Méthanisation : l'incorporation de CIVE doit rester illimitée
La profession agricole estime le développement de la méthanisation à la ferme en retard. Les objectifs ne pourront être atteints sans le recours aux cultures végétales.

« Nous pourrons développer la méthanisation quand on nous en donnera les moyens. Actuellement, nous nous éloignons de plus en plus des objectifs », a alerté Olivier Dauger, président de la FDSEA dans l'Aisne et spécialiste de la méthanisation, lors d'une conférence de presse à Paris, traitant de l'état des lieux de la filière. Selon le cabinet d'étude E-Cube, environ 50 méthaniseurs par an ont été créés entre 2006 et 2014 (cf. graph). Insuffisant pour atteindre les 1.000 méthaniseurs à la ferme à l'horizon 2020. Pour y remédier, il faut que « la loi de Transition énergétique votée cet été soit respectée ».
Le gouvernement souhaiterait limiter l'usage de CIVE
Selon l'expert du syndicat agricole, le gouvernement souhaiterait, dans sa dernière proposition transmise aux acteurs de la filière il y a quelques semaines, ne plus faire la différence entre cultures alimentaires et cultures intermédiaires à vocation énergétiques (CIVE). Ce qui est contraire à l'article 112 de la loi votée le 18 août. D'après ce dernier, les cultures alimentaires peuvent être introduites dans les méthaniseurs dans la limite d'un seuil défini par décret, prévu pour 2016. De leur côté, les CIVE sont autorisées sans limites particulières. Si la nouvelle proposition du gouvernement était appliquée, le seuil d'utilisation de cultures végétales intégrerait cultures dédiées et CIVE (on parle actuellement de 15 % à ” 20 %), réduisant les volumes totaux de végétaux incorporables dans les méthaniseurs.
Des blés atteints de mycotoxines ont dû être incinérés.
Or, « pour favoriser la filière, il faut donner de la flexibilité aux agriculteurs », renchérit Olivier Dauger. Ce dernier explique que certaines zones ne disposent que de peu de ressources autres que les cultures végétales, limitant le potentiel de développement. Et de préciser que l'an dernier, les conditions climatiques ont entraîné l'ap-parition de mycotoxines sur certains lots de blé. Inutilisables pour l'alimentation humaine ou animale, ils ont dû être incinérés.
Des méthaniseurs obligés d'acheter des biodéchets
Un marché du déchet est en train de se créer, rappelle Olivier Dauger. Dans les zones frontalières, de la biomasse est aspirée par la Belgique notamment. Les OS, qui se débarrassaient jadis gratuitement des issues de silos, les vendent aujourd'hui. Limiter l'utilisation de CIVE pourrait contraindre les agriculteurs à se tourner davantage vers l'achat de matières extérieurs, auprès d'OS ou d'industries agroalimentaires, plutôt que de les produire lui-même à bas coût.