Revenus agricoles : une hausse en trompe-l'œil
La Commission des comptes de l'agriculture a livré le 3 juillet une photographie des revenus agricoles. En dépit d'un redressement (+7,6 % du résultat courant avant impôts – RCAI – par rapport à 2013), le revenu agricole de 2014 est en retrait de 15 % par rapport à la moyenne des trois dernières années.

La statistique nationale du revenu agricole ne consolera pas les exploitants qui manifestaient le 2 juillet, lors d'une « nuit de la détresse ». En effet, malgré une hausse constatée par les experts du ministère de l'Agriculture de 7,6 % en 2014 par rapport à 2013, et plus encore par l'Insee qui évoque +20,8 % (cf. encadré), la tendance générale est médiocre. Analysés par secteur, la plupart des résultats sont en baisse ou quasiment stables par rapport à 2013. Seules la viticulture, la production laitière, l'aviculture et la production d'ovins-caprins s'affichent à la hausse. Pour les autres activités, la baisse des prix a pesé lourd dans une balance orientée à la baisse. Plus encore, si l'on compare 2014 par rapport aux trois précédentes années, c'est une réduction de revenu de 15 % qui est constatée. Plus encore, depuis le début du siècle, les revenus agricoles, sur le long terme, s'affichent en très légère baisse (-1 %).
Une croissance en lien avec le renchérissement des prix des céréales en fin d'année.
” La hausse de 7,6 % du revenu 2014 tient elle-même à peu de choses. En décembre, il était même question, dans une estimation prévisionnelle, d'une réduction de 5 %. Depuis, les statisticiens ont ajusté le prix payé pour les céréales car ils avaient augmenté en toute fin d'année. Conséquence : la baisse de revenu des céréaliers a été beaucoup moins forte que prévu. Ce changement statistique a été quasiment la seule cause transformant une baisse générale de revenu, tous secteurs confondus, en une hausse de 7 %. Du côté des céréaliers, on estime d'ailleurs que leurs revenus sont surévalués. En effet, les statisticiens ne considéreraient que les prix des blés meuniers alors que l'an dernier une partie importante a dû être vendue comme blés fourragers, bien moins payés.
L'investissement en baisseGlobalement, les revenus 2014 incluent des bonnes mais aussi de mauvaises nouvelles. Parmi les bonnes nouvelles, le redressement de la valeur ajoutée agricole. Ce dernier est rendu possible par la réduction des consommations intermédiaires et surtout une augmentation du volume de la production. Mauvaises nouvelles en revanche : les prix payés aux producteurs sont en baisse (-8,3 % pour les productions végétales et - 0,8 % pour les productions animales). Autre mauvaise nouvelle, l'investissement est en baisse de 4,6 % en volume. Un signe qui n'est pas favorable à la veille d'une dérégulation des marchés agricoles en Europe. Enfin, l'excédent agroalimentaire est en recul de 2 Md€ en 2014 sur 2013. De plus, l'excédent en produits bruts issus de l'agriculture, de la sylviculture et de la pêche est de 2,6 Md€, en recul de 1,6 Md€ par rapport à 2013. Tout cela dénote une situation préoccupante pour la “ferme France” même si la situation trouve son origine dans une baisse des prix mondiaux.
Grande cultures : les prix compensent les volumesLes productions céréalières ont beau avoir été performantes au niveau des volumes en 2014, rien n'y a fait : les prix, inscrits en baisse, ont absorbé une grande part du revenu des cultivateurs. Ils ne se sont redressés qu'en fin d'année, justifiant une baisse de revenu moins forte que celle prévue en décembre. À cela s'ajoute un climat qui a plutôt dégradé la récolte en matière de taux de protéine, justifiant le déclassement d'une forte quantité de blés meuniers en blés fourragers. C'est aussi un des facteurs qui expliquent la baisse du prix du maïs. En revanche, pour les oléagineux, le surplus de production fait plus que compenser la baisse de prix de marché. C'est dans une moindre mesure, ce qui s'est passé pour les protéagineux. En revanche, la forte réduction de prix des betteraves sucrières a plus que compensé l'augmentation de production.
L'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) a appelé « à la plus grande prudence » dans l'usage des chiffres présentés le 3 juillet par le ministère de l'Agriculture et par l'Insee, dans un communiqué de presse daté du même jour. Les deux organismes présentent des chiffres largement différents quant à l'évolution du revenu des agriculteurs en 2014 par rapport à l'année précédente : +20,8 % pour l'Insee, + 7,8 % pour le ministère de l'Agriculture. Mais l'élément essentiel pour l'APCA, concerne l'importante révision des comptes entre les versions prévisionnelles de décembre 2014 et provisoires de juillet 2015. L'APCA y voit l'illustration du « contexte d'instabilité économique dans lequel évolue l'agriculture française aujourd'hui, notamment en termes de volatilité des prix ».
Une baisse du revenu des céréaliers de 11,9 % en 2014/2015.
” Conséquence : le revenu issu des productions de céréales a baissé de 11,9 % en 2014/2015 et de 23,1 % pour les cultures générales (betteraves, pommes de terre, etc.), selon les statisticiens.