Des affirmations gratuites sur la transformation
Sans vraies études épidémiologiques chez l’homme, on ne peut rien affirmer sur les effets des traitements technologiques du lait sur la santé.
Sans vraies études épidémiologiques chez l’homme, on ne peut rien affirmer sur les effets des traitements technologiques du lait sur la santé.
Les produits laitiers sont soumis à trois grandes catégories de traitements technologiques : mécaniques, thermiques et fermentaires. Les traitements thermiques sont là pour réduire l’exposition aux dangers microbiologiques et la filière se conforme aux recommandations des autorités de santé publique. Même si aujourd’hui, peu d’études ont été conduites pour mesurer précisément les effets des procédés de transformation du lait sur la santé humaine, il est quand même possible de tordre le coup à certaines croyances. « Par exemple, il est faux d’avancer que le lait frais pasteurisé se digère moins bien que le lait cru. Les études montrent qu’il est digéré à près de 96 % », expose Joëlle Léonil, directrice de recherche au STLO Science et Technologie du lait et de l’œuf de l’Inra. Il faut modérer aussi les attaques relatives aux pertes engendrées suite aux traitements. « Certes la pasteurisation et le traitement UHT peuvent entraîner une perte de vitamines (en particulier B2 et B12) mais celle-ci s’avère négligeable, précise-t-elle. Et sur les acides aminés, les différences entre lait cru, UHT et lait stérilisé sont faibles. » Quant à la dénaturation de certaines protéines par le chauffage, celle-ci est bien réelle, mais elle n’est pas spécifique au lait et se pose pour tous les produits végétaux ou animaux.
Tordre le cou aux arguments non fondés scientifiquement
« Il n’y a quasiment aucune étude épidémiologique chez l’homme montrant clairement l’effet des traitements technologiques sur la santé humaine et intégrant une classification au regard de l’intensité des procédés subis au cours de la transformation », poursuit Joëlle Léonil. Les rares études réalisées concernent une vingtaine d’individus et manquent de puissance statistique. Seules de vraies études réalisées, dans de bonnes conditions expérimentales et sur un nombre significatif de personnes, pourront établir, à terme, s’il y a une corrélation ou pas.
Un avis partagé par Anthony Fardet, chargé de recherches en alimentation préventive à l’unité nutrition humaine de l’Inra, qui affirme qu’« il est difficile de se prononcer aujourd’hui, mais que globalement les traitements technologiques appliqués au lait ne semblent pas avoir d’effets délétères sur le potentiel santé des produits laitiers, excepté quand ces derniers deviennent vraiment trop drastiques comme les produits ultratransformés, fractionnés, recombinés. Mais cela est vrai pour tous les aliments, fruits, légumes… Le lait, les yaourts et les fromages restent des aliments peu ou normalement transformés. » La question est d’autant plus difficile à aborder que les produits laitiers sont souvent le fruit d’une série de plusieurs traitements et que la matrice laitière s’avère complexe.
L’analyse du rapport bénéfices sur risques doit prévaloir
Certains courants militent aujourd’hui pour un retour du lait cru. « Plusieurs études épidémiologiques (1) sérieuses indiquent que le lait de ferme, en particulier s’il est consommé non bouilli, pourrait conférer un effet protecteur contre l’asthme et les allergies", précise Joëlle Léonil. Pour autant, faut-il prôner le retour au lait cru, et risquer de provoquer un scandale alimentaire sur des laits qui ne seraient pas sécurisés sur le plan microbiologique ? Qu’est-ce que la société est capable d’accepter, notamment sur une population telle que l’enfant ?
(1) Parsifal, Gabriella, Pastura.SI PLACE : PHOTO (en attente)
Légende. « Les discours simplistes ou orientés ne doivent pas prendre le pas sur la parole des chercheurs. »