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« Si, demain, nous ne pouvons plus exporter nos céréales sur le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest, capter de nouveaux marchés ne sera pas chose facile », déclare Jean Simon d’Atlantique céréales

Jean Simon, directeur général d’Atlantique céréales, revient sur les faits marquants de la récolte 2024 et sur le déroulement de la campagne 2024-2025. Cette union de commercialisation, qui regroupe aujourd’hui cinquante négociants répartis sur la moitié ouest de la France, a la charge de mettre en marché 1,8 Mt sur cet exercice commercial, contre 2,3 Mt en 2023-2024 et 2 Mt en 2022-2023.

Jean Simon, directeur général d’Atlantique céréales
Jean Simon, directeur général d’Atlantique céréales.
© Atlantique céréales

La Dépêche - Le Petit meunier : La récolte 2024 restera dans les mémoires comme l’une des plus mauvaises jamais engrangées. Comment est-on arrivé à cette situation ?

Un fait marquant depuis plusieurs années est le dérèglement climatique. Si les conditions météorologiques qui ont abouti à la récolte 2023 n’ont pas été idéales partout, celles de la récolte 2024 ont été encore plus mauvaises. Les accidents climatiques s’enchaînent. Et je n’ai pas l’impression que l’on va retrouver un jour un climat « normal ». 

Des aléas climatiques de plus en plus fréquents

Le volume de grains collecté par Atlantique céréales pour la campagne de commercialisation 2024-2025 (récolte 2024) devrait être en repli de 15 à 20 % d’un exercice sur l’autre, à 1,8 Mt, en raison de conditions climatiques désastreuses qui ont pénalisé les semis des cultures d’hiver et les récoltes des cultures d’été. Quant à la qualité de la récolte 2024, elle a été globalement mauvaise.

Lire aussi : « L’excès pluviométrique de cet hiver est source d’inquiétude », déclare Jean Simon d’Atlantique céréales

LD-LPM : Quelles sont les conséquences de ces aléas climatiques à répétition sur l’amont de la filière agricole ?

Une des conséquences de la répétition de ces aléas climatiques, c’est la fragilité économique des agriculteurs, notamment ceux spécialisés dans les céréales et autres oléagineux, les éleveurs s’en sortant mieux. La baisse des prix des céréales, et ce, de façon plus importante que ceux des engrais, a détérioré la situation financière des céréaliers français. Et la campagne 2024-2025 ne fera qu’empirer leur situation économique, au vu des faibles volumes récoltés, tous produits et toutes régions confondues. 

Une fragilité économique de l’amont de la filière agricole

Sur notre territoire, concernant la récolte 2024, les semis de blé ont été très compliqués sur toute la zone et les rendements mauvais partout. S’agissant des cultures de printemps, les récoltes de tournesol, de maïs, de soja et de sorgho se sont effectuées dans la douleur, avec des récoltes très tardives et des frais de séchage supplémentaires pour l’agriculteur. 

Les céréaliers font vivre toute la filière, et les années où il n’y a pas de volume sont néfastes pour tout le monde, de l’agriculteur au collecteur de grains. S’agissant d’Atlantique Céréales, jusqu’à la récolte 2023, toutes les structures de négoce s’en sortaient financièrement parlant, avec des bilans positifs, mais avec la récolte 2024, il se murmure des résultats négatifs pour certaines d’entre elles, ce qui est vraiment très inhabituel. Cela veut dire qu’à la fois l’agriculteur souffre, et le négociant également. 

La situation économique du négociant s’explique, d’une part, par le fait qu’afin de rester compétitif par rapport à ces concurrents, les marges à la tonne de grains, prélevées à l’agriculteur en souffrance, n’ont pas suffisamment augmenté au regard de la hausse des coûts de l’énergie, par exemple. Et d’autre part, le manque de volume pèse sur le chiffre d’affaires : il est plus rentable de faire passer 15 000 t de grains dans un silo de 10 000 t que 8 000 t. Il serait vraiment très profitable à tous les opérateurs de l’amont que la récolte 2025 soit bonne en volume et que les prix des céréales ne baissent pas !

LD-LPM : Comment se déroule la campagne de commercialisation 2024-2025 ?

Une autre crainte sur la campagne 2024-2025 concerne la perte de parts de marché de la France sur ses clients traditionnels à l’exportation, à l’image de l’Algérie actuellement. Ce phénomène a commencé à la récolte 2016 dont les faibles volumes de blé en France avaient alors conduit l’Afrique de l’Ouest à se tourner vers les blés issus du pourtour de la mer Noire, la Russie en tête. Elle y a pris goût et, depuis, on note une contraction de nos exportations vers ces pays. 

Des pertes de parts de marché à l’export sur pays tiers en blé

A moyen terme, cette dynamique est inquiétante car les pays africains, du Maghreb comme d’Afrique de l’Ouest, absorbent une bonne partie du surplus français, et si, demain, on ne les a plus, il va nous falloir capter de nouveaux marchés, en étant compétitif sur les prix, ce qui se fera au détriment de la filière française. Par ailleurs, on se rend compte qu’à l’export, en plus du critère primordial du prix, la géopolitique influence malheureusement de plus en plus les échanges commerciaux. La Russie pèse ainsi énormément sur les flux.

J’ai l’impression que plus ça va et plus les portes se ferment à l’export. Cette année, vu que l’on a moins de blé à exporter, peut-être que cela se verra moins. Mais une année où l’on va retrouver un potentiel d’export normal sur pays tiers de 10 Mt de blé, il va falloir trouver des solutions pour les vendre. Cela étant dit, la France a toujours réussi à surmonter les difficultés, et j’espère que l’on va encore y arriver.

LD-LPM : Les céréales bio perdent plus de 4 700 ha, les oléagineux près de 17 000 ha et les protéagineux 2 000 ha à l’échelle nationale, selon l’Agence bio. Quel est, selon vous, l’avenir des grandes cultures bio en France ?

Un dernier fait marquant de ces deux dernières années concerne les filières à valeur ajoutée, comme le bio. Les consommateurs ont changé son fusil d’épaule et, face à la hausse des prix des produits alimentaires en magasin, ont privilégié des produits moins chers que ceux soumis à des cahiers des charges plus pointus les rendant plus chers. 

Des filières à valeur ajoutée en difficulté

Si je prends l’exemple de l’agriculture biologique, cela a été une catastrophe assez monumentale pour les agriculteurs en grandes cultures. Après l’avoir mise en péril en soutenant une croissance trop rapide de la production, la baisse de la consommation, en lien avec la montée en flèche de l’inflation, consécutive au conflit armé russo-ukrainien, a détruit la filière céréalière bio française en l’espace de deux ans.  « Entre les récoltes 2023 et 2024, cela a été le coup de bambou, avec la perte de près de 20 % des exploitations hexagonales en céréales bio. »

Actuellement, on commence à manquer de céréales bio. Même si la consommation de produits bio a reculé, la production a tellement chuté que l’on va se retrouver dans un marché de pénurie, ce qui sera certes bénéfique aux agriculteurs bio survivants car ils vont être rémunérés à leur plus juste valeur. Mais il n’en reste pas moins que la filière française est sinistrée, et qu’il sera difficile de relancer une vague de conversion en grandes cultures bio sans une reprise durable de la consommation. Je crains que la France se fournisse à moindre coût dans les Etats-membres de l’Est de l’Union européenne.

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