Production
Quels sont les leviers d’adaptation des exploitations après 2013 ?
L’organisation des exploitations va devoir évoluer pour plus de compétitivité
LA MAÎTRISE DES COÛTS n’est pas la seule variable d’ajustement permettant d’améliorer la compétitivité des exploitations agricoles françaises. C’est le message qu’ont essayé de faire passer les représentants de CER France, Arvalis et Pluriagri lors du colloque “ Producteurs de grandes cultures : proactifs et réactifs ” qui s’est tenu à Paris le 2 février.
Une forte dépendance aux aides directes
Le revenu courant avant impôts des exploitations en céréales et oléoprotéagineux (COP) par actif familial varie selon les années, de 45.500 € en 2007, à 15.200 € en 2009 d’après le ministère de l’Agriculture. En France, les aides directes par exploitation COP représentent, en moyenne, 109 % du revenu courant avant impôt entre 2007 et 2009. Mais, toujours selon le ministère, ce chiffre est tombé à 73 % en 2007 et pourrait s’établir à 219 % pour l’année 2009, où les prix de vente ont été particulièrement bas alors que les coûts d’intrants sont restés constants.
Afin de faire face à la réallocation des aides à l’agriculture dès 2013, il est nécessaire de modifier les trajectoires issues du passé afin de pouvoir piloter les exploitations dans des conjonctures incertaines et d’adopter les innovations dans les systèmes de cultures.
Adopter de nouveaux pas de temps en agriculture
Pour Philippe Boullet, directeur de CER France, “ les échelles de temps ont changé ”. Ainsi, le raisonnement de la préservation du potentiel agronomique serait désormais une problématique se gérant à long terme dans une optique de valorisation du patrimoine. La pérennité économique de l’entreprise, ainsi que la création de valeurs, se réfléchiraient à moyen terme, et le court terme serait dédié à la rentabilité des moyens de productions. “ Il faut penser les variations à trois ans en faisant des paris réalistes ” déclare Philippe Boullet en introduisant la notion de prix pivot autour duquel une variation de 15 % est possible, car, pour lui, “ il est nécessaire de déterminer un tunnel de prix à l’intérieur duquel les investissement réalisés seront amortis sans inquiéter la pérennité des activités de l’exploitation ”.
Une nouvelle vision de l’exploitation
Pour améliorer la capacité d’adaptation des entreprises agricoles, Jean-Marie Seronie, responsable veille économique CER France, propose une nouvelle approche de l’entreprise agricole en déconstruisant l’unicité hommes/sol/matériel. Cette vision unique est remplacée par un triptyque composé de trois projets distincts. Un projet entrepreneurial concernant la stratégie commerciale, la gestion des contrats et les investissements immatériels permettant de valoriser les activités de l’entreprise sur les marchés agricoles, environnementaux ou touristiques. Un projet technique prenant en compte les investissements matériels, l’optimisation des coûts et la gestion des sous-traitances multiples afin d’utiliser au maximum les installations et le matériels, ainsi que d’aller à la recherche de nouveaux clients. Un projet patrimonial considérant une valorisation à long terme des
propriétés et des capitaux.
Cette vision rénovée de l’entreprise agricole permet de nouvelles perspectives, notamment en terme de flexibilité. Car si dans l’ancien modèle les possibilités d’adaptation sont marginales et ne jouent que sur l’entraide, la copropriété, et la contractualisation de certaines prestations, cette perspective entrepreneuriale permet une séparation de l’exploitation en divers secteurs d’activités. Ainsi, la mise en commun complète des surfaces COP entre plusieurs agriculteurs au sein d’une unité distincte permet de libérer du temps pour les activités de diversifications telles que le maraichage, les productions animales, les services... Cependant des voix s’élèvent pour une adaptation des réglementations en France, notamment fiscales, afin de faciliter ce type d’associations.