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Loi d’orientation agricole : vers une profonde refonte du modèle français

Création du fonds agricole et cessibilité du bail rural sont les principales mesures de la Loi d’orientation à venir présentée par Dominique Bussereau.

«UNE VÉRITABLE POLITIQUE agricole nationale volontaire» pour que «la France garde sa place de grand pays agricole». Telle est l’ambition de cette nouvelle loi d’orientation agricole (LOA) que Dominique Bussereau, ministre de l’Agriculture, a présenté au Conseil supérieur d’orientation (CSO) du 29 mars dernier. Même si le texte n’est pour l’instant qu’une ébauche de la nouvelle loi, il laisse apparaître une importante refonte de l’agriculture française davantage tournée vers la compétitivité, notamment au travers de la création du fonds agricole et de la cessibilité du bail rural. Le ministre tient à ce que le texte final soit «très court, avec une vingtaine d’articles renvoyant à des ordonnances pour simplification, mais avec un exposé des motifs assez long». Au moment même où est bouclée cette édition de La Dépêche/ Le Petit Meunier, une communication officielle de cette loi doit se tenir devant la section agricole du Conseil économique et social (CES). Toutefois, les grandes lignes présentées ci-dessous ne devraient pas être bouleversées. Le calendrier d’adoption de la loi est arrêté. Le mois d’avril servira a recueillir les critiques, les améliorations ou les modifications possibles proposées par les organisations professionnelles agricoles ou par tous ceux qui se sentent concernés par la nouvelle loi. Le gouvernement devrait saisir le conseil d’Etat fin avril. Il présentera la loi au conseil des Ministres du 11 au 18 mai, a indiqué Dominique Bussereau qui a reconnu qu’il «y a encore des textes en discussion avec Bercy». L’objectif du ministre est le passage en première lecture au Parlement avant la fin de la session parlementaire pour qu’elle puisse être adoptée avant fin 2005.

L’entreprise agricole se modernise pour s’adapter à la tendance libérale

La loi, selon le document gouvernemental, s’articulera suivant quatre parties, la première étant consacrée à «moderniser le statut de l’entreprise agricole».

Cette modernisation passera par la défense «de principes fédérateurs» et non plus «d’un modèle unique». Selon le texte, les structures se sont fortement diversifiées avec des «trajectoires» différentes. L’objectif est maintenant «de favoriser le développement d’un tissu d’exploitations compétitives susceptibles de s’adapter aux évolutions économiques, de s’intégrer dans le territoire et de proposer aux agriculteurs des conditions de travail et de revenu comparables au reste de la population». Dans cette optique, il faut que «l’exploitation tende de plus en plus à devenir cohérente et autonome, une véritable entreprise, qui est organisée autour d’un projet économique dont la pérennité est le plus possible indépendante des personnes», précise le document. La loi devrait aussi atténuer l’importance du lien familial dans l’entreprise agricole, au profit de la qualité d’associé. Ainsi le texte énonce que «l’exigence de compétitivité, les attentes en matière de revenu et de conditions de travail rendent nécessaires de promouvoir de façon plus volontariste l’exploitation agricole en société et d’innover vers de nouvelles formes de travail en commun». A cette fin, «le régime fiscal des EARL sera adapté pour permettre le maintien du régime fiscal des personnes pour chacun des associés, que ceux-ci aient ou non des liens de familles entre eux». Par ailleurs, «une réflexion sera engagée sur les conditions d’accès à l’ensemble des aides agricoles, notamment celles du second pilier de la Pac, de façon à prendre en compte l’ensemble des associés exploitants pour la détermination des plafonds d’aides. Ceci nécessite avant tout des modifications d’ordre réglementaire», explique la note gouvernementale.

Création du fonds agricole, cessibilité du bail rural et installation facilitée

Viennent ensuite les points les plus importants de cette loi. La création du fond agricole, récemment annoncée par le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, devant le Congrès de la FNSEA est confirmée. «Le fonds agricole comprendra l’ensemble des biens corporels et incorporels nécessaires à l’entreprise. Les dispositions législatives et réglementaires nécessaires à ce qu’il puisse être nanti et cédé en location-gérance seront prévues en tant que de besoins. Son régime fiscal sera déterminé par similitude avec les dispositions spécifiques déjà en vigueur pour les fonds de commerce», précise le texte. Pour le gouvernement, l’adoption de cette mesure dans la loi d’orientation est poussée par la nécessité «d’offrir les moyens juridiques et fiscaux permettant d’appréhender les facteurs de production corporels de façon globale, notamment en ce qui concerne sa transmission et son financement». Le fonds agricole viendra ainsi compléter la forme sociétaire qui répondait en partie à ces buts.

Ensuite, la cessibilité du bail rural tant redoutée par une bonne part du monde agricole est également confirmée dans le document du ministère de l’Agriculture. Elle intervient dans la mesure où «le statut du fermage apparaît dans certaines situations comme rigide et contraignant au regard de l’évolution du contexte de l’agriculture». C’est le cas notamment concernant les dispositions relatives à la transmission d’une exploitation hors du cadre familial qui conduisent au «démantèlement des exploitations sans successeur familial et à l’obligation pour les jeunes non issus du milieu agricole qui souhaitent s’installer de reconstruire une exploitation à chaque génération». Ainsi le projet de loi prévoit qu’«il sera ouvert la possibilité de rendre le bail cessible avec l’accord de chacune des parties. Dans ce cas, le bail devra être conclu pour une durée minimale et sera cessible mais son renouvellement ne sera pas automatique. Son prix sera fixé de façon plus souple que celui du bail actuel».

D’autre part, la procédure du contrôle des structures se verra simplifiée grâce à une «redéfinition du champ des opérations soumises à contrôle». Pour cela, les agrandissements modestes seront exemptés, les fourchettes dans lesquelles les départements peuvent définir les seuils de contrôle seront relevées, et enfin, le préfet pourra décider de ne pas soumettre certains types d’opérations à contrôle.

Pour finir, plutôt que de «reconstruire une exploitation», la loi d’orientation agricole tend à «promouvoir l’installation en société, à rendre possible transmission et reprise, dans des conditions économiques acceptables pour tous, de tout ou partie d’une exploitation et à favoriser la mise en place de projets innovants créateurs d’emplois». Pour répondre à cette ambition, «au delà des mesures fiscales d’ordre général, il sera mis en place un plan crédit transmission, destiné à faciliter la transmission progressive d’une exploitation en accordant des avantages fiscaux au cédant qui accepte que le paiement d’une partie de la reprise soit différé dans le temps. En contrepartie de ce différé d’une partie de paiement, le repreneur verse au cédant une rémunération sur laquelle porte les avantages fiscaux».

Plus de compétitivité des entreprises et d’organisation économique

La seconde partie du texte présenté au CSO est tournée vers l’amélioration de la compétitivité des entreprises par la valorisation des produits et la baisse des charges, et vers l’organisation des marchés.

De nouvelles mesures de soutien vont ainsi apparaître pour assurer le développement des formes de valorisation non-alimentaire de la biomasse. Les biocarburants sont bien entendu visés par ces mesures mais pas seulement.

Dans cet esprit, la nouvelle loi d’orientation prévoit «d’inscrire dans la durée le montant des incitations fiscales à l’incorporation de biocarburants». La filière bois n’est pas oubliée puisque «le taux de TVA à 5,5 % sur le bois énergie sera généralisé». Il sera possible pour les activités forestières et agricoles de «participer aux mécanismes de marché pour la réduction des gaz à effets de serre». Le gouvernement pourra aussi légiférer par ordonnance afin «d’inscrire cette valorisation de la biomasse dans les missions de divers organismes». Pour finir, le texte de loi prochain entend créer une mission ministérielle pour «favoriser la valorisation de la biomasse et le développement des utilisations non-alimentaires».

Pour la réduction des charges, «une concertation sera ouverte avec les représentants des collectivités territoriales en vue de réformer la taxe sur le foncier non bâti, dans un objectif d’élimination progressive pour les exploitants agricoles et dans le souci de préserver les ressources propres des collectivités locales concernées».

Le texte en préparation s’intéresse également à l’organisation de l’offre en adaptant et en renforçant les organisations de producteurs (OP) pour «permettre un regroupement efficace de l’offre et répondre ainsi sur le plan commercial aux évolution de l’environnement économique». Ainsi la loi limitera «avec un délai de 24 mois la constitution des OP aux seules formes juridiques permettant le transfert de propriété». S’agissant des interprofessions, elles pourront se structurer en sections par produits». Leurs missions seront élargies, «notamment en matière de gestion des crises et de valorisation alimentaire et non alimentaire des produits. Quant à la coopération, elle sera «rénovée». «Un conseil de la coopération sera créé, le statut de la coopération sera modernisé afin d’améliorer la transparence et la gouvernance des coopératives et d’assurer une gestion plus dynamique de leur capital social et le tourner vers les investissements les plus porteurs.»

La nouvelle loi proposera aussi de rénover les instruments de gestion des risques. Il y est prévu de «faciliter le financement des investissements des entreprises agricoles» en portant le plafond commun DPI/DPA de «21.200 euros à 26.000 euros». «La DPA sera adaptée, en liaison avec l’assurance récolte», précise le texte de présentation de la LOA. Dernière mesure, la mise en place «d’une structure de gestion des risques propre à l’agriculture et à la forêt».

Répondre aux attentes de la société et simplifier l’encadrement agricole

Directement visés par la troisième partie du projet de la LOA, les concitoyens, en tant que consommateurs, bénéficieront de la création «d’une structure indépendante chargée de l’évaluation des risques des produits phytosanitaires et fertilisants de l’agriculture». Par ailleurs, concernant les signes officiels de qualité, il est prévu d’en «améliorer la lisibilité pour le consommateur et l’accessibilité pour le producteur sans pour autant dégrader la rigueur qui fonde leur crédibilité». A l’attention des citoyens, la future LOA devrait favoriser la «promotion des modes de gestion adaptés pour les terres agricoles à fort intérêt environnemental», sans remettre en cause le statut du fermage. Elle insiste de plus sur l’importance de parvenir à «une meilleure protection de l’espace agricole dans les zones à forte pression foncière».

Enfin, la quatrième et dernière partie du texte de présentation de la nouvelle loi d’orientation agricole présente quatre voix pour «simplifier et moderniser l’encadrement administratif et institutionnel de l’agriculture». La première propose de «rénover les modes de concertation entre l’Etat, les collectivités territoriales, les organisations professionnelles et les partenaires du monde agricole», notamment en faisant «évoluer le fonctionnement des CDOA (Commission départementale d’orientation agricole) pour renforcer leur rôle d’orientation». Sont ensuite évoquées la simplification et l’amélioration de l’efficacité de l’organisation de la gestion des aides de l’agriculture, une plus grande cohérence du dispositif de recherche-formation-développement, et pour finir, la mise en place de mesures spécifiques en faveur des régions ultra-marines.

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