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Fertilisation / Marché mondial
Place des fondamentaux agricoles et de l’énergie dans la hausse des coûts des engrais

Si la demande en matière première, et donc en engrais, participe au renchérissement des intrants, les prix de l’énergie jouent aussi un rôle, et plus particulièrement dans la production d’azote.

« A LA FIN JANVIER, on note une reprise de la consommation d’engrais azotés en France », indique Philippe Eveillard, responsable agriculture et environnement de l’Unifa, interprofession des industriels de la fertilisation. Cependant, selon lui, le deuxième apport d’azote de mars, sous forme d’ammonitrates, n’a pas encore été valorisé dans toutes les régions en raison du manque de précipitations. « L’actuelle sécheresse touchant les zones de production de grandes cultures en France fait craindre pour le troisième apport d’azote », signale Philippe Eveillard. En effet, le manque d’eau pourrait faire baisser les utilisations d’ammonitrates en France, car les granulés ont besoin d’eau pour se diffuser dans le sol, et le troisième apport sur céréales pourrait ne pas être nécessaire. Pourtant, malgré cette baisse attendue des utilisations, « les prix de l’azote ont presque doublé en un an, et ce malgré des prix favorables en juin », selon Philippe Eveillard. Certes, la hausse des cours de l’énergie a de l’influence sur la progression des cours des engrais, notamment de l’azote, mais les fondamentaux semblent plus directeurs que jamais.

Une demande soutenue pour les engrais azotés, notamment en Asie
    « Déjà, les échanges sur les marchés des engrais s’activent sur la nouvelle campagne 2011/2012, ce qui fait bouger les prix mondiaux », indique Philippe Eveillard. Il cite notamment l’exemple de l’urée qui constitue 51 % de l’utilisation de l’azote dans le monde. Selon lui, « si les prix de l’urée ont baissé jusqu’en mars, les cours se sont repris au mois d’avril avec une demande soutenue, notamment en Asie ». En France, les achats de fertilisants pour la campagne en cours auraient déjà été réalisés, ce qui devrait décaler en partie la hausse du prix des engrais aux utilisateurs sur la campagne 2011/2012. « La demande d’azote est plus vigoureuse en Asie qu’en Europe, en raison de besoins importants en céréales et de stocks bas », explique Philippe Eveillard. Ce dernier a cependant remarqué que la demande en engrais et solutions azotés en grandes cultures dans le monde est en train de revenir à un niveau moyen, déjà enregistré en 2005/2006, à 2,2 Mt en 2010/2011, selon les estimations de l’Unifa. « Ceci n’est pas exceptionnel, compte tenu de la hausse des surfaces semées sur la campagne actuelle », explique Philippe Eveillard. Cependant, en comparaison avec 2009, où la consommation mondiale d’azote agricole était tombée à 2,07 Mt dans le monde, en raison de prix relativement bas sur les céréales n’incitant pas à l’achat d’intrants par les agriculteurs, la reprise de la demande se fait sentir.

Un marché européen de l’azote dépendant du gaz russe
    Actuellement, la situation reste difficile pour les agriculteurs russes, car les baisses de production de céréales sur 2009/2010 et les prix bas sur le marché intérieur, suite aux restrictions d’exportations de céréales, ne leur permettent pas d’acheter les fertilisants nécessaires aux productions. Pourtant, « les usines de production d’azote en Russie bénéficient d’un prix du gaz avantageux pour la production d’azote », explique Philippe Eveillard. De fait, la Russie est un des acteurs majeurs de la production d’engrais azotés dans le monde compte tenu de la compétitivité de ses coûts de productions et de ses réserves en gaz naturel du pays. Rappelons que le gaz naturel représente environ 50 % du prix de l’ammonitrate et 80 % de celui de l’ammoniac. En revanche, l’Ukraine, dont la production d’azote dépend du gaz russe, ne bénéficie plus de prix avantageux de la part de son voisin. Ainsi, selon Philippe Eveillard, « des lignes de productions seraient arrêtées dans certaines usines ukrainiennes en raison d’un coût trop élevé du gaz ». D’après lui, si l’approvision-nement local ukrainien n’est pas menacé, ce sont les exportations du pays qui pourraient se réduire et tendre un peu plus le marché mondial. En France, les sites de production d’engrais azotés permettent de lisser les prix des ammonitrates. Cependant, Philippe Eveillard signale « que par le passé, les achats de gaz se faisaient souvent à six mois, mais que compte tenu de la volatilité des cours de l’énergie, les achats au prix “spot” se développent ». Ceci ayant tendance à accroître la volatilité sur le marché des engrais et à limiter la visibilité prix pour les producteurs d’azote, ainsi que pour les utilisateurs.

Selon les engrais, les situations de marchés diffèrent
    « L’azote est de plus en plus cher en sympathie avec l’énergie, et est en hausse régulière depuis une dizaine d’années », explique Dominique Villette, responsable du département fertilisant d’Invivo. Selon lui, l’énergie a un impact indirect sur le coût des engrais car des pays comme la Russie ont un gaz peu cher, mais vendent au prix mondial qui est guidée par la demande. « La demande en azote est soutenue, en hausse de 4 à 7 % par an, mais l’offre suit de la même façon », indique Dominique Villette. Selon lui, les cours de la potasse ont aussi tendance à progresser. En effet, « la potasse bénéficie d’une demande soutenue faisant face à deux ou trois fournisseurs dans le monde », indique-t-il. « Les prix sont en hausse depuis le début de l’année d’environ 15 $/t tous les deux mois. La hausse est notamment liée à la demande, estimée en hausse de 20 % en 2011, et d’un sourcing restreint », explique Dominique Villette. Enfin, en ce qui concerne les phosphates, « le sourcing est moins concentré, mais une demande soutenue maintient la fermeté des prix », indique Dominique Villlette. Cependant, selon lui, « une hausse de la production saoudienne de DAP (phosphate d’ammoniac) pourrait amener de la détente sur ce marché ». En effet, l’exploitation d’une nouvelle mine au nord du pays pourrait fournir 7 à 8 % du marché mondial, ce qui pourrait amoindrir la domination marocaine sur le marché des phosphates.

Une relation indirecte entre les cours de l’énergie et des intrants
    Malgré une relation indirecte entre les cours de l’énergie et ceux des engrais, un document du Centre d’études et de prospective du ministère de l’Agriculture intitulé “Prospective agriculture énergie 2030”, indique « qu’entre 2006 et 2008, la hausse des prix du pétrole s’était traduite en France par une augmentation de 46 % des prix des carburants et lubrifiants, de 62 % pour les engrais et de 38 % pour l’alimentation animale achetée ». De plus, selon l’étude “Suivi des facteurs de risques de crise alimentaire” datée de février 2011 et rédigée par Nicolas Bricas, chercheur au Cirad Montpellier, « le prix du pétrole contribue au prix des intrants et du transport ». L’étude indique qu’après être redescendu en 2009, le prix du phosphate repart à la hausse depuis 2010 (plus 60 % en un an). Celui de l’urée aurait augmenté de 35 % sur la même période. Au final, entre des fondamentaux haussiers sur le marché des engrais, liés à une augmentation des besoins en produits agricoles, et la hausse des cours de l’énergie, alourdissant les coûts de production des intrants, la fermeté des cours des fertilisants pourrait perdurer sur la prochaine campagne et les suivantes.

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