Aller au contenu principal

Engrais
L'Unifa reste sereine face aux tensions sur le gaz

Alors que l'UE est encore très dépendante de la Russie en matière d'approvisionnements en gaz naturel, le conflit avec l'Ukraine interroge quant à un éventuel impact sur le marché des engrais français. Le gaz de schiste US pourrait-il être une alternative ?

« Le gaz naturel est la matière première et la source d'énergie des engrais azotés, rappelle Gilles Poidevin, délégué général de l'Unifa. Il représente 85 % du prix de revient de l'ammoniac et 6065 % du prix de vente des produits finis. »

Le 21 mars, Vladimir Poutine a officiellement signé le processus d'annexion de la Crimée et de la ville portuaire de Sébastopol, appartenant précédemment à l'Ukraine. Gazprom, le géant russe du gaz, a menacé d'interrompre ses ventes à l'Ukraine, en raison de la dette de cette dernière s'élevant à 1,89 Md $. Par ailleurs, la Russie souhaite mettre fin aux rabais jusqu'ici offerts à l'Ukraine pour son gaz. Elle demande donc 480 $ ” pour 1.000 m3 , au lieu des 270 $ précédemment conclu. L'Ukraine refuse pour l'instant de plier. Or le réseau de gazoducs ukrainiens assure le transit de plus de la moitié des achats de gaz de l'UE à la Russie.

Nous craignons une concurrence accrue des solutions azo-tées US sur 2014/2015.

Ces récentes tensions entre la Russie et l'Ukraine ont réveillé les craintes d'une nouvelle « guerre du gaz ». Cela a également relancé le débat sur le besoin de l'UE de trouver des alternatives au gaz russe, le gaz naturel liquéfié (GNL) des États-Unis étant parmi les favoris.

Peu de risque d'un moindre approvisionnement du secteur des engrais français

Si la Russie assure entre 25 et 30 % des besoins de l'UE, les taux de dépendance sont très variables selon les États-membres : quasi-nul en Belgique à presque 100 % dans certains pays d'Europe de l'Est. En France, il est d'environ 15 %, la majorité de nos besoins étant couverts par la Norvège (quasiment 40 %), les Pays-Bas (environ 15 %) et l'Algérie (8-9 %). Suite aux deux « guerres du gaz » de 2006 et 2009, les pays européens ont tenté de s'adapter et davantage sécuriser leurs approvisionnements. De nombreux États ont investi dans des capacités de stockage plus importantes, et les stocks actuels seraient relativement élevés. Gazprom a mis en place de nouveaux gazoducs, via la Biélorussie et la mer Baltique jusqu'en Allemagne. Baptisé Nord Stream, il a eu pour effet de réduire la dépendance de l'UE pour le gaz passant par l'Ukraine. Le géant russe des hydrocarbures devrait également démarrer en 2015 son projet de gazoducs via la mer Noire : le South Stream. Il permettra à toutes ses exportations vers l'UE de contourner l'Ukraine.

Mais, surtout, « les industriels des engrais sont bien vus par les distributeurs car ils ont une demande très stable sur l'année, avec des usines qui travaillent en continu, et des contrats long terme, estime Gilles Poidevin. La consommation de gaz pour l'industrie française des engrais azotés ne correspond qu'à 3 % de la consommation hexagonale. »

Certes, les conflits précédents avaient entrainé des arrêts d'usines d'engrais en Pologne et dans les pays baltes, mais on ne devrait pas en arriver là car nous sortons de la période la plus consommatrice en gaz (novembre à mars) et cet hiver a été particulièrement doux.

La production massive de gaz de schiste US suscite plus de craintes que d'espoirs

En ce qui concerne le désir de certains de voir les États-Unis autoriser les exportations de GNL en Europe, un premier pas vient d'être franchi, mais les obstacles sont encore nombreux. D'une part, si Barack Obama, vient enfin d'accorder des licences d'exportation importantes de GNL, les entreprises américaines concernées effectueront leurs ventes via le marché mondial. Les États-Unis vont surtout exporter sur l'Asie, où le prix est 50 % plus cher qu'en Europe. D'autre part, « la France est encore mal équipée pour réceptionner du gaz naturel liquide », explique Gilles Poidevin. Les seules installations existantes se trouvent à Dunkerque, Montoir et Fos-sur-Mer.

L'UE pourrait aider l'Ukraine à se fournir en gaz

Le 2 avril, les États-Unis et l'UE vont se réunir à Bruxelles afin de discuter des moyens d'aider l'Ukraine, d'une part, à régler sa dette gazière à Gazprom et, d'autre part, à sécuriser ses approvisionnements. Il s'agit d'acheter un maximum de gaz russe avant que Vladimir Poutine n'impose une hausse des prix, et le cas échéant lui fournir du gaz.

L'UE s'est engagée à renverser le flux de certains gazoducs si nécessaire. Quelque 2 Mdm3 pourraient venir de la Pologne et la Hongrie, et entre 3 et 8 Mdm3 de la Slovaquie, selon Günther Oettinger, commissaire européen à l'Énergie. Pour rappel, Kiev consomme 50 Mdm3 de gaz par an, dont 30 Mdm3 acheté à la Russie.

Le fort développement du gaz de schiste aux Etats-Unis susciterait même plutôt des craintes dans le secteur français des engrais. « Les solutions azotées (engrais liquides, NDLR) représentent un marché de 2 Mt en France, le plus gros marché européen. En 2013, ce ne sont pas loin de 100.000 t d'origine américaine qui sont rentrées, contre quasiment aucune auparavant, alerte le délégué général de l'Unifa. C'est la forme d'engrais la plus facile à transporter et cela représente beaucoup moins d'investissements que d'importer du GNL. » L'industrie française est, elle, concentrée sur les engrais solides, avec l'ammonitrate, qui restent majoritaires. « Notre secteur se porte globalement bien, mais nous craignons une concurrence accrue des solutions azotées US sur 2014/2015. Pour l'instant, il n'y a aucun droit de douanes, mais nous sommes en train de regarder s'il serait possible de monter un dossier de droits anti-dumping. »

Les plus lus

Engrais chimique en granulé
Marché des engrais : demande encore timorée et prix en repli

Dans un contexte de cours du blé français au plus bas et des trésoreries affectées dans les fermes, l'activité est limitée.

La main d'une personne avec une poignée de blé au dessus d'un tas de blé.
Récolte 2025 : une bonne qualité des blés français et des exportations tirées par le Maroc

À l’issue de son conseil spécialisée de la rentrée le 17 septembre, FranceAgriMer a présenté la mise à jour de ses…

Philippe Heusele, secrétaire général et Éric Thirouin, président de l'AGPB, lors de la conférence de presse de rentrée le 16 septembre 2025
Prix du blé : les producteurs demandent une revalorisation des prix d’intervention

Lors de la conférence de presse de rentrée de l’AGPB le 16 septembre, les représentants de la profession ont fait part de leur…

Portrait d'Olivier Duvernoy, président de l’Aemic.
« L’Aemic, le réseau des filières céréalières, est aujourd’hui la plateforme de tous les professionnels du secteur des grains »

Olivier Duvernoy, président de l’Aemic, revient sur les évolutions que l’ancienne association des élèves de l’école de…

Antoine Hacard, président de La Coopération agricole - Métiers du grain et Catherine Matt, directrice
La profession céréalière se réjouit de la levée des taxes sur les importations d'engrais états-uniens

L’AGPB et La Coopération agricole – Métiers du grain s’inquiètent de la remontée des prix des engrais depuis le printemps, et…

Culture de soja.
La profession agricole veut profiter du nouveau report du RDUE pour le simplifier

Pour la seconde fois, la Commission européenne propose de reporter d’un an l’entrée en application de la RDUE, la…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 958€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site La dépêche – le petit meunier
Bénéficiez de la base de cotations en ligne
Consultez votre revue numérique la dépêche – le petit meunier
Recevez les évolutions des marchés de la journée dans la COTidienne