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Insémination par l’éleveur : comment bien se préparer

L’insémination par l’éleveur implique bien plus que la seule mise en place de la semence. Victor Charles, éleveur en Deux-Sèvres, et Damien Behaghel, responsable IPE chez Innoval, partagent leur expérience avec les futurs éleveurs-inséminateurs.

En 2020, le nombre d’inséminations artificielles premières (IAP) réalisées par les éleveurs-inséminateurs a bondi de 10 % par rapport à 2019, selon l’Institut de l’élevage. L’insémination par l’éleveur (IPE) connaît un engouement particulier depuis deux ans, et représente désormais 12 % des inséminations réalisées. Le phénomène est tel que les coopératives modulent leurs services pour s’adapter à cette activité, à l’image d’Innoval, présente dans le Grand Ouest et le Nord de la France.

Damien Behaghel est responsable du marché IPE : « 3 300 de nos 27 000 adhérents inséminent eux-mêmes. Nous les accompagnons selon leurs besoins. » Parmi eux, Victor Charles, jeune éleveur installé à Périgné (79), avec 80 Holstein. « J’ai débuté l’IPE en 2019. Je voulais être plus autonome dans la gestion de mon troupeau. » Si, comme Victor, vous envisagez de devenir éleveur-inséminateur, voici quelques conseils pour se lancer.

Réfléchir son projet en amont

« L’IPE, ce n’est pas seulement la mise en place de la semence, prévient Damien Behaghel. Cette décision doit être fondée sur des critères allant au-delà des aspects financiers. Il faut avoir en tête l’impact sur la reproduction du troupeau, son orientation génétique, la logistique et le temps de travail. »

 

 
Victor Charles a le projet d’inséminer lui-même son troupeau depuis son installation. « J’ai attendu trois ans pour me lancer, quand l’organisation de l’exploitation s’est stabilisée. »
Victor Charles a le projet d’inséminer lui-même son troupeau depuis son installation. « J’ai attendu trois ans pour me lancer, quand l’organisation de l’exploitation s’est stabilisée. » © M. Giraud
Victor a franchi le cap mi-2019. « C’était le moyen de m’approprier pleinement le troupeau hérité de mon père. » Le jeune éleveur s’est nourri de l’expérience de plusieurs voisins déjà rodés à la pratique. Victor réalise toutes les inséminations de son troupeau, soit environ 200 actes par an. « Pour optimiser les coûts et garder un bon geste, il est conseillé de pratiquer au moins 100 IA par an, estime Damien Behaghel. En deçà, la pratique peut être justifiée par la passion de la génétique. Dans tous les cas, ce doit être un choix épanouissant pour l’éleveur. »

 

Se former et être accompagné

Les coopératives d’insémination, les chambres d’agriculture ou les entreprises distributrices de génétique proposent des formations d’éleveurs-inséminateurs. « Indispensable », selon Victor, qui a suivi quatre demi-journées dispensées par Innoval, sur son exploitation. « J’ai appris les gestes pratiques : repérer et manipuler le col de l’utérus, passer le pistolet, confirmer les chaleurs à la palpation… J’ai également revu les notions de reproduction et la manipulation des paillettes. » Les coûts varient selon l’organisme, mais la plupart des formations sont éligibles à la prise en charge Vivéa.

Tout au long de sa pratique de l’IPE, l’éleveur peut maintenir son accompagnement technique par la coopérative. « Tous nos services sont accessibles, précise Damien Behaghel, notamment le suivi de reproduction. » Le lien avec les professionnels de l’insémination permet de confirmer l’efficacité de ses pratiques et de dresser des bilans de reproduction périodiques.

Bien suivre ses résultats de reproduction

La synthèse 2020 de l’Idele montre des résultats de réussite similaires entre les IAP mises en place par les inséminateurs et celles mises en place par les éleveurs inséminateurs, soit environ 60 % d’IAP fécondantes (sur le critère taux de non-retour des IAP à 90 jours).

« L’important est de rester réactif face à ses résultats de reproduction, commente Damien Behaghel. Je conseille de maintenir un suivi de gestation pour avoir une bonne visibilité et ne pas laisser dériver les indicateurs. Il est toujours possible de corriger ses pratiques ou de se reformer si besoin. »

Victor sollicite son vétérinaire pour les constats de gestation. « Sa visite est un moment important, et va bien au-delà du diagnostic. Il me permet de comprendre les échecs de reproduction et leurs causes. »

Planifier sa stratégie génétique

Pour prévoir son stock de semences sur six mois, Victor établit un planning d’accouplement, avec des objectifs de renouvellement du troupeau bien définis. « Je travaille avec le technicien génétique de la coopérative. Nous déterminons ensemble l’orientation du troupeau et le choix des animaux à accoupler, pour obtenir trente génisses de bonne qualité par an. »

Pour Damien Behaghel, il est indispensable de poser en amont sa stratégie de renouvellement et faire le choix du niveau génétique souhaité pour le troupeau, afin de disposer des paillettes adéquates : Quels animaux sont destinés à assurer le renouvellement ? Combien de génisses produire ? Quelle qualité de semences ? L’utilisation de génétique non adaptée peut rapidement faire stagner un troupeau.

Victor ventile ses achats entre de la semence laitière sexée, de la conventionnelle et du croisement industriel, qui viennent compléter la reproduction par transplantation embryonnaire. « Le réapprovisionnement en paillettes prend quinze jours, je dois anticiper les retours en chaleur et avoir un stock suffisant pour respecter le planning d’accouplement. »

Disposer d’équipements de contention adéquats

Le système de contention doit permettre de mettre les animaux au calme, sans être dérangé par les autres vaches, pour procéder en toute sécurité pour l’éleveur et l’animal. Un box de contention est bien sûr l’idéal. Les conditions de réalisation de l’IA influent sur la réussite. Victor a remplacé la barre au garrot de la table d’alimentation par des cornadis : « J’insémine ou je fouille le matin ou le soir, après la distribution de la ration, quand les vaches sont bloquées pour manger. Elles sont détendues. Il est important de travailler au calme, pour prendre le temps de me concentrer sur l’animal, bien appréhender son état et éventuellement repérer des infections. »

Dégager du temps de travail

L’insémination d’une vache demande en moyenne vingt minutes, estime Victor. Bloquer l’animal, préparer le matériel, décongeler puis déposer la semence... La fouille des animaux, complémentaire au suivi de reproduction, doit aussi être comptabilisée. Il faut ajouter l’intendance et l’administratif : vérifier et réapprovisionner ses stocks de semences et de consommables, et déclarer les inséminations. « Un éleveur qui souhaite se lancer dans cette pratique doit avoir le temps de s’y consacrer », confirme l’éleveur, qui estime à une petite centaine d’heures annuelles son activité d’IPE.

Se déclarer auprès de l’EDE

 

 
Avant de se lancer, l’éleveur-inséminateur doit se déclarer auprès de l'EDE.
Avant de se lancer, l’éleveur-inséminateur doit se déclarer auprès de l'EDE. © Innoval
Pour pouvoir détenir et utiliser du matériel génétique, l’éleveur-inséminateur doit se déclarer auprès de l’EDE et indiquer le lieu de dépôt de la cuve de stockage, avant sa mise en service.

 

Au quotidien, l’éleveur IPE doit assurer la traçabilité des doses avec une tenue d’inventaire, et enregistrer chaque insémination, dans un délai d’un mois. Le délai moyen d’enregistrement est de 17 jours et, s’il s’est amélioré par rapport à 2019, il reste encore 20 % des IA IPE déclarées hors délai. Ces IA sont déclassées et la filiation des veaux est caduque.

Également sur notre site : Des noms en T pour vos vaches en 2022

Chiffres clés

EARL de la Roseraie

Troupeau : 80 vaches prim’Holstein
Livraison 2021 : 835 000 litres à la laiterie Terra Lacta
Intervalle vêlage-vêlage : 367 jours
Coefficient d’utilisation de paillettes : 1,7

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