Blé tendre
Un stock de report record à 5,8 Mt ?
Lors de son conseil spécialisé Céréales, le 13 janvier, FranceAgriMer a corrigé à la hausse son estimation de stock final en blé tendre français pour la campagne 2015/2016.

Il faut remonter à l'époque de l'Intervention pour retrouver des niveaux de stocks de report en blé tendre comparables à celui que pourrait connaître cette campagne 2015/2016. Avec un stock final estimé par FranceAgriMer à 5,782 Mt pour cette campagne 2015/2016, ce serait un record en France depuis la libéralisa-tion du marché céréalier, la moyenne des cinq dernières années se situant autour de 2,6 Mt. Une progression qui s'explique d'abord par un record de production en France l'an dernier et par un contexte international très concurrentiel, au regard de l'importance des volumes mon-diaux, d'une compétitivité de l'offre française amoindrie et de l'arrivée de nouveaux acteurs sur le marché de l'exportation.
Exportations en berne vers les pays tiers et davantage vers l'UE
Proche des 20 Mt sur 2014/2015, les exportations de blé tendre français pourraient perdre près de 1 Mt cette année. Vers les pays tiers, la France ne s'en tirerait pas si mal que ça, avec 11,3 Mt de ventes estimées par FranceAgriMer contre 11,5 Mt l'an dernier. La France avait bénéficé de conditions conjoncturelles particulières l'an passé, avec notamment une parité euro/dollar très favorable et la mise en place de taxes à l'export russes, qui avaient dopé nos expéditions.
Vers l'UE en revanche, la baisse des volumes exportés sur 2015/2016 serait bien plus franche, avec 7,045 Mt contre 7,940 Mt pour 2014/2015, soit un retrait de 11,3 %.
Par rapport au mois dernier, l'estimation de ventes vers les pays membres de l'UE a reculé de 440.000 t, compte tenu « de la prise en compte de la concurrence britannique en blé fourrager », qui disposerait d'un « excédent de 3,5 Mt » et « de volumes très compétitifs », selon Olivia Le Lamer, responsable de l'unité Grandes cultures chez FranceAgriMer. À noter également une baisse de l'utilisation en amidonnerie-glute-nerie dans le nord de l'UE. Côté pays tiers, les 200.000 t perdues depuis les estimations de décembre dernier correspondent en partie à la baisse des exportations françaises vers l'Égypte. L'Argentine y a contribué, avec une vente réalisée vers le premier consommateur de blé mondial le 23 décembre dernier (le dernier achat de blé argentin par l'Égypte remontait à 2012, selon FranceAgriMer). Le retour sur le marché mondial du blé de cet exportateur (qui a choisi de réduire ses taxes à l'export fin 2015) pourrait d'ailleurs porter préjudice à l'origine française. « La compétitivité des blés argentins est bien présente », et ce, sur « l'ensemble des débouchés », explique Olivia Le Lamer, le pays disposant de blés de qualité basse, intermédiaires et à 12,5 % de taux de protéines. De quoi alimenter tout type de demande. « Nos attentes vers l'Asie, certes peu élevées, ne se concrétiseront pas », projette-telle.
Quid de la rétention en culture et chez les OS ?
La rétention de volumes ne saurait expliquer le retard pris au niveau de l'export. Il est vrai que « la rétention n'aide pas à l'allégement des stocks et la prise de marché », comme l'a souligné Olivia Le Lamer, mais « il ne faut pas croire que toute la collecte est à la ferme », a assuré Rémi Haquin, président du conseil spécialisé Cé-réales de FranceAgriMer. « Les agriculteurs commercialisent 50 à 55 % de leurs volumes en prix moyen, comme d'habitude. La différence cette année, c'est l'importance des stocks », estime-t-il. Par ailleurs, du côté des organismes stockeurs (OS), « certains ont acheté des volumes en culture à des prix plus élevés en juin/juillet » qu'au moment où les opportunités sur le marché mondial se présentaient par la suite. « On ne s'attendait pas à avoir autant de blé sur le marché l'été dernier », justifie Rémi Haquin.
Une remontée des cours des céréales, peu attrayants pour l'instant, pourrait motiver les producteurs et les OS à offrir davantage de marchandises, et alléger le bilan de fin de campagne. Mais à part un incident climatique, de préférence hors de nos frontières, peu d'élements fondamentaux penchent envers une reprise d'ici la fin de campagne.