Allonger les lactations en Prim’Holstein est rentable
Pendant six ans, la ferme expérimentale de Trévarez a étudié l’effet
d’un allongement de la lactation de dix à seize mois. La production est un peu plus
faible mais avec un coût alimentaire moindre, et une longévité un peu améliorée.

DIX-HUIT MOIS» a concerné surtout les multipares.
L’essai mené de 2005 à 2011 a comparé deux lots de 24 Prim’Holstein, avec un intervalle vêlage-vêlage « classique » de douze mois (lot témoin) ou allongé à dix-huit mois. Afin de rationnaliser le travail, les deux lots étaient conduits en vêlages groupés sur trois mois: à l’automne pour les vaches du lot « lactations douze mois » et à l’automne ou au printemps selon l’année pour le lot des lactations « allongées ».
Au niveau alimentaire, les vaches — avec un niveau de production annuel attendu autour de 8 500 kg — avaient à leur disposition 15 ares d’herbe pâturée, du maïs ensilage toute l’année et 900 à 1000 kg de concentré par an. Principaux résultats et analyse de Benoît Portier, du pôle herbivores des chambres d’agriculture de Bretagne.
Un peu moins de lait mais un peu plus de taux protéique
Sur l’ensemble de l’essai, les vaches aux lactations allongées ont produit en moyenne 8 000 kg de lait par an, soit 500 kg de moins (-6 %) que celles du lot témoin. Leur production de matière utile était également plus faible, mais dans une moindre mesure, ce qui, au final, a permis d’obtenir un TP (à 32,7g/kg) un peu supérieur à celui du lot témoin (31,8 g/kg). Le taux butyreux, lui, était sensiblement identique dans les deux lots. « La baisse de production annuelle observée pour les vaches du lot «lactations dix-huit mois » concernait surtout les multipares. Les primipares, elles, ont eu une très bonne persistance. Leur production a même dépassé celle des multipares à partir de la 52e semaine de lactation. »
Santé, reproduction : pas d’amélioration
La diminution du nombre de vêlages pour les vaches aux lactations allongées n’a pas engendré de baisse des problèmes sanitaires. Le nombre d’évènements sanitaires — 5,6 par vache en moyenne sur les six ans — était identique dans les deux lots. « Par contre, la nature des problèmes rencontrés était un peu différente. »
Les vaches du lot « lactations 18 mois » ont été moins touchées par les problèmes péripartum, notamment les fièvres de lait. «Mais elles ont eu davantage de boiteries, notamment au cours de la seconde partie de l’essai. »
Dans le contexte de vêlages groupés de l’exploitation, l’allongement des lactations n’a pas non plus permis d’améliorer les résultats de reproduction. La réussite en première insémination était un peu meilleure pour les laitières en lactation allongée. Mais, au final, le taux de vaches fécondées sur les trois mois de la période de reproduction était de 79 % pour le lot « dix-huit mois » et de 85 % pour le lot « douze mois ».
« Ces résultats moyens masquent cependant d’importantes disparités. Au cours des trois premières années d’essai, les résultats de reproduction du lot » dix-huit mois « étaient supérieurs à ceux du lot « douze mois ». C’est l’inverse qui a été observé les trois années suivantes, particulièrement la dernière année avec une baisse assez sensible de la fertilité des primipares. »
Autre constat: la santé des mamelles s’est davantage dégradée pour les vaches en lactations longues : 28 % d’entre elles étaient ainsi infectées(1) au tarissement, contre 17 % dans le lot « lactation douze mois ». A contrario, le pourcentage de vaches saines au tarissement était de 59% dans le lot « lactations douze mois », contre 53 % pour les vaches en lactations longues. « L’incidence sur la qualité du lait est cependant restée très limitée. » Le taux de guérison au tarissement, à 85 %, était identique dans les deux lots.
Les clés du succès
■ Il est possible d’allonger les lactations jusqu’à un intervalle vêlage-vêlage de dix-huit mois sans pénaliser les résultats économiques.
■ Cet allongement peut répondre à de nombreux objectifs. Il peut notamment éviter de tarir des vaches qui produisent encore plus de 20 kg de lait par jour. En période de conjoncture laitière favorable, repousser le tarissement permet de livrer un peu plus de lait. Allonger la lactation de certaines vaches peut aussi répondre à un souci d’organisation, en permettant, par exemple, d’avoir une période sans vêlage. Enfin, même si cette pratique n’améliore pas la fertilité globale du troupeau, « elle peut néanmoins permettre à l’éleveur de conserver certaines vaches qui l’intéressent en leur donnant des chances supplémentaires de féconder ».
■ Toutes les vaches ne peuvent pas forcément faire des lactations longues. «Mieux vaut réserver cette pratique à de fortes productrices ayant une bonne persistance en lactation, saines au niveau cellules et sans problème de morphologie (pattes, mamelle), capables de supporter un allongement de la lactation sans entrainer de frais sanitaires supplémentaires. »
■ Le niveau de la ration doit aussi être adapté à ces animaux avancés en lactation. « Il doit être suffisamment énergétique pour soutenir la production et éviter un tarissement anticipé, mais pas trop pour ne pas entraîner les animaux à « faire du gras ». Un objectif de ration à 0,9 UFL/kg MS et 100 g PDI/kg MS est à rechercher », estime Gérard Losq, du pôle herbivores des chambres d’agriculture de Bretagne.
■ La diminution du nombre de vêlages consécutive à l’allongement des lactations limite le temps de surveillance nécessaire et les risques sanitaires associés au vêlage. Par contre, la baisse du nombre de veaux peut réduire le « vivier » de génisses disponibles pour le renouvellement. Dans tous les cas, il est nécessaire pour éviter un vieillissement excessif du troupeau de maintenir un taux de réforme suffisant, supérieur à 20 % par lactation.