OGM : une étude de Greenpeace décrédibilise l’exemple espagnol
Contrairement aux idées reçues, l’Espagne n’est pas l’eldorado en matière de coexistence des cultures OGM, conventionnelle et biologique.
L’IMPOSSIBLE COEXISTENCE. C’est le titre du dernier rapport de l’association de protection de l’environnement, Greenpeace, en association avec Assembla Pagesa et Plataforma transgenics fora, deux organismes espagnols opposés aux cultures OGM. A travers une vingtaine de pages, ce sont «sept années de cultures d’organismes génétiquement modifiés et de contamination du maïs biologique et conventionnel en Espagne» que l’association écologiste décrit en se référant aux deux régions les plus emblématiques de la croissance des surfaces en territoire ibérique, seule région européenne à cultiver des variétés transgéniques de manière significative. Ce rapport, publié le 4 avril peu avant la conférence de Vienne consacrée à la coexistence, montre que l’Espagne est loin d’être un exemple à suivre en matière de coexistence des cultures, loin s’en faut. N’en déplaise à l’association européenne des bio- industries (Europabio) dont le directeur, Simon Barber, déclarait à Vienne que «la coexsitence des cultures OGM et non OGM est déjà une réalité en Espagne, sans problèmes avérés». Mais si les cultures transgéniques se sentent si bien de l’autre côté des Pyrénées, ce n’est pas le cas des productions biologiques ou conventionnelles.
Une situation proche de l’illégalité sur certains points
L’Espagne cultive des OGM commerciaux depuis 1998 avec plus de 22.000 hectares plantés. Il s’agit pour l’essentiel, des variétés de maïs Mon 810 (Monsanto) et Bt 176 (Syngenta) —que l’on trouve notamment dans les provinces de Catalogne et de l’Aragon— auxquelles s’intéressent particulièrement l’étude de Greenpeace. Stables en 2005, suite à la réduction des surfaces due à la sécheresse passée, les surfaces n’ont jamais cessé de croître depuis les premières plantations. Selon les autorités du pays, en 2005, ce sont près de 57.000 hectares de maïs OGM qui auraient été plantés. Toutefois, malgré ce fort développement de la filière transgénique, l’Espagne semble ignorer les règles bruxelloises en matière de dissémination volontaire d’OGM dans l’environnement. En effet, concernant l’information du public, la directive 2001/18 prévoit que «les Etats membres établissent des registres visant à enregistrer la localisation des OGM cultivés», ce dont l’Espagne s’est affranchie lors de sa transcription en droit national. Celui-ci se contente d’enregistrer la répartition des cultures, par communauté autonome et par province. Le droit européen précise également que le registre de cultures OGM doit être rendu public, et là aussi l’Espagne ne répond pas aux exigences communautaires.
Autre point soulevé par le rapport de Greenpeace, l’autorisation accordée à la culture des maïs transgéniques MON 810 et BT 176. Le premier, ayant été autorisé par l’Union européenne en 1998 dans le cadre de la directive 90/220, n’a pas été soumis aux règles plus contraignantes de la directive 2001/18, aujourd’hui en vigueur. Pour l’association écologiste, «l’analyse des risques du maïs MON 810 ne tient pas compte de certains aspects fondammentaux, tels que les effets à long terme sur la santé humaine et/ou animale, ou les impacts indirects ou différés sur l’environnement exigés par la directive 2001/18». Pour le maïs BT 176, produit par Syngenta, Greenpeace rappelle que l’Agence européenne de sécurité alimentaire a publié un rapport recommandant l’interdiction dès janvier 2005 de la culture de certains OGM parmi lesquels le BT 176. Ce à quoi le gouvernement espagnol a répondu en interdisant la culture de cette variété sur son territoire national. Toutefois, en permettant la vente de ces semences sans précision concernant leur mise en culture, l’état espagnol a plongé l’agriculture dans un flou juridique. In extremis, les autorités ont de nouveau interdit le maïs BT en l’excluant du registre espagnol des variétés sans se soucier du devenir des hectares préalablement plantés.
«Séparation, traçabilité et étiquetage : les grandes illusions»
La sixième partie du rapport souligne les lacunes de la gestion espagnole des cultures transgéniques et surtout de leur coexistence avec les autres types de production. Sont comptabilisés de nombreux cas de contamination de cultures biologiques au-delà du seuil de 0,9 % rendant obligatoire l’étiquetage mentionnant la présence d’OGM et entraînant ainsi le déclassement de la production. Dans les deux régions considérées, le rapport indique des taux de contamination de cultures bio allant de 0,07 % à 34 %. Cela s’explique par l’absence de respect de règles de sécurité comme une distance suffisante entre les parcelles transgéniques et conventionnelles ou bio. La traçabilité ne semble pas non plus être une priorité, «la plupart des coopératives ne différenciant pas le maïs conventionnel de l’OGM». Conséquence de ce laxisme, il «devient impossible d’acheter du fourrage non-OGM». Le cas des semences est aussi préoccupant, notamment en soja. Les producteurs bio dénoncent des conditions d’importation impropres à leur mode de production et surtout à leur débouché. En effet, les lots de semences en provenance des Etats-Unis sont rarement exempts d’OGM, et ce, même s’ils sont destinés à la culture biologique.
Opacité sur les expérimentations
Pour finir, le rapport s’attarde sur les conditions d’expérimentation des organismes génétiquement modifiés en Espagne. Là encore, le premier producteur d’OGM en Europe n’est pas l’exemple à suivre, selon Greenpeace. «Les expérimentations sont réalisées en plein champ, sans aucune mesure d’isolement par rapport à l’environnement immédiat, aux populations des alentours ou aux cultures voisines, alors que dans la plupart des cas, il s’agit de maïs non autorisé à la vente. Les distances de sécurité entre les parcelles ne sont pas respectées. Des variétés non-autorisées à la commercialisation sont mélangées à des variétés autorisées, le tout étant vendu comme «variété OGM autorisée», dénonce l’association de protection de l’environnement.
Au final, même si Greenpeace reste farouchement opposée aux organismes génétiquement modifiés, son rapport accrédite l’idée d’une législation européenne sur la coexistence des cultures transgénique, conventionnelle et biologique, pour permettre à ces deux dernières de perdurer et ainsi laisser le choix au consommateur.