Tecaliman ouvre la porte à l'innovation
Le centre technique Tecaliman a consacré son 27e symposium annuel au potentiel d'innovation disponible, qu'il soit technique, technologique, lié aux matières premières, voire aux capacités d'analyse. Un sujet qui a attiré du monde, prouvant ainsi l'ambition et le potentiel du secteur.






Quelque 135 professionnels s'étaient déplacés le 22 mars au Palais des congrès de Nantes pour le symposium annuel de Tecaliman consacré à l'innovation. « L'innovation peut avoir plusieurs sources, mais l'une des plus importantes est certainement la rencontre entre des personnes dans un système pluridisciplinaire, explique son directeur Fabrice Putier. En ce sens, la structuration de Tecaliman en réseau de professionnels est déjà un réceptacle favorable à la démarche d'innovation. » Le centre technique, dont les adhérents représentent désormais 100 % des tonnages d'aliments pour animaux, s'étend d'ailleurs à l'international mais aussi à tous les secteurs du vrac alimentaire.
Une R&D renouvelée
L'alimentation animale est un terrain d'innovation. Le groupe InVivo NSA, avec sa “Maison de l'innovation”, l'illustre en appliquant la méthode du “design thinking” à des besoins aussi spécifiques que la mesure de la taille des extrudés pour faciliter la tâche des ouvriers de ses usines vietnamiennes, grâce à la reconnaissance d'image via smart-phone. « Le “Design Lab” est un département d'exploration des nouveaux usages liés aux technologies innovantes qui a pour principale fonction d'impliquer l'utilisateur final via des prototypes successifs, dans le processus d'innovation », explique Vincent Sincholle, directeur de cette structure “agile”. Impliquer les clients, c'est également ce qu'a fait Bühler en constituant un groupe de cinq utilisateurs majeurs en Europe (dont Le Gouessant) pour dessiner et produire une nouvelle presse plus économe en énergie, plus facile à nettoyer… Bref, une presse idéale du point de vue de ses utilisateurs. Mais l'innovation en alimentation animale passe aussi par de nouvelles matières premières : algues et insectes notamment. Antoine Hubert, président d'Ynsect dont la première “Ynfarm” va ouvrir cette année à côté de Dole (cf. n°4149 p.5), précise : « Dans un contexte de pénurie des ressources, de croissance démographique, de destruction de l'environnement et de dépendance à la nourriture, de nouvelles solutions de production de ressources alimentaires doivent être exploitées. » L'objectif de l'entreprise, fondée en 2011, est de concevoir et d'exploiter des unités de valorisation de la biomasse par les insectes. La technologie mise en œuvre a donné lieu à neuf brevets et utilise des outils de robotique avancée.
Vers de nouveaux services
« Les nouvelles technologies sont également utilisables pour proposer de nouveaux services », explique Daniel Trocmé, responsable Innovation et marketing d'Adventiel. Ainsi, placer de simples beacons (ces tous petits émetteurs transmettant par bluetooth) sur un silo peut fournir au fabricant d'aliments une information sur le niveau de remplissage et faciliter la prise de commande par suggestion à l'éleveur et, donc, faciliter l'organisation de production dans l'usine. « Les objets connectés constituent une extension du système d'information de l'entreprise en collectant les données et peuvent lui permettre de prendre un avantage compétitif. La société peut en effet se différencier grâce à l'analyse de données, proposer des services innovants à ses clients et fournir de nouveaux vecteurs d'efficacité à ses salariés. »
Grâce à l'analyse de données, la société peut se différencier par de nouveaux vecteurs d'efficacité ou des services innovants.
La question des usages est un autre champ ouvert. Ainsi, le petfood propose des formes de croquettes différentes selon la race des chiens pour prendre en compte non seulement leurs besoins nutritionnels, mais aussi leur capacité de préhension. « Je me suis toujours demandé pourquoi nous faisions toujours des granulés tubulaires, que ce soit pour un poussin ou pour une vache laitière », lance même Fabrice Putier... Une nouvelle voie de travail pour les technologues ?
Dans un tout autre champ, les nanotechnologies ouvrent aussi d'impressionnants horizons. Eléna Ionescu, chercheuse à l'Université technologie de Troyes, développe, par exemple, des biocapteurs dont les applications – notamment pour le dosage de glucose dans le sang des diabétiques – sont entrées dans le quotidien. Ceux-ci existent aussi en sécurité alimentaire : détection de salmonelles ou d'OGM, mesure de la concentration en antibiotiques. Ces nouveaux outils analytiques présentent l'avantage d'être spécifiques, utilisables en multidétection, pour des dosages rapides, stables et répétables.

Professeur au Cnam et à l'École polytechnique, Gilles Garel est également l'auteur du livre La fabrique de l'innovation dont la deuxième édition sort début avril. Pour lui, l'innovation qui était localisée et plutôt ponctuelle se généralise et s'accélère. Elle peut s'exprimer dans deux cadres, une innovation plutôt incrémentale dans un système réglé à partir d'idées connues ou dans un système innovant, dans lequel l'identité des objets et des usages est en rupture, voire les cibles de l'innovation inconnues comme l'illustre le cas de la montre swatch. Ses créateurs ont transformé la montre en un accessoire interchangeable, comme une cravate ou une boucle d'oreille, et inventé la montre “bon marché de qualité Suisse”, grâce à des allers-retours entre la connaissance parfois puisée dans d'autres secteurs (plasturgie) et les concepts (bon marché/qualité suisse).