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Volatilité
Relativiser l’impact des financiers mais réguler tout de même

Le poids des financiers sur les marchés est indéniable mais reste difficile à évaluer. Sa progression éventuelle justifierait une régulation.

L’étude d’impact des fonds d’investissement sur les prix agricoles lancée par Pluriagri tente de répondre à la délicate question : « Quel est le besoin de régulation financière ? » Jean Cordier, professeur à Agrocampus Ouest, est l’auteur de l’étude dont le travail est « empirique » et « original ». Il rappelle que la « régulation est un difficile exercice d’équilibre ». Elle a des implications différentes selon le type de marché : le physique ou spot, le marché à terme, ou de gré à gré sur les options. Selon lui, les investissements dans les fonds agricoles représentent 20 à 25 Md $ contre un total de 750 Md $ d’investissements dans 2.500 fonds. De quoi relativiser l’impact des fonds d’investissement dédiés aux produits agricoles dans le désordre financier mondial.

Plus que la finance, le manque d’offre est responsable de la volatilité pour D. Nedelec
« Il faut retirer la tension des marchés ! », a lancé Didier Nedelec, directeur d’InVivo Marchés des grains, lors du colloque Pluriagri du 2 novembre. Le vrai sujet est le développement de la production agricole face à une demande mondiale qui augmente. C’est le faible niveau des stocks qui crée la tension sur les marchés et provoque cette volatilité des prix, explique-t-il. Pour preuve, « les investissements dans les fonds financiers de produits agricoles s’élèvent au grand maximum à 35 milliards de dollars », minore-t-il. Un chiffre qui équivaut tout de même à la valeur de la production européenne de blé, mais qui ne serait pas suffisant pour considérer que la spéculation financière pèse lourd sur les marchés agricoles. Pour Wayne H. Smith, de l’Autorité des marchés financiers, « les produits agricoles ne sont pas les plus financiarisés » contrairement au pétrole !

Une régulation financière « nécessaire »
Bernard Valluis, président délégué de l’ANMF, relativise. Il rappelle que les marchés de gré à gré de matières premières ont considérablement augmenté en volume. « Et la financiarisation aussi », souligne-t-il. Ce qui met tout le monde d’accord est le rôle de la Pac dans la régulation. Elle a joué un rôle de protecteur pendant trente ans. « La variation des prix était de 1 % : on était de grands traders à l’époque », s’amuse Didier Nedelec. Aujourd’hui, la donne a changé. Et la régulation financière est vue comme une « nécessité » lorsque le marché est considéré comme « déficient ». Le « signal économique » est mauvais en raison de « biais », de « bulles financières », de « volatilité excessive », dans le cas d’abus de position, ou de « création de risque systémique » comme lorsqu’un gros courtier fait faillite !

La volalitité induite par les investisseurs peut encore se développer
L’analyse de Pluriagri met en avant l’impact croisé des fonds d’investissement sur les prix agricoles. « Il y a un biais, résume Jean Cordier. Il faut le prévenir par une régulation ». A la question « cet impact est-il excessif ? », Jean Cordier répond « qu’actuellement, la volatilité liée aux investisseurs semble faible mais qu’elle peut toujours se développer ». Des études complémentaires (empiriques et théoriques) seront nécessaires pour affiner cette analyse, a fait savoir l’auteur. A l’interrogation « cet impact peut-il se dissiper de lui-même ? », l’étude précise que « l’innovation financière peut toujours le ranimer ». En clair, le pire n’est jamais sûr mais le risque perdure. Sur les marchés de gré à gré (OTC), l’idée « personnelle » de Jean Cordier est de « créer une autorisation de mise en marché mondiale des fonds sur les produits agricoles ». Il s’agit donc de faire des analyses préalables avec des vérifications d’efficacité. Sur le marché spot, l’étude de Pluriagri propose d’interdire aux fonds d’investissements de détenir des actifs physiques mais aussi des contrats commerciaux.

L’exemple américain
Sur les marchés à terme, « une régulation générique traditionnelle serait au mieux sans effet » avance Jean Cordier. Il considère que « la régulation des marchés à terme par les limites de positions générales des opérateurs est un faux débat » avec « de forts risques de déplacement de problème ». Par contre, il préconise « une meilleure information publique sur des catégories d’opérateurs plus homogènes ». Il y a, selon lui, urgence d’une classification dans l’Union européenne compatible avec les États-Unis. « Prenons la régulation américaine et appliquons-la en Europe », propose Didier Nedelec, pragmatique. « Nous, dans nos contrats, on fait du marketing ! », lance-t-il en condamnant notamment l’utilisation de sigles qui ne veulent pas dire la même chose dans tous les pays d’Europe. Pour Jean Cordier, il y a besoin « d’une régulation adaptative et non statique ». Par exemple, le fonds d’investissement de produits agricoles dédiés au maïs ne touche pas le prix du maïs, a démontré Jean Cordier. Rien n’est simple. « La régulation se doit donc d’être innovante ». Pas moins.

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