Biocarburants
Une année 2008 cruciale pour l’éthanol
Les pétroliers dénoncent de nouveau le caractère trop ambitieux des objectifs français sur la filière éthanol. Le bras de fer continue…
CARBURANT. Pétroliers et professionnels de la filière éthanol ont organisé chacun de leurs côtés leur première conférence de presse 2008. L’occasion pour les uns et les autres de reprendre leurs marques.
Ebranlés par le discours du président de la République lors du Grenelle de l’environnement et agacés d’avoir vu les véhicules flex-fuel écartés du bénéfice de l’écopastille, les professionnels de la filière bioéthanol française ne désespèrent pas de trouver grace aux yeux du gouvernement lors du premier semestre 2008. Les filières agricoles misent notamment sur les résultats des travaux du Comité opérationnel énergies renouvelables (Comop EnR), l’un des 33 comités lancés par le gouvernement pour rendre opérationnelles les conclusions du Grenelle. Le 27 mars se tiendra l’ultime réunion du Comop EnR au cours de laquelle seront arrêtées les propositions au gouvernement.
Le dossier biocarburants sera à l’ordre du jour, et la profession agricole tentera d’y faire valider plusieurs points : l’introduction des véhicules flex-fuel dans la catégorie des voitures bénéficiaires de l’écopastille, et la "revalidation" des objectifs de la charte de développement du bioéthanol signée fin 2006.
Mobilisation générale
D’ici là, tous les outils sont mobilisés, dont celui de la communication en direction du grand public. Les acteurs de la filière bioéthanol avaient ainsi organisé une conférence de presse où ils ont vanté les atouts de leur carburant végétal. Un carburant qui bénéficie d’une bonne image selon un sondage Ipsos, réalisé en février 2008. À la question " Seriez-vous prêt à utiliser des biocarburants et notamment le bioéthanol pour lutter contre le changement climatique ? ", la réponse est oui à 86 %. En outre, 37 % des sondés se disent " tout à fait d’accord " et 43 % " plutôt d’accord " pour étudier lors d’un prochain achat de véhicule l’option flex-fuel fonctionnant au bioéthanol. Cette bonne image n’est pas un hasard, soulignent les professionnels. Ils rappellent qu’une unité énergétique de pétrole génère 3,5 unités énergétiques d’éthanol, contre 0,87 pour la production d’essence classique. « Le développement de la filière permettra de créer ou maintenir 5.000 emplois en zone rurale à l’horizon 2009, et participe à l’objectif d’indépendance énergétique », explique Alain d’Anselme, le président du SNPAA. « Un hectare de betteraves à 80 tonnes, c’est 8.000 litres d’éthanol, soit 100.000 km », lance Alain Jeanroy, directeur général de France Betteraves, pour marquer les esprits.
« Et il n’y a pas d’inquiétude à avoir du côté des surfaces agricoles disponibles », ajoute-t-il. Le respect de l’objectif d’incorporation de 7 % de bioéthanol dans les essences en 2010 nécessitera d’y consacrer 223.000 ha de céréales (blé-maïs) et 40.000 ha de betteraves, soit respectivement 2,5 % et 12 % des surfaces consacrées à ces cultures. La remise en culture d’une partie des jachères, la hausse de la productivité et la diminution attendue des surfaces de betteraves à usage alimentaire (800.000 ha entre 2005 et 2010 en Europe) permettront d’assurer la production « sans mobiliser de nouvelles terres » et « sans impact majeur sur le prix des matières premières agricoles », souligne Jean-François Loiseau, vice-président de l’union de coopératives Agralys.
Attentes des engagements politiques
Les professionnels de l’éthanol ont également répondu aux industriels du pétrole qui, la veille, avaient déclaré qu’il leur serait sans doute difficile d’atteindre les objectifs d’incorporation de 5,75 % en 2008. « Oui, c’est difficile, c’est contraignant, mais c’est possible », a tenu à dédramatiser Alain d’Anselme.
« Jusqu’à maintenant, les objectifs ont été réalisés et le stimulus de la TGAP (une pénalité s’imposera aux distributeurs de produits pétroliers en cas de non-respect des seuils d’incorporation) aura son effet », estime le président du SNPAA. Pour lui, tous les carburants utilisant de l’éthanol devront être mobilisés pour tenir les objectifs : l’ETBE (47 % d’éthanol et 53 % d’isobutylène), l’E5 (5 % d’éthanol) et l’E85 (85 % d’éthanol). « Pour aller au-delà, il faut ouvrir les facilités d’emploi de l’éthanol en incorporation directe », a t-il ajouté. Une allusion directe au souhait de la filière de voir la réglementation européenne autoriser un nouveau type d’essence, l’E10, pouvant contenir jusqu’à 10 % d’éthanol. La filière française espère une révision de la directive communautaire concernée « durant l’été », avant une transposition en France à l’automne.
Les prochains mois s’annoncent donc décisifs pour l’avenir de la filière éthanol.
L’E85 en question
Après une année 2007 décevante avec des ventes de véhicules flex-fuel au-dessous des espérances et un nombre de pompes E 85 loin des objectifs fixés, 2008 devrait être « une année charnière » pour le superéthanol E 85, selon les professionnels du secteur.
La mise en place du dispositif gouvernemental de bonus-malus défavorable aux véhicules à essence pourrait freiner le développement de cette filière. Les professionnels veulent toutefois rester confiants. Le bilan de la première année de cette filière naissante se révèle décevant, mais les céréaliers-éthanoliers y croient encore. Les 3 550 voitures flex-fuel vendues en 2007, selon le Syndicat national des producteurs d’alcool agricole (SNPAA) (2 777 immatriculations officielles selon le Comité des constructeurs français d’automobiles), n’ont représenté qu’une goutte d’eau (0,66 % des véhicules particuliers) sur un marché de 1,525 million de véhicules. Un chiffre au-dessous des espérances de plusieurs dirigeants de la filière céréalière, qui tablaient sur 5.000 à 8.000 unités.
Charte sur le bioéthanol
Plus d’un an après son lancement en grande pompe, en novembre 2006, par le gouvernement Villepin, la charte pour le développement du superéthanol E85, signée entre les agriculteurs, les producteurs d’éthanols, les constructeurs d’automobiles et les distributeurs de carburants, n’a pas rempli tous ses objectifs. Principal problème : le nombre de pompes délivrant de l’E85 dans les stations-service. Prévues entre 500 et 600 fin 2007, elles n’étaient que 191 au 31 décembre !
Si la grande distribution a globalement respecté son objectif de 150 pompes (Carrefour en tête), les pétroliers sont au contraire montrés du doigt. Selon le SNPAA, Total s’était engagé à mettre en place entre 200 à 275 pompes en 2007. Le groupe français n’en a ouvert que 34 ! Les constructeurs signataires de la charte 2006 ont pour leur part respecté leurs engagements.