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Les producteurs, derniers défenseurs des biocarburants

Alors que nombre de voix s’élèvent contre l’utilisation des céréales pour fabriquer les biocarburants, les filières françaises tentent de s’expliquer

RIPOSTE. Depuis le début des émeutes de la faim due à l’extrême fermeté des marchés agricoles, les producteurs de céréales et oléoprotéagineux destinés à la fabrication de bioéthanol ou de biodiesel n’en finissent plus d’essuyer les critiques. Lassés d’être tenus pour responsables de la famine dans certaines régions du monde, ils réagissent au travers de deux communiqués pour « rétablir certaines vérités ».

Les producteurs ne se laissent plus faire

« Quand on fait du biofuel à partir de productions agricoles alimentaires, un vrai problème moral se pose », déclarait l’actuel directeur du Fond Monétaire International, Dominique Strauss Kahn, sur Europe 1 le 18 avril dernier. Des propos « hallucinants et inacceptables » pour Jean-François Loiseau, président du groupe Bioéthanol pour Passion Céréales. « Tenir de tels propos, c’est faire preuve d’une profonde incompétence et méconnaissance du dossier », dénonce-t-il, expliquant qu’en Europe, « l’utilisation de céréales pour la production de bioéthanol ne représente que 500.000 tonnes de blé sur une récolte de 65 Mt ». Dans un communiqué du 16 avril, la filière Bioéthanol assure « que le modèle français et européen n’a pas d’impact sur la sécurité alimentaire ». Pour les producteurs, les objectifs européens (10% dans l’Union européenne en 2020) sont « raisonnables ». « L’objectif national qui vise à incorporer 7 % de bioéthanol dans l’essence en 2010 nécessite à peine 3 % des surfaces agricoles cultivées », argue le communiqué de Passion Céréales. La filière Diester est également montée au créneau dans un communiqué du 21 avril.

Pour cette dernière, la production de biodiesel, issu de graines de colza et de tournesol français, « n’affame pas la planète ». Cette production favoriserait même « la disponibilité mondiale de matières premières alimentaires », selon le document. « Pour chaque litre de Diester produit en France, 1,5 kg d’aliment pour les élevages est produit sous forme de tourteau » de colza ou de tournesol. Un aliment « riche en protéines, qui remplace le tourteau de soja traditionnellement importé du continent américain », assure le communiqué. Ainsi, d’ici 2010, ce sont 2,5 Mha d’oléagineux qui seront produits pour incorporer 7 % de Diester dans les Gazoles. Ceci débouchera sur la production de 3,5 Mt de tourteaux, d’où un report conséquent sur le marché mondial de tourteau de soja.

Les biocarburants, bouc-émissaire

Pour Diester Industries comme pour Passion Céréales, les raisons de la crise alimentaire actuelle sont ailleurs. « La cause essentielle réside dans le retard pris depuis dix ans dans le développement de l’agriculture mondiale, notamment dans les pays en voie de développement, dont la sécurité alimentaire est d’autant plus sensible aux aléas climatiques », juge Passion Céréales. Pour J.-F. Loiseau, le problème est connu depuis longtemps. « Ca fait plus de 20 ans que l’on sait qu’il y a un problème de déséquilibre entre le Nord et le Sud, où les politiques agricoles et de bonnes infrastructures logistiques sont absentes», lâche-t-il. Et de s’en prendre aux donneurs de leçon : « le FMI parle de moralité, qu’attend-il pour convertir les intérêts de la dette des PVD ou PMA en faisant de la coopération ? ». « Certains parlent de crime contre l’humanité au sujet de la production de biocarburants, mais quand l’agriculture biologique laisse échapper 4 à 5 t/ha de blé de façon idéologique, on ne dit rien », conclut J. F. Loiseau.

Léger soutien du gouvernement

En marge du forum international de l’énergie, Jean-Louis Borloo, ministre de l’Ecologie, a précisé la position française sur les biocarburants : « Cap sur la deuxième génération de biocarburants, et pause sur de nouvelles capacités de production ». Le ministre a ajouté que les investissements déjà lancés pour la première génération seraient « honorés ». D’autre part, il souhaite que les biocarburants importés « respectent les normes de travail internationales », permettent « des réductions d’émissions de CO 2 » et remplissent « des critères de durabilité dans leur production ». Enfin, il a déclaré qu’il fallait « amplifier la recherche sur la deuxième génération pour que ces biocarburants ne soient en aucun cas en concurrence avec des sites agroalimentaires ». De son côté, Dominique Bussereau, secrétaire d’Etat chargé des Transports, a confirmé les propos du ministre de l’Ecologie le 23 avril, jugeant qu’il ne fallait « pas interrompre le mouvement en cours sur les biocarburants », « mais sans engager d’usine nouvelle », rappellant qu’une « vingtaine » de sites sont prévus sur le territoire.

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