Récoltes de blé OK, revenus des céréaliers KO
Si l'AGPB se félicite des volumes et de la qualité du cru 2015 de céréales à paille, de fortes inquiétudes émergent concernant les revenus des céréaliers.

« Le produire plus et mieux se concrétise cette année. Dépasser les 40 Mt de blé produit annuellement fait partie de notre stratégie », a lancé Philippe Pinta, président de l'AGPB, pour introduire son intervention, lors de la conférence de rentrée organisée par l'association des producteurs le 27 août à Paris.
Des revenus à seulement 16.400 € en 2015
Mais l'optimisme a été de courte durée. Philippe Pinta a déploré « des revenus 2015 des Scopeurs toujours en berne par rapport à l'an dernier », estimés à environ 16.400 € par la Commission des comptes de l'agriculture de la Nation, contre 16.000 € l'an dernier, sur la base d'un prix moyen de blé tendre payé au producteur de 154 €/t.
Des agriculteurs mobilisés par le plan Protéine, mais des résultats encore peu visibles.
Les raisons évoquées à cette stagnation sont la baisse des prix du blé depuis juillet, et le repli des récoltes d'oléagineux et de maïs notamment, conséquence de la sécheresse. Aussi, « la baisse des ”coûts de production par hectare —qui passent de 1.539 €/ha en 2014 à 1.503 €/ha en 2015, selon une enquête menée par Agreste et Arvalis — est compensée par la progression des redistributions des paiements de la Pac », selon le communiqué de presse de l'association.
L'AGPB appelle les céréaliers à manifester le 3 septembre
Le président de l'AGPB a dénoncé « les normes nationales superflues, qui plombent la compétitivité française. Il faut dégager l'horizon des exploitations céréalières. Nous serons donc présents le 3 septembre pour manifester avec la FNSEA. » En détail, l'association des producteurs souhaite un gel du niveau actuel de 5 % du prélèvement effectué sur l'enveloppe des paiements directs-hectare, dits de base, permettant de financer la surprime aux 52 premiers hectares des exploitations françaises. Selon Philippe Pinta, le gouvernement prévoirait d'augmenter ce prélèvement à 10 % l'an prochain. Elle demande également un déblocage de la mesure agro-environnementale et climatique Grandes cultures en zones intermédiaires, où « d'énormes inquiétudes existent sur les rendements, qui se dégradent année après année », selon le président de l'AGPB, ainsi que de nouveaux assouplissements du régime de dotation pour aléas (DPA). Elle réclame un moratoire sur la fiscalité (taxes, redevances sur les intrants), une accélération des procédures concernant l'implantation d'élevages, notamment sur les exploitations céréalières. Enfin, « il y a des choses à faire en commun entre éleveurs et céréaliers à propos de la méthanisation », estime-t-il.
Il faut approfondir les études concernant les capacités d'adaptation des plantes.
Côté production, le président de l'AGPB a rappelé que la qualité de la collecte est bonne, avec d'excellents PS, et qu'actuellement, 46 % des blés possédaient des taux de protéine supérieurs à 11 % (cf. brève p. 6). Dominique Chambrette, vice-président de l'AGPB, s'est montré enthousiaste : « Depuis 1998, on assistait à une stagnation voire une baisse des rendements. L'Inra et Arvalis estimaient que 2/3 des pertes étaient liées au changement climatique. Avec un rendement record et une qualité au rendez-vous, alors que la canicule a démarré mi-juin, cette année peut servir de leçon. On va devoir revoir tout cela. » Il faudra, par exemple, approfondir les études concernant les capacités d'adaptation des plantes, notamment face au réchauffement climatique, selon lui. Enthousiasme toutefois tempéré par Rémy Haquin, l'autre vice-président, qui, sans contredire son interlocuteur, estime qu'il n'y a pas eu de canicule, mais plutôt une sécheresse.
Des taux de protéines stables d'un an sur l'autre
« Les résultats ne sont pas encore définitifs, des données restent à compiler, en provenance du Nord essentiellement. Mais globalement, les taux de protéines devraient être stables par rapport à l'an dernier », détaille Rémi Haquin. Concernant le plan Protéine, Philippe Pinta estime que « les producteurs sont mobilisés, mais nous n'avons pas obtenu les résultats escomptés en 2015. La sécheresse a ”eu un impact. (…) Il y a encore des choses à peaufiner, notamment au niveau des outils d'aide à la décision. » La directive Nitrate freine également les progrès, selon les experts présents (cf. encadré).
Selon le 5e plan d'action, le calcul de la dose d'azote prévisionnelle est obligatoire dans les zones vulnérables, dont le périmètre vient d'être étendu. Ce calcul est basé sur un objectif de rendement plafonné à la moyenne olympique des cinq années précédentes (en enlevant le plus élevé et le plus faible). « Une véritable machine à baisser la production », dénonce Nicolas Ferenczi, responsable Économie et Affaires internationales au sein de l'AGPB. « Sauf si l'on utilise un outil de pilotage, prévu par la réglementation, qui permet de corriger en partie ce problème », tempère-t-il. Cependant, ces outils sont encore peu utilisés et « les Pouvoirs publics manquent de réactivité : ils tardent à agréer ces outils et à permettre leur utilisation dans les zones d'alimentation de captage, malgré l'urgence et malgré nos efforts pour les promouvoir ».