Validation en France des 8 % d'incorporation de biodiesel
Après de longues discussions, la France autorise l'incorporation de biocarburant dans le gazole à hauteur de 8 % en volume. Si les producteurs de biodiesel se réjouissent, les raffineurs de carburant sont sceptiques.

C'est officiel depuis le 3 janvier 2015. Il est désormais possible en France d'incorporer au maximum 8 % de biodiesel en volume dans le gazole (en termes techniques, on parle d'Esters méthyliques d'acides gras ou Emag), selon l'arrêté du 31 décembre 2014, modifiant celui du 23 décembre 1999 relatif aux caractéristiques du gazole et du gazole grand froid. Estérifrance, le syndicat français des transestérificateurs d'huiles végétales, de graisses animales et d'huiles usagées, salue la démarche. « C'est une bonne nouvelle, témoigne Kristell Guizouarn, sa présidente. Cela permettra d'accomplir en partie les objectifs fixés dans le cadre de la transition énergétique. »
Cette loi pourrait engendrer une hausse de la demande en graines, en huiles végétales et en graisses animales usagées, selon les échos du marché. Mais des inquiétudes persistent quant à l'attitude des raffineurs pétroliers.
L'Europe travaille déjà sur la possibilité de passer à un taux d'incorporation de 10 %.
” L'Ufip, l'Union française des industries pétrolières, indique dans un communiqué datant du 9 janvier « qu'en autorisant ce niveau d'incorporation de 8 %, la France déroge à la norme européenne EN590 qui garantit aux utilisateurs de gazole les mêmes spécifications dans l'ensemble des pays de l'Union européenne ». Cette norme autorise un taux d'incorporation à 7 %. Ainsi, les distributeurs ne proposant que des produits à 8 % « seraient dès lors entraînés à fournir un produit qui n'est pas conforme aux conditions d'application des garanties des constructeurs européens d'automobiles et de poids lourds ».
Néanmoins, « la norme EN590 constitue seulement un cadre global. En cela, elle n'est nullement contraignante, répond Kristell Guizouarn. Chaque pays européen peut donc s'adapter à son contexte. » Par ailleurs, le taux d'incorporation à 8 % est un taux maximum. Rien n'oblige les producteurs de carburant à en incorporer autant. L'objectif national reste celui fixé par la loi de finance du 1er janvier 2014, à savoir un taux de 7,7 % en énergie. Plus précisément, 7 % proviennent d'Emag, dont le Diester, et les 0,7 % des Esters méthyliques d'huiles animales (ou Emha) et des Esters méthyliques d'huiles usagées (ou Emhu), à hauteur de 0,35 % en énergie, mais pouvant être comptabilisés deux fois.
Les constructeurs automobiles européens inquietsLes décalages entre les réglementations européennes et françaises ne sont pas nouveaux. En 2008, la France autorise le passage d'un taux d'incorporation de 5 % à 7 %, alors que la norme européenne reste bloquée à 5 %. Il faut attendre l'année 2009 pour que l'UE applique un taux de 7 %. Il est également à noter que « depuis 2008, l'Europe travaille sur la possibilité de passer à 10 %. Le rythme européen est plus lent. Le B8 est en réalité une norme temporaire, le temps que le B10 sorte », explique Kritell Guizouarn.
L'ACEA, l'Association des manufacturiers européens de l'automobile, rejoint la position de l'Ufip. Dans un communiqué publié le 12 janvier, elle fait savoir « qu'une déviation à la norme EN590 n'est ni dans l'intérêt des consommateurs de l'UE, ni dans celui de l'économie de l'UE. Cela mènera à une inutile complexification et à des surcoûts dans la logistique et l'approvisionnement, en raison de la prolifération des diesels en Europe. » Certains constructeurs, notamment allemands, seraient sceptiques concernant la tenue à froid d'un carburant incluant un taux de 8 % de biodiesel.
En vue de garantir une bonne tenue à froid des biocarburants produits et de rassurer les constructeurs automobiles, un nouvel indicateur a été ajouté dans l'arrêté du 31 décembre 2014 modifiant celui du 30 juin 2010 relatif aux caractéristiques des Esters méthyliques d'acides gras (Emag). Il précise que la teneur en esters saturés dans du gazole doit être de 30 % maximum en été, et de 16 % en hiver. Pour faire simple, plus la quantité d'esters saturés présente dans un carburant est importante, moins sa tenue à froid est bonne. À titre illustratif, le biocarburant produit à partir d'huile de palme contient 50 % d'esters saturés, contre seulement 8 % pour celui produit à partir de colza.
Pour répondre à cette dernière inquiétude, la réglementation française a été renforcée (cf. encadré). Par ailleurs, si l'ACEA est réticente, ce n'est pas le cas des principaux constructeurs français, notamment Renault et Peugeot, également membres de l'association. Dans un communiqué datant de mars 2014, « les constructeurs français indiquent que le bénéfice de la garantie constructeur sera préservé pour les véhicules neufs et du parc circulant. Le mode de distribution de ce carburant B8 peut être banalisé. »
Le Diester, produit à partir d'huile de colza français, dispose d'une meilleure tenue à froid que les carburants produits à partir d'huiles de palme ou de soja. Ces derniers, subissant un hydrotraitement (traitement à l'hydrogène), sont produits à l'étranger. « Le renforcement de la loi donnerait donc la possibilité d'augmenter la production de biodiesel à partir de produits français », souligne Kristell Guizouarn.