« La vaccination doit être adaptée au cas par cas »
Pour Gilles Foucras, de l’École nationale vétérinaire de Toulouse, la vaccination doit s’inscrire dans un plan global de prévention incluant la maîtrise des facteurs de risques spécifiques à chaque troupeau.
Pour Gilles Foucras, de l’École nationale vétérinaire de Toulouse, la vaccination doit s’inscrire dans un plan global de prévention incluant la maîtrise des facteurs de risques spécifiques à chaque troupeau.

" La fréquence des maladies est le résultat d’un équilibre entre pression d’infection — présence des agents infectieux en plus ou moins grande quantité — et la capacité de réponse des animaux vis-à-vis de cet/ces agent(s). La vaccination permet d’augmenter l’immunité à l’échelle individuelle, c’est-à-dire la capacité de l’animal à répondre efficacement contre une infection, mais aussi à l’échelle collective (immunité de troupeau). Elle permet de réduire la pression infectieuse et la circulation de l’agent pathogène au sein de l’effectif. C’est donc un moyen parmi d’autres (hygiène, logement, distribution du colostrum…) pour aider à lutter contre une infection. Mais ce n’est en aucun cas une assurance tout risque contre une maladie, d’autant plus si elle est polyfactorielle. La vaccination doit être considérée comme un investissement pour réduire le risque de troubles sanitaires. La meilleure stratégie de lutte ou de prévention des maladies des vaches laitières doit être décidée avec le vétérinaire traitant. C’est lui qui réalisera la prescription du ou des vaccins le(s) plus adapté(s) à l’élevage."
" La vaccination doit s’inscrire dans un protocole général de lutte et de prévention propre à chaque élevage. Les autres facteurs de risques (hygiène, logement, mouvements des animaux…) doivent être maîtrisés. Il n’existe pas de schéma de vaccination type parce que les facteurs de risques infectieux sont différents entre les élevages. Par ailleurs, les vaccins ne sont efficaces que contre des valences bien précises. Si vous en utilisez un qui contient les trois valences infectieuses E. coli, rotavirus et coronavirus pour prévenir les diarrhées néonatales, il ne sera pas efficace contre les autres agents responsables de la diarrhée du veau comme les cryptosporidies. D’une façon générale, les vaccins sont destinés à des animaux dits « naïfs », c’est-à-dire qui n’ont pas encore rencontré l’agent infectieux et qui n’ont donc pas développé une immunité naturelle. La réponse à la vaccination est d’autant meilleure que les animaux sont en bonne santé. C’est pourquoi il faut choisir de vacciner en dehors des périodes critiques en termes de capacité de réponse et d’immunité ; qui sont aussi la période où le risque d’infection est maximal. C’est notamment le cas lors de la mise en lots, au sevrage ou autour du vêlage. Il faut respecter de bonnes conditions de conservation et d’administration du vaccin et suivre le protocole vaccinal tel qu’il a été établi. Il faut en particulier tenir compte du délai de mise en place de la réponse immunitaire (le plus souvent 3-4 semaines pour les vaccins qui ne nécessitent qu’une seule injection, ou deux semaines après la deuxième injection au plus tôt pour les autres). Il faut aussi être vigilant à la durée de protection qui varie selon le vaccin et ne pas oublier les injections de rappel pour que les animaux soient effectivement protégés."
"Il est préférable de réserver la vaccination à la prévention plutôt qu’aux cas d’urgence. Il y a très peu de situations où l’on pourra utiliser à bon escient un vaccin alors que l’agent infectieux est déjà présent dans l’exploitation et que certains animaux ont déjà développé une réponse immunitaire. L’ajout d’un vaccin n’améliore pas grand-chose. Et si l’animal déclare des signes cliniques après la vaccination, le risque d’incriminer à tort le vaccin est grand. Par ailleurs, quand un animal est déjà malade, la réponse à la vaccination est moins bonne. Dans la plupart des cas, la réponse de l’animal à la vaccination nécessite au moins 4 à 6 semaines avant d’être efficace, donc l’effet n’est pas immédiat. En revanche, la vaccination peut aider à retarder l’évolution vers la maladie (paratuberculose) ou aider l’animal à éliminer l’infection comme pour la teigne par exemple. Elle permet en effet de stimuler la réponse de l’animal. On peut également envisager la vaccination pour augmenter une réponse qui était déjà présente, pour augmenter le transfert des anticorps au veau, comme pour les E. coli ou la salmonellose pour les sérotypes Dublin et Typhimurium dans des troupeaux où ces infections posent problème. Dans ce dernier cas, le risque de provoquer une réaction d’hypersensibilité avec une hyperthermie plus ou moins forte chez l’animal quand il a déjà rencontré l’infection existe. Une autre situation particulière est celle du botulisme, et la vaccination dans un troupeau qui connaît un épisode de mortalité due à cette toxi-infection. Quand les animaux ont déjà ingéré la clostridie ou la toxine, l’efficacité du vaccin apparaîtra faible, parce qu’il ne les protège qu’au bout de trois à quatre semaines, ce qui laisse largement le temps à la toxine de poursuivre son effet. Vacciner en urgence est souvent trop tard, beaucoup auront déjà développé des troubles ou seront morts. On peut cependant l’envisager lorsque la source d’intoxication n’est pas identifiée et que son effet est plus étalé dans le temps."
"Cela dépend en théorie de l’agent infectieux, de sa vitesse de diffusion et de la densité d’animaux, mais pour ceux qui nous intéressent, la réponse est oui la plupart du temps. Cette stratégie est par exemple préférable, voire impérative, pour des infections comme la BVD, parce qu’elle favorise la réponse immunitaire des animaux vaccinés et diminue la pression infectieuse. Mais, en empêchant la multiplication des virus, la vaccination d’un lot d’animaux peut aussi protéger ceux qui n’auraient pas été vaccinés, car elle diminue la probabilité d’infection et donc de transmission. C’est notamment le cas pour la FCO. Encore une fois, tout est une question d’équilibre entre la pression infectieuse et la capacité des animaux à se défendre. S’ils sont en bonne santé et reçoivent une alimentation adaptée à leurs besoins, notamment en vitamines et oligoéléments avant les périodes à hauts risques (vêlage, début de lactation…), ils ont de meilleures chances de se défendre et les signes cliniques, s’ils apparaissent, sont moins marqués."
"Non. Quand les vaccins sont utilisés dans de bonnes conditions, les effets indésirables sont rares à très rares. Avant d’être commercialisé, le produit doit obtenir une AMM qui garantit à la fois son innocuité et son efficacité. La vaccination peut cependant parfois provoquer des effets indésirables sans gravité comme par exemple une élévation passagère de la température ou une légère inflammation au point d’injection qui disparaît après quelques heures ou quelques jours tout au plus. On observe quelquefois une légère baisse de la production laitière le lendemain ou sur lendemain de la mise en place d’une vaccination de groupe. Mais dans ce cas, ce n’est pas le vaccin qui est en cause mais les conséquences de la manipulation des animaux (stress), de leur blocage plus ou moins long aux cornadis… Les réactions très fortes, comme une allergie pouvant conduire à la mort de l’animal, sont quant à elles extrêmement rares, de l’ordre de une pour dix mille tout au plus."
Un contexte général de défiance
"Il y a un contexte général de défiance vis-à-vis des vaccins en France et dans les pays occidentaux, souligne Gilles Foucras. Le cas de la vaccination contre la grippe chez l’homme en est un exemple." Cette défiance est liée en partie "aux accidents sanitaires survenus dans le passé". L’utilisation de la vaccination à grande échelle avec les contraintes qu’elle provoque comme ce fut le cas par exemple pour l’épisode de FCO en 2006, y contribue également.