Industries agroalimentaires
Une année 2014 en trompe l'œil
Le Crédit Agricole a publié son Observatoire 2014 des entreprises de l'agroalimentaire. Il constate des difficultés persistantes et un niveau d'investissement faible.
Sans marquer de rupture profonde avec 2013, l'année 2014 s'est révélée particulièrement compliquée pour l'ensemble des filières de l'agroalimentaire. C'est ce que révèle le dernier Observatoire des IAA, publié par le Crédit Agricole. Dans les grandes lignes, la tendance en 2014 montre une baisse du chiffre d'affaires n'empêchant pas une amélioration de la rentabilité. « Mais ceci est en trompe-l'œil, parce que plusieurs paramètres jouent dans des sens divergents. D'un côté, la volatilité des matières premières n'est pas favorable aux entreprises et pèse sur la rentabilité industrielle et, de l'autre, l'effet CICE joue à plein et apporte globalement des résultats en amélioration sur l'ensemble des filières », souligne François Moury, directeur du pôle Agroalimentaire de Crédit Agricole SA. Concernant la volatilité des matières premières, « la filière Métier du grain enregistre une chute de 7,5 % de son chiffre d'affaires. Compte tenu de son poids dans les IAA et de son impact sur le coût des productions animales, la retombée des cours des céréales explique la quasi-totalité de la baisse du chiffre d'affaires IAA », indique l'étude. De fait, en 2014, la moyenne des prix des céréales était de 145 euros la tonne contre 168 €/t en 2013, et les prix étaient également très élevés en 2012.
Recul des marchés émergents
En parallèle, « les marchés à l'international qui avaient été un formidable levier de croissance depuis 2011, essentiellement pour les leaders, montrent les premiers effets du ralentissement économique dans les pays émergents », souligne Philippe Chapuis, directeur de l'agroalimentaire chez Crédit Agricole SA. « En quatre ans, entre 2009 et 2013, la part du chiffre d'affaires international avait augmenté de 4,5 points en 2014, elle perd 0,5 point », lit-on dans l'Observatoire.
À noter que le chiffre d'affaires (CA) à l'international des IAA en 2014 englobe l'export et les ventes réalisées par les filiales à l'étranger. Cette tendance témoigne aussi de l'importance des leaders sur les marchés à l'export.
En effet, les entreprises affichant un CA supérieur à 1 Md€ réalisent les 3/4 de cette activité. « Avec un CA à l'international en retrait de 1,6 %, elles portent l'essentiel (60 %) du recul des ventes réalisées hors de France, aux côtés des entreprises moyennes de vins tranquilles (-9 %) et collecte-appro (-30 %). Exposées aux risques monétaires, elles ont subi la baisse de l'euro constatée en 2014. »
Conséquence de l'amélioration de la rentabilité observée en 2014, ces mêmes entreprises présentent un meilleur profil de risque, puisque 46 % d'entre elles sont qualifiées en « risque faible » en 2014, (43 % en 2013). Mais si le nombre de sociétés en pertes diminue de 6 % sur un an, le niveau global des résultats négatifs est en hausse de 7 %, et se concentre autour d'un nombre plus restreint, avec cinq entreprises qui représentent 50 % du déficit. Les disparités entre filières et en leur sein même sont donc importantes.
Les petites entreprises (2/10 M€ de CA) réussissent à conserver leur niveau de CA et de rentabilité. Elles font partie de celles qui ont les outils les plus amortis, certes vieux mais entretenus. Leur force est d'être positionnées sur des produits locaux et des marchés de niches. Elles talonnent les leaders en termes de rentabilité qui, même si ils ont perdu 0,5 point entre 2012 et 2014, restent à un niveau d'Ebitda de 7,5 % satisfaisant. Les entreprises qui rencontrent le plus de difficultés, sont celles qui affichent un CA compris entre 500 M€ et 1 Md€. Présentes sur des produits de grande consommation, sans marques fortes, elles subissent la pression des donneurs d'ordre sur les MDD, et leurs outils industriels manquent de flexibilité.
Moins d'investissements
« Le phénomène s'est encore accentué par rapport à 2013. Or, ce sont les investissements d'aujourd'hui qui font la rentabilité de demain », rappelle F. Moury. « Pour la troisième année consécutive, les entreprises des IAA ont in-vesti l'équivalent de 18 % de la valeur ajoutée réalisée durant l'année », alors que ce taux était de 31 % sur la période 2001-2011, indique le Crédit agricole. Le pire concerne la filière animale, notamment viande, où l'investissement est très faible, autour de 12 %/13 % de la valeur ajoutée, contre 19 % dans les IAA.« Le plus inquiétant, c'est qu'il ne s'agit pas d'un problème d'argent », relève F. Moury selon lequel les capacités d'investissements existent, mais les entreprises manquent de visibilité. « L'endettement de la filière est très peu élevé, avec 1,5 année d'Ebitda ». Un manque d'investissement qui renforce le risque, de voir certaines sociétés se déliter jusqu'à mourir… en bonne santé. « Les entreprises vont disparaître sans faire de bruit, sans problèmes financiers, mais avec des problèmes sociaux », explique-t-il. Autre conséquence, les filières en difficulté qui ont des outils industriels trop vieux ne peuvent en aucun cas intéresser un repreneur potentiel.