation qui conditionnera la formule la plus adéquate à choisir.

Le calcul du coût alimentaire représente un double enjeu. Premièrement, c’est un repère pour l’éleveur afin de piloter au mieux son atelier laitier. Par exemple, avec une production moyenne de 500 000 litres de lait, un gain de 5 euros pour 1 000 litres de coût alimentaire représente une économie potentielle de 2 500 euros de charges. Deuxièmement, il permet de se comparer entre exploitants pour se positionner et se fixer des objectifs.

Un indicateur pas forcément simple à appréhender

« Lorsque nous discutons entre nous, ou lorsque nous lisons des articles dans la presse, nous sommes parfois surpris par le coût alimentaire affiché sur certains élevages », reconnaît un exploitant lors d’une récente formation dispensée par Seenorest sur le coût alimentaire. « Nous nous intéressons à son montant, à son évolution, à son optimisation… Mais finalement, nous ne savons pas trop ce qu’il y a derrière… » Et c’est vrai ! Sur le terrain, les méthodes de calcul diffèrent selon les intervenants. Difficile dès lors de retirer de véritables enseignements ou de se comparer.

 

 
Le calcul du coût alimentaire rendu auge se développe.
Le calcul du coût alimentaire rendu auge se développe. © E. Bignon

 

Sur sa composition, les organismes de conseil sont globalement tous d’accord. Le coût alimentaire est la somme de trois composantes : la surface fourragère ; les achats de concentrés-minéraux et additifs ; ainsi que les achats de fourrages et coproduits. Là où il n’y a pas de consensus, c’est sur le calcul du coût des fourrages produits. De nombreuses méthodes sont possibles. Elles dépendent de la facilité à collecter des données individualisées en élevage. Intéressons-nous aux deux qui sont le plus employées par les organismes d’élevage : la méthode du coût opérationnel et celle du coût rendu auge.

La méthode du coût opérationnel pour se comparer aux autres

Cette méthode de calcul tient compte des intrants de production (engrais, semences et produits phytosanitaires), auxquels s’ajoutent les frais de mécanisation liés aux semis et à la récolte. Ces deux chantiers étant le plus souvent externalisés, il est facile de retrouver le montant facturé par l’entreprise de travaux agricoles. Pour les éleveurs équipés, les conseillers recourent à un montant forfaitaire issu de références régionales.

Cette méthode permet de facilement se comparer car les données utilisées sont communes à tous les élevages. La comparaison aux résultats de la marge brute est possible car elle ne tient compte que des charges opérationnelles engagées.

Cependant, ce mode de calcul présente aussi certaines limites car il ne permet pas de raisonner au mieux son système fourrager. En effet, on ne peut pas conclure sur l’intérêt d’un fourrage plutôt qu’un autre au regard de son coût global, c’est-à-dire de l’implantation à la distribution. Il n’est pas adapté, non plus, pour voir par exemple s’il est plus intéressant d’acheter des coproduits (si ceux-ci sont disponibles à un prix intéressant) et ainsi transférer une partie des surfaces fourragères en cultures de vente.

Le coût rendu auge pour décider de sa stratégie fourragère

Très complète, cette méthode reprend les intrants de production, les frais de mécanisation (liés à l’implantation, la conduite, l’irrigation, la récolte, les déplacements et la distribution), les frais de main-d’œuvre liés à ces mêmes travaux, et les autres charges affectées à l’alimentation (frais de foncier et de stockage).

 

 
Le poste mécanisation reste intimement lié à la politique d’investissement du chef d’exploitation.
Le poste mécanisation reste intimement lié à la politique d’investissement du chef d’exploitation. © V. Bargain

 

Elle s’avère intéressante dans une démarche de conseil pour décider de sa stratégie fourragère. Elle permet en effet de comparer l’intérêt d’implanter un fourrage par rapport à un autre ou encore par rapport à un achat externe (fourrage ou coproduit). Seul bémol, elle est très fastidieuse à calculer et à individualiser. Les données utilisées sont le plus souvent issues de référentiels, notamment pour la mécanisation et la main-d’œuvre. Cet indicateur reste fortement corrélé à la politique d’investissement du chef d’exploitation et rend donc la comparaison plus difficile.

D’autres variantes de calcul sont encore utilisées

Pour les coûts liés à la surface fourragère, d’autres formules coexistent. Le coût du foncier peut notamment être comptabilisé, en plus des charges opérationnelles liées aux intrants et des frais de semis et de récolte. Certaines formules élargissent encore ce calcul en intégrant les frais de mécanisation relatifs à l’ensemble de l’itinéraire technique, on parle alors de « coût rendu silo ». Une autre variante consiste à ajouter aux charges opérationnelles la marge non réalisée sur une culture de vente pour prendre en compte la notion de concurrence entre ateliers.

Ces modes de calcul soulèvent des questions

Est-il pertinent de calculer le coût du système fourrager d’une exploitation en utilisant des barèmes ? Pour les coûts de mécanisation, comment obtenir un chiffre pertinent à l’échelle de l’exploitation ? La réalité est forcément différente entre des éleveurs équipés en propre, et d’autres qui utilisent du matériel en copropriété ou qui externalisent les travaux. Et au sein des éleveurs équipés, peut-on réellement comparer des situations avec amortissements et d’autres où le matériel est amorti mais génère des frais d’entretien-réparation parfois importants ? N’oublions pas que la mécanisation reste intimement liée à la politique d’investissement du chef d’exploitation. Et cette dernière est forcément différente entre un jeune agriculteur, un agriculteur en phase de croisière et un agriculteur en fin de carrière. Autant de biais à avoir en tête avant d’analyser son coût alimentaire…

Calcul en €/1 000l ou en €/VL ?

Le coût alimentaire s’exprime parfois en €/1 000 l et parfois en €/VL. Le calcul en €/1 000 l favorise les exploitations de grande dimension qui obtiennent des économies d’échelle par la dilution de leurs charges. Cette méthode de calcul est aussi plus communément utilisée car elle se base, le plus souvent, sur les données comptables et se calcule une fois par an dès la sortie du bilan.

Le calcul en €/VL permet de se comparer entre exploitants et tient compte des moyens mis en œuvre pour la production du troupeau. Son avantage est d’être dissocié de la comptabilité et de se calculer facilement au mois le mois en fonction des quantités consommées par catégorie d’animal (vaches en lactation, vaches taries, renouvellement), multipliées par le prix de marché. Cela rend l’analyse plus pertinente et les plans d’action plus adaptables aux évolutions conjoncturelles (prix des intrants, prix du lait), aux opportunités du marché (coproduit à prix intéressants), disponibilités et qualité des fourrages autoproduits (pousse de l’herbe ? etc.).

Avis d’expert : Laurianne Carbonnaux, consultante Seenorest

« Pas de bonne ou de mauvaise méthode »

« Chaque méthode a ses spécificités. Aucune n’est préférable à l’autre. L’important est surtout de savoir ce qui se cache derrière les calculs pour comparer des éléments comparables.

La méthode choisie dépendra de différents paramètres. D’abord, du niveau d’information souhaité : veut-on un calcul très précis à l’échelle de l’exploitation, ou un outil simple et facile à calculer ? Mais aussi de la capacité à individualiser le calcul : dispose-t-on des informations nécessaires et du temps suffisant pour calculer au plus juste ce coût dans son élevage ? La périodicité à laquelle on souhaite calculer le coût alimentaire (annuellement ou mensuellement) entre aussi en ligne de compte. Et enfin, le choix dépendra du niveau de conseil souhaité en fonction de sa finalité. Le calcul servira-t-il à définir une stratégie fourragère, à mesurer la concurrence entre ateliers, à décider d’une opportunité de marché à saisir, ou simplement à approcher la marge sur coût alimentaire ? »

Mise en garde

Il faut aussi faire le distinguo entre le coût alimentaire du troupeau et celui des vaches en lactation. Le coût alimentaire de l’atelier lait prend en compte l’ensemble des aliments consommés à l’échelle du troupeau.

Le coût alimentaire des vaches en lactation est un outil technico-économique du quotidien et qui correspond à la ration distribuée aux vaches laitières en lactation. Il s’exprime en €/VL. Cet indicateur permet à l’éleveur et à son conseiller de vérifier que la conduite des vaches laitières en lactation est optimisée par le calcul de la marge sur coût alimentaire : la réponse laitière est-elle au rendez-vous par rapport au coût alimentaire investi ?

 

Les plus lus

 Chauffeur-Ramasseur de lait
Lactalis veut réduire sa collecte de lait en France

La dernière médiation avec l’Unell le laissait présager, Lactalis l’a officialisé lors de la présentation de ses résultats…

Guillaume Dousset, éleveur à Frossay en Loire-Atlantique
« Nos bœufs prim’Holstein croisés hereford sont finis un an avant nos autres bœufs »

En Loire-Atlantique, les parcelles de marais de Guillaume et Maxime Dousset sont valorisées avec des bœufs croisés prim’…

Soins vétérinaires : « Nous avons opté pour un forfait de 37 euros par vêlage pour le suivi de nos vaches »

Certains éleveurs contractualisent les soins de leur troupeau avec leur vétérinaire. Le forfait permet un suivi régulier des…

Anne et Jean-Marc Le Vourc’h, éleveurs
« En produisant moins de lait, nous avons amélioré notre marge brute de 100 €/1 000 l en un an »
Dans le Finistère, depuis qu’ils ont désintensifié leur système, Anne et Jean-Marc le Vourc’h ont amélioré tous les indicateurs…
Franck Bonraisin, associé du Gaec La Morice
« Nous avons gagné 10 €/1 000 l grâce à une vraie stratégie de renouvellement »

Depuis deux ans, le Gaec La Morice utilise le génotypage et la semence sexée pour limiter le nombre de génisses de…

Après maïs, il est conseillé de semer dense (15 kg/ha de ray-grass pur, 13 kg/ha de ray-grass + 5 à 13 kg/ha de trèfle, 13 kg/ha de ray-grass + 8 à 10 kg/ha de vesce, ...
Quel couvert semer après un maïs ?

Très présents dans la nouvelle PAC, les couverts ont des atouts agronomiques, environnementaux et pour l’alimentation des…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 100€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Réussir lait
Profitez de l’ensemble des cotations de la filière Réussir lait
Consultez les revues Réussir lait au format numérique, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters de la filière laitière