Chine
Une croissance agricole en sursis
Le pays a fortement endommagé ses facteurs de production. La volonté de Pékin d'évoluer vers un modèle agricole plus durable se heurte aux intérêts parfois divergents des gouvernements locaux.
Si la production de céréales n'a cessé de croître depuis 2004, la baisse des facteurs de produc-tion, à savoir l'eau et les terres ara-bles, préoccupe au plus haut point le gouvernement de l'empire du mi-lieu. « En 2014, le ministère de la Terre et des Ressources naturelles chinois a publié un rapport estimant que 20 % des terres agricoles sont polluées », explique “ Marie-Hélène Schwoob, chercheuse à l'Iddri, l'Institut du développement durable et des relations internationales, lors d'une conférence à Paris le 27 janvier.
Des politiques publiques aux effets discutables
De nombreux soutiens à la production de grains ont été attribués ces dernières années : subventions aux intrants, aides directes payées à l'hectare, création d'un système de prix garantis... Mais ces mesures ont eu des impacts qui menacent la production du pays. Les aides aux intrants, incluant pesticides et fertilisants, sont les principaux responsables de la pollution des sols et des eaux. « Les producteurs chinois épandent en moyenne 500 kg/ha de fertilisants, contre 100 à 120 aux États-Unis et en Europe », précise Marie-Hélène Schwoob. Il faut dire que les ressources sont faibles. L'empire du milieu ne dispose que de 7 % des terres arables mondiales, pour nourrir 19 % de la population du globe ! Et l'achat de terres à l'étranger ne semble pas être la so-luttion privilégiée. Le gouvernement central a donc récemment pris des mesures afin de ” réduire l'impact environnemental de l'agriculture et les pertes de terres agricoles. Et ce d'autant plus que la demande en sécurité sanitaire s'est accrue, suite à diverses crises qui ont secoué le pays. Depuis 2008, la surface dédiée aux terres agricoles ne doit pas être inférieure à 120 Mha dans le pays. « Les études réalisées sur le sujet ne s'accordent pas toutes, mais selon la majorité, cette limite serait atteinte voire dépasser aujourd'hui », s'alarme la chercheuse. La principale cause est l'attitude des gouvernements provinciaux.
Près de 20 % des terres agricoles chinoises sont polluées.
Concilier croissance agricole et croissance économique
Les pouvoirs locaux sont jugés essentiellement par Pékin sur des critères de croissance économique. « Des critères d'évaluation des impacts environnementaux ont été inclus récemment, mais convaincre les producteurs locaux de changer leur manière de travailler n'est pas chose facile », témoigne l'experte. Or, l'agriculture ne constitue qu'un faible levier de croissance dans certaines régions. Ainsi, lorsqu'un promoteur immobilier souhaite acquérir des terres arables de qualités, les pouvoirs locaux ne s'y opposent pas si la proposition est élevée. « Ils s'organiseront pour trouver des terres dans des contrées plus éloignée, mais moins productives, afin de respecter les quotas », précise-t-elle. Et ce d'autant que les ressources fiscales dans les provinces agricoles ont été supprimées. En 2006, Pékin ôte les taxes et la TVA sur les produits agricoles, afin d'améliorer les revenus des producteurs. « Mais cette mesure a privé les collectivités locales d'une source de revenus conséquente, les incitant à urbaniser les terres productives », indique Marie-Hélène Schwoob.
Le thème de la production agricole n'est pas pris à la légère par le gouvernement chinois. « Depuis 2004, les politiques publiques ont presque toujours traité en priorité les milieux ruraux et agricoles », indique Marie-Hélène Schwoob, chercheuse à l'Iddri. C'est depuis cette date que la balance commerciale agricole chinoise est devenue négative. L'objectif était donc simple : augmenter la productivité des terres agricoles, spécialement en blé, en riz et en maïs, afin de nourrir une population de 1,3 milliards d'individus.