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Désherbage mécanique : « Dans notre protocole, le maïs doit pousser plus vite que les adventices »

Dans la Manche, au Gaec Joulandré, Jean-Philippe André et Robin Joulan désherbent en 100 % mécanique leurs 13 hectares de maïs en bio. Ils identifient trois étapes pour réussir : un méteil qui sert de couvert d’automne pour détruire la prairie, un semis de maïs tardif et, surtout, un démarrage rapide et étouffant.

Jean-Philippe André et Robin Joulan affinent leur stratégie de désherbage mécanique du maïs, en sans-labour, au fil des années. « Depuis que nous sommes en bio, c’est plus stressant. Nous faisons des erreurs. Mais nous prenons des mesures pour faire de mieux en mieux », reconnaissent-ils. Le maïs s’intègre dans une rotation longue : quatre ans de prairie de fauche à base de trèfle et de luzerne, puis du méteil ensilage, du maïs, un méteil grain et retour à la prairie.

Fiche élevage

Gaec Joulandré

135 ha dont 13 ha de maïs épi

100 vaches croisées

575 000 litres

Début de conversion AB en 2019

2 associés, 1 salarié

Un effet starter grâce au fumier

Dans leur stratégie de désherbage, le maïs doit démarrer rapidement pour étouffer les adventices. Première étape : « Nous épandons le fumier tôt dans l’année pour qu’il ait le temps de minéraliser et qu’il assure un effet starter au maïs », soit mi-septembre, avant le méteil qui est ensilé au printemps.

Deuxième étape : implanter dans les bonnes conditions. Un paramètre donne le top départ : « Nous semons dans un sol à 17 °C. C’est le point crucial. Si ça tombe autour du 5 mai, c’est bien", décrivent les éleveurs, qui privilégient des maïs précoces, à 240-250 d'indice. Si le semis arrive aux alentours de fin mai, ils optent alors pour des maïs très précoces à 220-230 d'indice. Ils utilisent un semoir classique six rangs, sèment à 5 cm de profondeur et « très épais : 120 à 130 kg/ha, pour compenser les pertes à la levée et celles dues aux passages de chaque outil de désherbage, qui détruisent 5 % à 10 % de la culture ».

Depuis deux ans, ils ajoutent un starter bactérien dans le semoir, « pour donner un coup de pouce au démarrage ». En retardant le semis dans la saison, Jean-Philippe André et Robin Joulan tentent de diminuer le nombre de passages d’outils et, avec lui, les pertes de pieds.

En retardant le semis dans la saison, Jean-Philippe André et Robin Joulan tentent de diminuer le nombre de passages d’outils, et avec lui les pertes de pieds.

Un passage d’outil tous les dix jours

« Dans un monde idéal », Robin Joulan et Jean-Philippe André interviennent tous les dix jours jusqu’au stade 5-6 feuilles, quand le maïs recouvre le sol.

« La première semaine, nous roulons pour aplanir le sol et enfoncer les cailloux et nous passons la herse étrille de 12 mètres, à l’aveugle. C’est l’outil le plus adapté en prélevée, qui nous permet d’avancer à 10 km/h. »

Ils poursuivent : « Entre la levée et le stade 3 feuilles, la herse ne peut pas avancer à plus de 1 km/h par feuille. C’est très difficile d’intervenir. Alors pour désherber la plantule, nous passons la houe rotative. »

Ensuite, au stade 3 feuilles, « nous repassons la herse étrille, mais il y a un peu de casse ». Enfin, au stade 5-6 feuilles, la bineuse intervient. « C’est quasiment du micro-labour et la dernière étape avant que le maïs ne recouvre le sol. »

Le matériel de désherbage appartient à la Cuma, à l’ETA ou est loué, car les associés préfèrent continuer de peaufiner leur stratégie et ne prévoient pas d’investir en propre. « Avec la Cuma, nous n’avons pas de problème de disponibilité de matériel. Pour l’instant, nous restons dans cette configuration car ce ne serait pas rentable d’investir. Si nous devons acheter un matériel à l’avenir, ce sera en Cuma et davantage une houe qu’une bineuse, car elle peut servir à des conventionnels. »

Désherber mécaniquement, un travail d’horloger

« Le désherbage mécanique, c’est de l’horlogerie », imagent Jean-Philippe André et Robin Joulan. Il s’agit de faire preuve de patience et de rigueur, de trouver la bonne combinaison de facteurs sur lesquels les éleveurs ont plus ou moins la main.

Le bon méteil pour laisser un sol propre : au Gaec Joulandré, c'est seigle-vesce. La bonne parcelle : « Les mauvaises terres restent en bio. Aujourd’hui, nous choisissons mieux nos parcelles et nous évitons celles humides. » Les bons réglages : « En 2021, nous avons fait un mauvais scalpage de la prairie, trop profond et rappuyé avant d’implanter le méteil. C’est comme si nous avions resemé 15 cm de profil de terre. Dans les bonnes terres, le maïs a pris le dessus. Sinon, c’était la catastrophe. » La bonne intervention, au bon moment, avec la bonne fenêtre météo : « En 2023, nous avons semé très tard. Il a fait beau, nous avons eu de l’eau régulièrement. C’est l’année où nous avons obtenu nos plus beaux rendements, à 85 q/ha MS en maïs épi. » La bonne dose de tolérance au salissement : « Quand le maïs recouvre le sol, ce n’est plus dramatique car le salissement va peu intervenir sur le rendement. » Et de conclure : « Nous n’avons pas encore beaucoup de recul mais notre protocole s’affine. En bio, il faut rester humble. Car une année ne fait pas l’autre. »

Côté éco

Le coût du désherbage mécanique du maïs au Gaec Joulandré

Coût bineuse par l’ETA : 55 €/ha

Coût herse étrille en Cuma : 9 €/ha

Coût houe rotative louée à Agronat : 25,50 €/ha

+ 15 €/ha coût tracteur

Avis d'expert : Thierry Métivier, conseiller agriculture biologique à la chambre d’agriculture de Normandie

Herse, houe et bineuse : la stratégie gagnante du Gaec Joulandré

« La stratégie de désherbage de Jean-Philippe André et Robin Joulan est adaptée à leur volonté d’obtenir un maïs propre. Leur rotation est courte en nombre de cultures : trois cultures annuelles en cinq ans, les terres n’ont pas beaucoup le temps de se salir. La combinaison du semis tardif et dense est très bien pour recouvrir le sol rapidement et empêcher les adventices d’accéder à la lumière pour se développer. Le passage de la herse étrille en prélevée du maïs est peu courant, car il existe un risque de casser son germe. Il faut être précis dans le réglage de l’outil, sa profondeur d’intervention et le moment choisi, mais c’est un gage de limitation des adventices en les empêchant de prendre de l’avance sur le maïs qui va lever. Pour déterminer le moment propice au passage suivant de la herse, il est possible de poser une vitre au sol pour accélérer la germination des adventices par effet de serre. Dès que les filaments blancs apparaissent, top départ à la herse. Cette technique permet d’intervenir sur des stades jeunes et fragiles des adventices. En intervenant le plus tôt possible en plein, on améliore les chances de maîtrise du salissement. Les éleveurs combinent l’utilisation de la herse, de la houe et de la bineuse. C’est peu courant mais ils cumulent les atouts. »

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