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Comment réagissent les vaches à une variation des apports de concentré ?

Face à une réduction de concentré, chaque vache réagit différemment. Mais d’après les premiers résultats d’essais menés aux Trinottières, les réponses individuelles à l’échelle de chaque animal ne semblent pas forcément répétables.

Auges peseuses individuelles à la ferme expérimentale des Trinottières
Même si une réaction moyenne à l’échelle du troupeau se dessine face à une réduction du concentré, il y a une forte variabilité individuelle. Certaines vaches compensent davantage sur le lait, d’autres sur la mobilisation des réserves.
© SAS Ferme des Trinottières

En diminuant le concentré, une vache a trois possibilités : soit elle compense en consommant plus de fourrages, soit elle diminue sa production laitière, soit elle mobilise ses réserves corporelles. Piloter l’apport de concentré de production pour l'adapter à chaque vache laitière et au contexte de l'éleveur semble une voie intéressante à explorer. C’est tout l’enjeu de l’alimentation de précision. Mais est-ce réellement une voie prometteuse ? Potentiellement oui, mais ce n’est pas encore gagné au regard des premiers résultats obtenus à la ferme expérimentale des Trinottières.

Les chercheurs ont testé pendant dix-neuf semaines un protocole d’essai où des vaches nourries en ration semi-complète ont été soumises à un challenge de réduction du concentré de production. Celui-ci a été distribué au Dac à hauteur de 4 ou de 1 kg, alternativement toutes les trois semaines (lire encadré). La moitié des 60 vaches recevaient une ration à volonté à l’auge, l’autre étant limité. « Le premier lot avait donc la possibilité de compenser la baisse d’ingestion en concentrés par substitution avec du fourrage, alors que le second était privé de cette voie d’adaptation », précise Julien Jurquet de l’Institut de l’élevage.

Une réponse moyenne…

En moyenne, face à la réduction du concentré, les vaches nourries à volonté ont maintenu leur production laitière grâce à une augmentation de l’ingestion à l’auge (+1,5 kg MS/j/VL) et une mobilisation de leurs réserves corporelles (bilan énergétique quotidien à -0,7 UFL). En revanche, celles dont l’ingestion à l’auge était limitée se sont adaptées à la baisse d’apport de concentré essentiellement en réduisant leur production laitière (-1,6 kg lait corrigé/VL/j). Elles n’ont pas mobilisé beaucoup plus que les vaches nourries à volonté (bilan énergétique quotidien à -0,9 UFL). Leur ingestion à l’auge est restée stable autour de 21,8 kg MS/VL/j.

… mais une grande variabilité de réponses individuelles

« Il s’agit là de réponses moyennes à l’échelle du troupeau, mais les vaches ne réagissent pas toutes de la même manière, relève Nathan Dermenjian de l’Inrae. Il y a une grande plage de variation des réponses en lait, en ingestion et bilan énergétiques d’une vache à l’autre. »

Pour les vaches à volonté, 20 % affichent une baisse supérieure à 1,5 kg de lait corrigé/VL/j, alors que 20 % ont vu leur production augmenter de plus de 0,6 kg/VL/j. Même chose pour l’ingestion à l’auge : pour 20 % des vaches, l’ingestion n’est pas montée à plus de 0,7 kg MS/VL/j (soit moitié moins que la moyenne), et 20 % ont augmenté leur ingestion de plus de 2,2 kg MS/VL/j. Quant à la variation du bilan énergétique, l’écart va de -1,4 à +0,1 UFL/j.

Le constat est similaire pour le lot limité en ingestion à l’auge : la baisse moyenne de lait corrigé se chiffrait à -1,7 kg, mais pour 20 % des vaches, cette réduction se montre bien plus importante (-2,6 kg/VL/j) et 20 % réussissent à avoir une diminution de moins de 0,2 kg/VL/j. Quant au bilan énergétique, il varie de -1,8 à -0,2 UFL/j.

Identifier des profils type

Les chercheurs ont ensuite essayé d’identifier des groupes de réponse, c’est-à-dire des profils de vaches laitières répondant de façon similaire. « Nous avons déterminé les profils par rapport à la réponse attendue sur chaque critère. En gros, pour chaque vache, nous avons regardé si sa réponse se montrait plus ou moins marquée par rapport à la moyenne », spécifie Nathan Dermenjian.

Pour les vaches à volonté, trois principaux profils se dégagent. Le principal correspond à une réaction comparable à la moyenne. Un autre rassemble des vaches qui maintiennent leurs réserves avec un bilan énergétique avant et pendant le challenge qui baisse peu (-0,2 UFL/j). Et le troisième concerne des vaches qui compensent moins à l’auge mais mobilisent davantage leurs réserves (-1,1 UFL/j). Pour le lot limité, près de 50 % des mesures se montrent semblables à la réponse moyenne. Une partie des vaches compensent de manière très forte en réduisant leur production plus que leurs congénères (-2,6 kg contre -1,7 kg de lait corrigé/VL/j) et un troisième profil réussit quasiment à maintenir sa production (-0,1 kg/VL/j) mais compense en puisant davantage dans ses réserves (-1,4 contre -0,9 UFL/VL/j).

La variabilité des réponses peut offrir des perspectives intéressantes en matière d’alimentation de précision mais encore faut-il que le comportement de chaque vache reste le même au cours du temps. Or, dans l’essai, les profils d’adaptation ont pu changer au fil des trois challenges menés successivement. Si la réponse d’une vache ne s’avère pas répétable, il ne sera pas simple de valoriser ce concept sur le terrain. Cette question mérite encore d’être approfondie avec un nouvel essai mis en oeuvre en 2024.

Zoom sur le protocole d’essai

Pendant 19 semaines au premier semestre 2022, 60 vaches laitières (dont un tiers de primipares) ont été soumises à une alternance de deux niveaux d'apports de concentrés de production à 17 % de MAT. Elles ont reçu soit 1 kg soit 4 kg de concentré, en complément de leur ration à l’auge. Concrètement, les vaches étaient complémentées avec 4 kg pendant trois semaines au Dac, puis elles basculaient à 1 kg les trois semaines suivantes. Et ce challenge a été répété trois fois. 

Les 60 vaches étaient scindées en deux lots. La ration de base était la même : maïs ensilage (57 %), d’ensilage d’herbe (16 %), d’enrubannage (5 %), de tourteau de colza (21 %) et minéraux (1%). Mais le premier lot était nourri à volonté, tandis que le second voyait son ingestion à l’auge limitée et ne pouvait donc pas (contrairement au premier lot) exercer de compensation suite à la baisse d’apport de concentré.

Coté web

Pour en savoir sur les résultats et l’avancée du Casdar Harpagon, rendez-vous sur le site regroupant tous ses travaux.

 

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