Vers une mutation de la physionomie du marché mondial du blé dur ?
La hausse des prix mondiaux du blé dur redonne de l'attractivité à cette culture. De grands producteurs céréaliers, tels que la Russie, l'Inde et le Kazakhstan, pourraient en profiter.

Avec une production de blé dur en repli de 20 % d'une année sur l'autre et une qualité fortement dégradée (seulement 13 % de qualité grade 1 et 2, contre 58 % en moyenne sur diz ans), la situation au Canada, responsable de 60 % des échanges mondiaux, explique en grande partie la tension sur les marchés. Mais des pays traditionnellement producteurs de blé tendre pourraient réduire cette suprématie, selon les experts présents à la 17e journée du blé dur, qui s'est déroulée le 5 février à Tours.
L'Inde, le Kazakhstan et la Russie : un fort potentiel« La production de blé dur est restreinte en Inde, mais les surfaces sont en augmentation, passant de 450.000 ha en 2005 à 800.000 ha en 2014, grâce au développement de l'irrigation, à la recherche variétale... », explique Yannick Carrel, chargé d'études économiques au sein d'Arvalis. Le spécialiste rappelle que, grâce au progrès technique, la production indienne de blé tendre est passée de 70 Mt à plus de 90 Mt en six ans. Et le potentiel est grand sur le blé dur, les rendements étant actuellement aux alentours de 2 t/ha.
Si la Russie est encore déficitaire, avec 400.000 ha dédiés, « le gouvernement souhaite devenir autosuffisant. Et Barilla, implanté dans les zones de production russes, souhaite moderniser la filière afin de pouvoir s'y approvisionner », confie l'expert. De son côté, le Kazakhstan dispose d'1 Mha de surface. Malgré des contraintes logistiques certaines, comme l'accès difficile à la mer Caspienne, « les conditions pédoclimatiques lui permettent d'avoir des taux de protéines supérieurs aux nôtres. Par ailleurs, le pays travaille sur de nouvelles variétés et techniques de production, telles que la rotation, afin de régler leurs problémes d'érosion des sols. » Et de conclure que « si les rendements de ces pays progressent, ne serait-ce que d'1 t/ha, cela pourrait engendrer d'importantes conséquences sur le marché mondial. »
Le Mexique tire son épingle du jeuHonneur au Mexique cette année, désormais 2e exportateur mondial de blé dur. Sa production est stable, n'ayant pas connu de problème particulier. « Le pays a la chance de récolter et de commercialiser très vite, à partir de la 2e quinzaine de mai », souligne Xavier Rousselin, responsable de l'unité Marchés des grandes cultures chez FranceAgri-Mer. Les zones de production sont en effet très proches des ports. Par ailleurs, les conditions pédoclimatiques sont très favorables, donnant des produits vitreux et secs, à seulement 8-9 % d'humidité. Ainsi, les acheteurs turcs et algériens se sont précipités sur l'offre mexicaine cette année. Et il est possible que ce soit également le cas pour la présente campagne. Notons que la stratégie d'exportation du Mexique dépend beaucoup du niveau des prix du maïs. « Si le maïs est très haut, le blé dur reste sur le marché intérieur pour être donné aux animaux. Dans le cas contraire, il est exporté », détaille l'économiste.