Vers une renationalisation des autorisations des OGM dans l'UE
La proposition de la Commission européenne risque de créer d'importantes distorsions de concurrence au sein de l'UE et reste encore floue sur les éléments à apporter pour refuser un OGM
Après la culture, c'est l'utilisation des OGM, autrement-dit le droit d'importation et d'incorporation dans l'alimentation, qui pourrait être acceptée ou refusée par chaque État membre de l'UE. Et ce, indépendamment de la position bruxelloise ou de ses voisins. « Ce qui va changer, c'est qu'une fois qu'un OGM aura été autorisé à l'échelle de l'UE pour une utilisation dans l'alimentation humaine ou animale, les États membres pourront refuser qu'il soit utilisé dans leur chaîne alimentaire », annonce la Commission européenne (CE) dans un communiqué du 22 avril.
États membres livrés à eux-mêmes en cas de refus
Si le Parlement et le Conseil valident cette proposition, chaque État membre pourra ainsi refuser l'introduction d'un OGM dans la chaîne alimentaire. Mais il devra prouver que ce refus n'enfreint ni le droit de l'UE, notamment les principes du marché intérieur, ni les règles du droit international, en particulier de l'OMC. Et pour cela, seuls des motifs légitimes, autres motifs que l'atteinte à la santé ou à l'environnement (examinés à l'échelle européenne) pourront être invoqués, précise la CE. Des éléments peu sécurisants du point de vue du droit. Dix variétés (1 maïs, 5 sojas, 1 colza et 3 coton) ont reçu l'autorisation de la Commission le 24 avril, et 7 ont été renouvelées (2 maïs, 1 colza et 4 cotons).
Unanimité contre le texte
La CE a beau présenté cette proposition comme un « assouplissement » des règles donnant « plus de liberté » aux États membres, cette mesure est surtout ressentie comme l'abandon de la politqiue commune en matière d'OGM par la filière agricole. Pour l'Institut des biotechnologies végétales, le commissaire Junker a refilé « la patate chaude » aux États membres. À l'image du Snia le 8 avril dernier, l'IBV regrette que Bruxelles renonce au principe de marché commun. Le Copa-Cogeca se dit, quant à lui, contre toute forme de renationalisation. Côté politique, les commissaires français Pierre Moscovici et Karmenu Vella jugent que le projet n'assure pas assez de garanties juridiques aux États membres qui refuseraient d'autoriser des OGM. De son côté, l'administration américaine aurait été très occupée à combattre le projet dans les couloirs de Bruxelles, selon une source proche du dossier.