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Biocarburants
Un développement controversé

Des questions taraudent certains acteurs à propos de l’essor de l’or vert

INTERROGATIONS. Un vent d’inquiétudes semble se lever sur le secteur des biocarburants. Disons que les questionnements à leur égard se multiplient. Premier constat, en quelques mois, le débouché de l’alimentaire est devenu très attractif pour des producteurs de blé ou de colza, alors que les prix et les revenus n’étaient pas au beau fixe depuis une dizaine d’années. Conséquence pour le débouché des biocarburants, l’euphorie serait retombée et des agriculteurs hésiteraient désormais à s’engager dans cette voie.

Un manque de visibilité sur les disponibilités à l’international

Les soucis actuels concernent surtout le manque de transparence des marchés à court et moyen termes et le besoin de sécuriser les approvisionnements. « La question majeure est de savoir comment va évoluer l’année 2008 », s’inquiète Fabien Hillairet, expert biocarburants au Boston Consulting Group. Sur le biodiesel, « les investisseurs s’alarment surtout des apports en huiles, les besoins mondiaux étant croissants », estime-t-il. En France, « la filière est un peu en surcapacité ». Il va falloir l’alimenter. La moindre information relative à l’état des disponibilités peut avoir des conséquences parfois dangereuses pour le marché, comme ce phénomène de hausse brutale du cours de l’huile de palme, il y a quelques semaines, dès l’annonce de « retards de deux ou trois bateaux », témoigne-t-il encore. En aval, le prix du biodiesel est stable, ce qui pose le problème de la rentabilité des unités industrielles. « En Espagne et en Italie par exemple, certains industriels connaissent déjà de sérieuses difficultés. À l’international, d’ici cinq ans, des producteurs de biodiesel vont faire faillite. » C’est ce que montreraient de récentes analyses du BCG effectuées à l’international.

Dans l’Hexagone cette fois, autre imprudence, « beaucoup d’agriculteurs avaient investi dans des presses, pensant revendre un jour de l’huile en France », indique Fabien Hillairet, « mais la plupart ne fonctionne pas ». Mauvaise maîtrise du marché des huiles – surtout à l’export – et auto-consommation plus coûteuse que l’utilisation de diesel défiscalisé semblent avoir dissuadé les plus conquérants.

La logique est la même pour la filière

bioéthanol. « Partout dans le monde une réduction des marges est en train de se produire ». Le prix de l’éthanol a tendance à baisser tandis que les cours du blé et du maïs continuent à grimper, sinon campent sur des niveaux élevés. « Des unités sont proches de la banqueroute aux États-Unis et les investisseurs s’affolent sur les capacités de demain », précise Fabien Hillairet. Or, si la progression des cours des matières premières peut mettre en péril les unités industrielles, c’est surtout le positionnement de ces firmes sur le marché qui sera décisif. « Les russes investissent massivement dans l’éthanol et sont en train de développer une activité de trading en Europe de l’Est. Il va falloir être vigilent sur la concurrence » argumente Fabien Hillairet.

Relativiser les écarts de prix

Pour Jean-François Loiseau, spécialiste du dossier biocarburants chez Passion Céréales, « nous devons continuer à motiver les agriculteurs à s’engager dans la filière, à leur montrer que cette voie est rémunératrice ». Un céréalier français qui produit du blé n’a en général engagé que 5 à 10 % de sa production totale pour le débouché du bioéthanol, soit un « équivalent jachère ». Il n’y a donc pas d’incidence sur la rémunération à la production. Idem pour la filière biodiesel. Pierre Cuypers, président de l’Association pour le développement des carburants agricoles, rappelle que « la voie sûre et organisée depuis longtemps est celle du diester, avec des contrats fixés ». Sur du colza, le prix est payé à l’agriculteur au minimum 95 % du prix du colza destiné à l’alimentaire.

En parallèle, « il est nécessaire que les outils industriels tournent à plein régime. Il faut que l’E5 et l’E10(mélange composé de 10 % d’éthanol et de 90 % d’essence, ndlr) se développent en France. Si l’éthanol est aspiré vers le haut, les prix des céréales payés aux agriculteurs vont grimper aussi », explique Jean-François Loiseau. En France, le problème, aujourd’hui, est que « l’éthanol n’est pas à son juste prix car il est verrouillé sur le marché par un seul acheteur ». Une piste pourrait permettre de redorer l’attractivité de la filière, celle de la modification juridique de la réglementation européenne rendant possible l’incorporation directe d’éthanol. Les distributeurs pourront alors « acheter du bioéthanol en direct sans passer par les pétroliers ». « On se doit de développer les biocarburants de première génération, afin de réduire la facture pétrolière de ce pays » poursuit Pierre Cuypers. Et d’indiquer, d’après une étude conjointe avec l’OniGC, que l’objectif d’incorporation de 10 % de biocarburants dans les carburants fossiles en 2015 « laissera encore des terres disponibles » à cette date.

Difficile de trouver un consensus et de développer sereinement les filières lorsque d’un côté, des associations environnementales ou d’autres organisations (cf. encadré) s’opposent aux biocarburants tandis que la profession agricole continue à les promouvoir. Quant aux entraves réelles, « il serait peut-être plus intéressant de fouiller auprès du lobby pétrolier » suggère Pierre Cuypers. En effet, comme le détaille David Kiley dans un article paru le 1 er octobre pour le magazine américain BusinessWeek, « même si elle empoche des milliards à travers les subventions, l’industrie pétrolière essaie de garder l’E85 loin des réservoirs des conducteurs ». C’est surtout l’éthanol incorporé en direct qui est visé, car il représente un marché qui échappe aux compagnies pétrolières, contrairement à l’ETBE. Le directeur du développement agricole du groupe pétrolier Total, Jacques Blondy, vient d’ailleurs d’annoncer que les objectifs européens fixés pour développer les biocarburants étaient « impossible à atteindre » car « la ressource est limitée », le coût des biocarburants « est peu compétitif » et les caractéristiques techniques demandées sont « exigentes ».

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