OGM
Mon 810, AGPM et UFS contre-attaquent pour le droit de semer
Après le rejet du projet de loi visant à interdire la culture d'OGM, le gouvernement a publié un arrêté pour empêcher les semis de maïs Mon 810. L'AGPM, associée à l'UFS, n'entend pas en rester là et privilégie le recours juridique.

La commercialisation, l'utilisation et la culture des variétés de semences de maïs issues de la lignée de maïs génétiquement modifié Mon 810 (...) sont interdites sur le territoire national jusqu'à l'adoption (...) d'une décision définitive. » Ainsi, cette année encore, les producteurs français ne pourront pas semer de semences transgéniques de maïs sur leurs parcelles. Potentiellement, quelques hectares d'OGM pourraient avoir été emblavés puisque l'arrêté n'a été publié que le 15 mars au Journal officiel, après le début de la période des semis, favorisés par un climat ensoleillé. Alors que le texte rédigé dans l'urgence par le gouvernement – après le rejet par le Sénat d'un texte de loi allant dans le même sens – fait référence à de nouvelles études scientifiques concernant le Mon 810, l'Association générale des producteurs de maïs (AGPM) et l'Union française des semenciers (UFS) ont fait savoir qu'elles attaqueraient l'arrêté.”
Recours en référé suspension
Considérant qu'aucun nouvel élément scientifique n'est apporté dans l'argumentation de l'arrêté du 14 mars visant à interdire la culture du maïs Mon 810, l'AGPM et l'UFS entendent lever suspension des semis OGM. « L'arrêté mentionne effectivement de nouveaux documents ou études, mais ceux-ci n'apportent pas d'éléments nouveaux par rapport aux précédentes interdictions que le Conseil d'État a rejeté », explique Luc Esprit, directeur général de Maïz'Europ'. Deux recours seront donc déposés par les producteurs de maïs, auxquels se DR sont associés les semenciers français. Un sur le fond, dont les conclusions ne seraient rendues qu'après plusieurs mois, et un en référé suspension auprès du Conseil d'État qui devrait être déposé la semaine prochaine. « Si la demande est recevable, le Conseil d'État pourrait rendre une décision sous quinze jours », estime Luc Esprit. La porte s'ouvrirait alors aux semis de maïs OGM pour quelques semaines, jusqu'à la mi-mai. Quoi qu'il en soit, le gouvernement prépare une nouvelle loi, suite au rejet rapide d'un premier projet en février dernier par le Sénat.
Argument scientifique contesté
Selon le minsitère de l'Agriculture, de nouveaux éléments scientifiques plaident en faveur d'une ré-interdiction de l'OGM de Monsanto. L'arrêté met en avant des publications récentes et un avis de l'Aesa, dont il ressort que « la culture du maïs Mon 810 est susceptible de présenter un risque important mettant en péril de façon manifeste l'environnement, ainsi qu'un danger de propagation d'organismes nuisibles devenus résistants, en l'absence de mise en œuvre de mesures de gestion susceptibles de limiter ces risques ». Des éléments déjà présents dans le projet de loi retoqué par le Sénat. Le 20 février, George Pelletier, président du Conseil scientifique de l'AFBV et directeur de recherche honoraire de l'Inra, qui a longtemps travaillé au sein du département de Génétique et Amélioration des plantes, a adressé une lettre au gouvernement, selon laquelle le projet d'arrêté « s'appuie sur de faux arguments scientifiques nouveaux ». Par exemple, la publication Campagne et al., « qui met en évidence un mécanisme de résistance dominante à la toxine Cry1Ab chez l'insecte ravageur Busseola fusca … », n'est pas recevable, ce papillon n'étant présent qu'en Afrique subsaharienne. La publication Holst et al. (10 février 2013), établissant « que le pollen de maïs Mon 810 peut conduire à une mortalité accrue des larves d'une espèce de papillon, Inachis io, répandue en France », a « été immédiatement contestée, les paramètres utilisés par Holst et al. étant particulièrement irréalistes », argue le scientifique. Les autres publications citées dans l'arrêté n'apporteraient pas plus d'éléments, selon le chercheur.
Selon un document de la FAO paru le 20 mars, « l'intensification des cultures GM de par le monde a donné lieu à une augmentation d'incidents liés à la présence d'OGM en faible quantité dans les denrées alimentaires et aliments pour animaux faisant l'objet d'échanges internationaux ». L'enquête met en avant plusieurs éléments : « signalement de 198 incidents de faibles quantités d'OGM décelées dans des cultures non GM entre 2002 et 2012 ; bond du nombre de cas (signalement de 138 des 198 épisodes) entre 2009 et 2012 ; cargaisons comportant de faibles quantités d'OGM en provenance principalement des États-Unis, du Canada et de la Chine; la majorité des incidents concernaient les graines de lin, le riz, le maïs et la papaye. »
Peu de risques de surfaces importantes plantées en OGM cette année selon l'AGPM
Les quelques jours précédents la publication de l'arrêté ont pu permettre à certains producteurs d'utiliser des semences de maïs Mon 810. Et, si le recours en référé supension atteint son but, ceux-ci bénéficieront de quelques jours supplémentaires pour en semer. Toutefois, si près de 25.000 ha avaient été cultivés en 2007, Luc Esprit estime que les surfaces seraient marginales cette année. « Monsanto a indiqué ne pas commercialiser de semences cette année et l'arrêté était attendu par la filière », explique Luc Esprit.
« En tant que coopérateur, nous ne pouvons prendre le risque de faire semer des OGM, mais il existe une demande dans ce sens de la part des producteurs », regrette, pour sa part, Christian Pees, président de la coopérative Euralis, basée dans le sud de la France. En 2007, la nutrition animale espagnole constituait le débouché principal des maïs OGM de cette zone de production.