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Élevage laitier : « Des réajustements de conduite qui payent »

Au Gaec des Thivolets, en Isère, les éleveurs ont identifié et levé les principaux facteurs limitants dans leur conduite d’élevage, à l’aide de leur conseiller. À la clé : une augmentation de la productivité animale et davantage de lait par jour de vie.

Nichée à flanc de colline, l’exploitation de Dominique, Martine et Romain Blanc, à 450 mètres d’altitude en Isère, livre 600 000 litres de lait en IGP saint-marcellin produits avec 55 prim’Holstein hautes productrices. Le bâtiment d’élevage, une ancienne porcherie de 600 m2 reconvertie en 1999 pour les vaches laitières, ne paye pas de mine. Ici, pas de cathédrale qui en jette plein la vue. Pour autant, la production est au rendez-vous : elle est passée de 30-32 à 37-39 kg de lait produit par vache et par jour en trois ans. « Augmenter la productivité par vache est l’un de mes moteurs, plante le jeune éleveur. C’est pourquoi j’ai essayé de mettre en place pas mal de choses ces dernières années avec l’aide de mon conseiller, tant sur la ration que sur le confort des animaux pour améliorer les performances laitières. »

Améliorer la qualité des ensilages d’herbe

« Nous avons commencé à travailler sur la qualité des fourrages. Plus particulièrement sur l’ensilage d’herbe qui se révélait le premier facteur limitant de la ration », mentionne Yannick Blanc, d’Adice conseil élevage. La fertilisation azotée intervient plus tôt dans l’année et un apport de 60 UN/ha est renouvelé après chaque coupe. Romain se montre aussi beaucoup plus vigilant et réactif quant au stade optimal de fauche. « Dès début mars, je visite les prairies deux fois par semaine, car le stade peut évoluer très vite. Dès que l’épi est monté à 10 cm dans la tige, il faut y aller ! L’ensileuse de la Cuma intervient dans la semaine. » L’ensilage est coupé entre 2 et 4 cm. Désormais, le Gaec préfère récolter deux « petites » coupes de ray-grass hybride et trèfle violet (2,5 à 3 t MS/ha), plutôt qu’une de 5-6 t MS/ha. Avec à la clé, de meilleures valeurs alimentaires : 14 à 15 % de MAT, 420-450 de NDF et 75 % de digestibilité.

À la récolte, le Gaec cherche à atteindre les 35 % MS le plus vite possible, avec un maximum de tiges digestibles. Le jour du chantier, deux tracteurs assurent le tassement (750 à 800 kg/m3) et l’emploi d’un conservateur biologique est systématisé.

Mieux éclater les grains de maïs ensilés

« Sur le maïs, nous sommes passés à la technique Shredlage », précise Romain. « Plus que la fibre longue, ce sont les nouveaux éclateurs qui apportent une plus-value », estime-t-il. La longueur de coupe habituelle est de 14 mm, mais si les maïs sont très secs, les éleveurs n’hésitent pas à réduire la coupe jusqu’à 8 mm pour éviter de retrouver les rafles en refus. Les stades de récolte ont été optimisés pour ensiler entre 32 et 34 % MS.

Au niveau variétal, « étant donné l’importante hétérogénéité de sol, même au niveau intra-parcellaire, et le différentiel d’altitude entre 250 et 600 mètres, nous avons revu les indices utilisés », dépeint Yannick Blanc.

Distribuer une ration à volonté et 100 % accessible

Le repousse-fourrage automatique, déjà présent sur l’élevage depuis 2016, est aujourd’hui mieux optimisé. « En journée, nous voulions que les vaches mangent un maximum sans tri avant de commencer à repousser. C’était une erreur. Il faut faire en sorte qu’elles ingèrent des bouchées le plus homogènes possible sur 24 heures », corrige Romain.

 

 
vache à l'auge mangeant du fourrage
À l’auge, les relevés de têtes sont le signe que les vaches ne trient pas trop et que l’ingestion est bonne. © E. Bignon
Les fourrages sont désormais coupés plus court, ce qui limite le tri, et la repousse intervient dix fois par jour à 11 h, 14 h, 17 h, 18 h, 19 h, 20 h, 23 h, 1 h, 3 h et 5 h. L’éleveur veille également à ce qu’il y ait systématiquement des refus. Il récupère chaque matin une brouette de 300 litres pleine, soit l’équivalent de trois parts de ration, redistribuées au lot de vaches en début de tarissement. Le « film alimentaire » est plus régulier de jour comme de nuit. La preuve en est, « même le matin, quand la mélangeuse arrive à 6 h 30, les laitières ne se précipitent plus, elles finissent par se lever, mais vraiment tranquillement », témoigne Romain.

 

Améliorer le nombre et le confort des logettes

Les efforts ont aussi porté sur le bien-être animal. Les laitières disposent désormais d’une logette chacune grâce à la baisse d’effectifs permise par l’augmentation progressive de la productivité. Romain a aussi amélioré le confort de couchage en remplaçant les tapis par des matelas (12 000 € pour 60 places en 2021) qu’il paille abondamment deux fois par jour.

 

 
vaches couchées en logettes
Pour améliorer le confort des logettes, des plaques équerre permettant de réhausser la barre au garrot de 30 cm ont été boulonnées au mur. © E. Bignon
La dimension des logettes n’est pas optimale avec seulement 2,80 m entre le mur et le bout de la stalle. « La recommandation est de 3,20 m contre un mur, et en plus ici, il y a du gabarit ! », relève Yannick Blanc. La barre au garrot, initialement à 108 mm de haut, a pu être relevée de 30 cm, ce qui a permis d’augmenter la longueur de la diagonale entre la barre au garrot et le seuil. « Ces deux modifications ont été profitables, nous voyons davantage de vaches couchées et le couché-relevé est plus équilibré. »

 

Limiter le stress thermique

Inéluctablement, dans le bâtiment bas de plafond et très fermé, les vaches souffrent vite de stress thermique malgré une isolation en styrodur. « Nous n’avons eu d’autre choix que de recourir à la ventilation dynamique (17 000 € en 2020). » Le Gaec a équipé de cinq grands ventilateurs de 1,20 m à flux horizontal (tous les 12 m) le couloir où mangent les vaches, et de six autres petits de 60 cm (tous les 10 m) une rangée de logettes. Un système de douchettes complète le dispositif. « Même si l’effet reste insuffisant lors des grosses chaleurs, cela limite les conséquences négatives, commente Yannick Blanc. Mais encore faut-il bien orienter les ventilateurs sur le dos des vaches. Brasser de l’air chaud au-dessus des animaux, comme on le voit fréquemment dans les fermes, cela ne sert à rien ! »­

Toutes ces améliorations vont dans le bon sens mais le challenge de Romain n’est pas fini. « Mon objectif serait de monter à 12 000 litres par vache et réduire le troupeau à 40 laitières à terme pour limiter le travail. »

Trois écueils pointés par la caméra

En 2020, lors d’un audit réalisé par Adice conseil élevage, l’emploi d’une caméra time-lapse, qui a filmé le troupeau sur 24 heures, a mis en évidence trois défauts :

1 - Une ration inaccessible à certains moments de la journée et de la nuit qui pénalisait l’ingestion.

2 - Des « trous » creusés dans la ration distribuée à l’auge témoignaient du tri opéré par les vaches.

3 - Trop de vaches debout dans les logettes ou oisives. Elles mettaient beaucoup de temps à se coucher. Certaines s’avançaient vers une logette puis finalement renonçaient. Le temps de repos avoisinait 10 heures alors que l’objectif est de 14 heures. La proportion de vaches couchées était de 50 % en moyenne. Désormais, elle s’élève à 65 % une heure trente après la distribution de la ration grâce aux différentes améliorations apportées. L’objectif est de 60 %.

Yannick Blanc, conseiller Adice conseil élevage

 

 
Yannick Blanc, Adice conseil élevage
Yannick Blanc, Adice conseil élevage © DR

« La réactivité de l’éleveur, sa rigueur et ses précautions font la différence. »

Les pH urinaires des taries suivis de près

 

 
éleveur avec vache prim'Holstein, Romain Blanc
Même avec de petits effectifs de vaches taries, Romain Blanc s‘attache à faire deux lots. © E. Bignon
Même avec de petits effectifs de vaches taries, Romain Blanc s‘attache à faire deux lots. « J’ai profité d’un agrandissement d’un bout de bâtiment pour modifier mes pratiques. En hiver, je les place dans des cases différentes, et en été, je garde un lot en bâtiment tandis que celles qui viennent d’être taries sont au parc, détaille l’éleveur. Depuis que je travaille en faisant deux phases distinctes, je n’ai plus de problèmes de fièvres de lait au vêlage. »

 

Lors de la première phase, les taries reçoivent les refus des laitières et du foin. Lors de la deuxième phase (trois semaines avant le vêlage), elles ont une ration spécifique acidifiée avec 50 g d’oxyde de magnésium, 300 g de chlorure de magnésium et 300 g d’un acidifiant à Baca négative plus appétent. « Je les nourris au bacquet pesé individuellement, sinon la proportion d’ensilages d’herbe et de maïs est trop approximative. »

L’auge d’alimentation est plastifiée car le chlorure de magnésium cristallise vite à l’humidité. Avant, une partie n’était pas ingérée. La différence se voit sur les pH. Ils avoisinent 6,5 alors qu’avant, ils descendaient difficilement sous 7. « Je les mesure une à deux fois par semaine. Globalement, nous avons de meilleurs démarrages – plus de 50 litres de moyenne pour les multipares – et moins de problèmes d’acétonémie. »

Fiche élevage

102 ha de SAU dont 17 ha de maïs, 14 ha de céréales, 20 ha de prairies temporaires et 51 ha de prairies permanentes

55 vaches à 11 000 kg

41 de TB et 34 de TP

600 000 l produits

1 UGB/ha de chargement

13,9 l lait/jour de vie

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