Le succès par les coûts de production est-il durable ?
En Nouvelle-Zélande, la rentabilité des exploitations laitières est fragilisée par un coût alimentaire qui a doublé en dix ans, et des frais financiers très importants.
En Nouvelle-Zélande, la rentabilité des exploitations laitières est fragilisée par un coût alimentaire qui a doublé en dix ans, et des frais financiers très importants.

Le succès de la filière lait en Nouvelle-Zélande depuis vingt ans est impressionnant. Il s’est en grande partie construit sur une logique de coûts bas permettant des prix très compétitifs. La rentabilité des exploitations est importante. Ramenées sur des bases comparables avec la France, les charges payées sont d’environ 280 €/1 000 l et le prix d’équilibre après rémunération inférieur à 300 €/1 000 l. Même si les années 2015 et 2016 ont été difficiles, cette rentabilité associée à un recours massif à l’emprunt, a permis à la production laitière néo-zélandaise de doubler en vingt ans.
Un travailleur pour 650 000 à 700 000 litres de lait
Les exploitations laitières sont de bonne taille sans être aussi grandes qu’on l’imagine souvent (145 ha en moyenne pour deux millions de litres de lait). Elles sont très spécialisées. Souvent même l’élevage des génisses et des vaches taries est sous-traité ainsi que les travaux en culture. La recherche d’efficience passe donc par la spécialisation et la simplification de tâches.
On retrouve cette efficience au niveau de la main-d’œuvre puisqu’on compte environ un travailleur pour 150 vaches laitières soit avec nos références un travailleur pour 650 000 à 700 000 litres de lait. C’est-à-dire plus du double de notre productivité du travail grâce aux sous-traitances.
Les éleveurs néo-zélandais exploitent en virtuoses une mine d’or vert : des prairies qui permettent de valoriser jusqu’à 20 tonnes de matière sèche par hectare. Les vaches sont dehors toute l’année et l’herbe pâturée représente 85 % de la ration. Les investissements se résument donc généralement à un bloc traite (souvent salle de traite rotative fonctionnant huit heures par jour) situé au milieu des prairies. Celles-ci sont organisées en paddocks permettant un pâturage tournant géré à la journée voire avec un changement à chaque traite. Ces paddocks sont reliés à la salle de traite par un réseau de larges chemins stabilisés et régulièrement entretenus. La salle de traite, les chemins et si besoin l’irrigation sont donc les seuls investissements. À cela il faut rajouter pour les 85 % des éleveurs qui livrent à la coopérative Fonterra le capital social s’élevant à une année de chiffre d’affaires.
La traduction économique est directe : la charge d’amortissement est inférieure à 20 €/1 000 l. Les derniers chiffres CerFrance en Bretagne pour le troisième trimestre 2017 sont d’environ 75 €/1 000 l ce qui fait un écart ramené à l’UTH français d’environ 15 000 € !
Des frais financiers de 60 €/1 000 l liés aux charges foncières
En revanche la charge foncière est très importante car l’essentiel des terres est en propriété. Comme l’expansion des exploitations a été très rapide, et le prix des terres a explosé ces dernières années (25 000 €/ha) l’endettement est important. Il représente entre trois et quatre années de chiffre d’affaires. Si on ramène au total de bilan et compte tenu des actifs importants, le taux d’endettement moyen est de 50 %, soit équivalent à ce que l’on rencontre en France. Les financements sont très souvent réalisés in fine et parfois renouvelables. Les éleveurs ne remboursent donc pas le capital ce qui limite fortement la capitalisation et les sorties de trésorerie. Cela représente par contre un coût important puisque les frais financiers s’élèvent à près de 60 €/1 000 l soit 40 à 50 € de plus qu’en France. Selon les années et les exploitations, ils représentent entre 15 et 25 % du prix du lait.
Cette performance basée sur des coûts bas est aujourd’hui fragile. Les coûts alimentaires ont quasiment doublé en dix ans progressant de près de 40 €/1 000 l alors que les autres charges sont à peu près stables. Lors de la sécheresse de 2007, année où le prix du lait était très élevé, les éleveurs ont importé du tourteau de palmiste. Cette habitude a perduré. La question environnementale va entraîner une hausse des coûts de production. Afin d’augmenter l’efficacité énergétique de la ration, les éleveurs introduisent du maïs, ce qui représente un surcoût. Afin de réduire les effluents autour de la zone de traite, ils commencent également à monter des bâtiments qui, même s’ils sont légers et d’un coût modeste (600 €/vache), vont augmenter les charges. Pour faire face à ces charges nouvelles, la coopérative veut monter en gamme pour accroître la valorisation du lait.
Enfin, si les taux d’intérêt venaient à augmenter, les frais financiers s’envoleraient dans les exploitations les plus endettées pouvant provoquer leur faillite. Elles seraient alors rachetées par les plus performantes.
Des surcoûts liés à la question environnementale
La protection de l’environnement va donc conduire à une augmentation quasi certaine des coûts et à une stabilisation du cheptel. La logique économique des systèmes néo-zélandais va donc évoluer. Les éleveurs disposent de marges de progression technico-économiques importantes en passant d’un raisonnement global au niveau du troupeau à une gestion individualisée à l’animal. La technologie aujourd’hui le facilite pour les grands troupeaux.
Mais le plus important et le plus impressionnant pour l’observateur français est certainement la confiance dans l’avenir dont témoigne la grande majorité des éleveurs néo-zélandais.