Production et export de grains en mer Noire revus à la baisse
La production cumulée de l'Ukraine, de la Russie et du Kazakhstan est projetée à 164 Mt en 2015/2016, contre 180 Mt la campagne précédente. Les exportations totales des trois pays passent, dans le même temps, de 70 Mt à 64 Mt.

Peu de surprises pour les participants de la XIIe conférence internationale Black Sea Grain, organisée par UkrAgroConsult à Kiev les 22 et 23 avril. Les productions de grains des trois pays de la zone mer Noire (Ukraine, Russie, Kazakhstan) pour la campagne commerciale 2015/2016 sont revues à la baisse, passant de 180 Mt en 2014/2015 à 164 Mt en 2015/2016. L'export suit naturellement ce mouvement à 64 Mt, contre 70 Mt en 2014/2015.
L'Ukraine dans l'œil du cyclone
En cause ? Les situations économiques difficiles de l'Ukraine et de la Russie. « L'Ukraine est actuellement dans l'œil du cyclone », lance Alex Morgun, analyste chez UkrAgroConsult. L'expert se réfère à la (très) relative accalmie des tensions dans l'Est du pays, de la légère amélioration de la situation économique et des exportations, qui n'ont été pour le moment guère perturbées. « En 2014, la hryvnia avait chuté de près de 43 % par rapport au dollar. Au premier trimestre de l'année 2015, cette baisse s'élève aux alentours de 28 %. De son côté, l'inflation des prix à la consommation s'élevait à 24,9 % en 2014, contre 20,3 % sur janvier-mars 2015 », détaille l'analyste. Cependant, la situation pourrait brusquement basculer d'un côté comme de l'autre (cf. encadré).
Baisse de 40 % de l'import ukrainien de semences de maïs
Les indicateurs macroéconomiques sont pour le moment mauvais, avec un PIB par habitant de 2.021 $ en 2014, contre 3.966 $ en 2013. Le secteur agro-industriel s'en retrouve bien entendu affecté. On le rappelle encore, les producteurs locaux ont plus de mal cette année à se fournir en intrants. « Les importations de semences de maïs hybride étrangères en mars 2015 ont régressé de 40 % par rapport à mars 2014, et de 10 % par rapport à 2013 et 2012 », observe Mark Lindeman, analyste Productions agricoles des pays-tiers à l'USDA. Ainsi, les producteurs ukrainiens vont davantage se tourner vers les semences domestiques. Au total, « le coût des intrants en Ukraine a augmenté d'environ 200 %, si l'on inclut les produits phytos, les fertilisants ou les machines, en raison de la chute de la hryvnia face au dollar », s'alarme Elizaveta Malyshko, analyste du bureau ukrainien. Ce qui incite les agriculteurs locaux à faire l'impasse sur certains apports. La production ukrainienne de maïs pour 2015/2016 est projetée à 26 Mt (contre 28,5 Mt la campagne précédente), par Mark Lindeman, qui précise qu'il s'agit de ses propres chiffres et non ceux de l'USDA. Les surfaces passeraient de 4,6 Mha à 4,4 Mha, et les rendements de 6,15 t/ha à 5,91 t/ha. « Des chiffres volontairement optimistes. Si les conditions climatiques sont bonnes, l'Ukraine peut tout à fait atteindre ce niveau. » L'expert américain explique par ailleurs que, bien que les cours aient reculé, la culture reste attractive sur le plan économique, spécialement à l'export, grâce au dollar fort. Néanmoins, si un aléa climatique majeur venait à survenir, « la production pourrait tomber aux alentours de 22-24 Mt. Dès lors que la météo est mauvaise, les semences hybrides importées sont plus sûres, permettant de limiter les pertes », précise l'analyste américain. Ces données sont concordantes à celles d'UkrAgroConsult et d'autres analystes.
Recul des productions de blé et d'orge ukrainiennes
La production de blé tendre est revue en baisse de 3,8 Mt d'une année sur l'autre, pour tomber à 21 Mt en 2015/2016 (24,8 Mt en 2014/2015). Celle d'orge est estimée en recul de 3 Mt, à 6,5 Mt en 2015/2016. Les rendements passeraient à respectivement 3,13 t/ha et 2,24 t/ha en 2015/2016 (3,93 t/ha et 2,95 t/ha en 2014/2015). La baisse s'explique essentiellement par la sécheresse exceptionnelle en hiver. « Bien qu'en repli, la production reste bonne, l'année dernière ayant constitué un record. Par ailleurs, les pluies du printemps vont permettre de rattraper le bilan », estime Mark Lindeman.
Prolongation des taxes à l'export russe ? Pas si sûr !
La Russie se trouve dans une situation quelque peu similaire. « Les prix des pesticides et des semences ont progressé d'environ 40 % d'un an sur l'autre. Les taux d'intérêt sont élevés, à 20-25 %, et la sécheresse en 2014 a durement frappé les cultures », explique Mark Lindeman. La production de blé est espérée à 53 Mt en 2015/2016, (59 Mt en 2014/2015) et celle d'orge à 17 Mt (20 Mt en 2014/2015). Celle de maïs se stabiliserait, à 11,5 Mt (11,3 Mt en 2014/2015).
L'expert américain s'est par ailleurs montré optimiste quant à la possible prolongation des taxes à l'exportation de blé au-delà du 1er juin, hypothèse émise dernièrement par le gouvernement russe. « Tous les experts russes que j'ai consultés m'ont dit qu'ils ne voyaient pas la taxe se prolonger, car c'est dans l'intérêt contraire des producteurs locaux », avance-t-il. Réponse cet été.
Les experts présents ont tenu à rappeler l'impact mineur des combats dans l'Est de l'Ukraine sur la production de grains du pays. Selon les analystes d'UkrAgroConsult, les pertes de surface pour l'Ukraine dans les régions de Donetsk et de Lougansk s'élèveraient à 165 kha pour le blé, 55 kha pour l'orge, 40 kha pour le maïs et 185 kha pour le tournesol. Certaines infrastructures ont été détruites, engendrant localement des surcoûts de transport. Insuffisants cependant pour impacter significativement la production nationale. À l'avenir, bien que personne ne soit sûr de l'évolution du conflit, la plupart des experts s'accordent à dire que la production du pays ne devrait pas être trop touchée, espérant que les combats ne s'étendent pas significativement dans l'Ouest du pays.